Jardin de Myrtes. Mélodies andalouses du Moyen-Orient · رياض  الآس
L'Ensemble Aromates



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Les chants de la terre, Alpha 515
2004






01 - Ouverture Nawa Athar   [7:24]

02 - Jardin de Myrtes   [4:53]

03 - Démarche voluptueuse · Epris d'une gazelle   [8:52]

04 - Taille de rameau   [5:07]

05 - Une nuit si longue   [4:07]

06 - S'éloigner de moi   [5:43]

07 - Epée tranchante   [5:58]

08 - Ritournelles   [4:06]

09 - Chanteur de taverne   [4:34]

10 - Les bras d'une gazelle   [5:20]

11 - Ivresse   [3:44]

12 - Les yeux noirs   [6:40]

13 - Minimaroc   [5:50]




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L'ensemble Aromates
Michèle Claude

Isabelle Duval, flûtes
Jean-Baptiste Frugier, violon
Jean-Lou Descamps, vièle à archet & violon alto
Françoise Enock, vièle à archet, colascione & viole de gambe
Julien Blanchard, contrebasse
Freddy Eichelberger, épinette & organetto
Elisabeth Seitz, psaltérion
Michèle Claude, zarb, daff, reqq, darbouka, castagnettes, bendir, tambour de basque, tambourello, grelots


Invités

Massimo Moscardo, guitare baroque & archiluth
Epris d'une gazelle, Taille de rameau, S'éloigner de moi, Chanteur de taverne

Mazyar Izadpanah, ney iranien · Les bras d'une gazelle

Mael Guezel, daff & zarb

Enregistré en octobre 2004 à Paris
Chapelle de l'hôpital Notre-Dame de Bon Secours
Prise de son & montage  Manuel Mohino






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L'ANDALOUSIE «RÉEL PARADIS PERDU»

Les sept siècles de présence arabe en Espagne, de 711 à 1492, ont permis la naissance d'une civilisation dont témoignent Cordoue, Grenade ou Séville, et où vivaient en harmonie les trois religions monothéistes et des peuples d'origines diverses. Le terme «Andalousie», vient du mot arabe «al-Andalus» qui lui-même provient du mot wisigoth «Landahlauts», et «Vandalusia» nom que les Vandales lui donnèrent au Ve siècle, désignant un pays qui couvre une grande partie de la péninsule Ibérique, l'Espagne et le Portugal actuel.

La musique andalouse est le brassage de trois éléments :
- Une musique apportée par des musiciens venus du Moyen-Orient.
- Une musique maghrébine apportée par des Berbères.
- Une musique locale Ibérique.

Cette fusion entre les pays de l'est et de l'ouest de la méditerranée donnera l'impulsion au développement de l'art musical moyen-oriental et occidental. Le poète Ibn'abd Rabbeh-de-Cordoue (860-940), insistait sur l'origine orientale de cette expression et considérait que l'art musical autochtone était encore inexistant.

Depuis toujours, en Orient et en Occident, on s'est intéressé à la musique andalouse en donnant une grande importance à la personnalité unique du musicien Ziryâb qui serait à l'origine de l'héritage andalou, il en devient même le symbole dans la conscience arabe et son parcours avivera l'amour pour la musique. Esclave affranchi, poète, musicien et chanteur de génie, il représentait le courant moderniste de l'école de Bagdad au temps du calife Haroun Al-Rashid. Jalousé par son maître Is'haq al-Mawsili, il prend la fuite et se fixe à Cordoue en 822. Il y enseigne la musique et le chant en insistant sur la concordance des syllabes et de la musique. Il est le premier à initier des servantes et des courtisanes à l'art du chant arabe.

Il aurait aussi introduit plusieurs modes inconnus auparavant en Andalousie, pourvu l'oud de sa cinquième corde, inventé le plectre, composé dix mille chansons et élaboré une méthode d'enseignement pour le chant. Ziryâb est présenté comme un héros civilisateur qui tel un magicien fait surgir tout le patrimoine musical andalou et la science des nawba-s (nouba-s). Cet homme doué d'un raffinement extraordinaire étend ses activités à d'autres domaines: l'astronomie, l'agriculture, il aurait introduit la culture de l'asperge en Espagne et remplacé les coupes de métal par des coupes en verre...

La forme de nawba (nouba), mot qui signifie «attendre son tour», les musiciens se relayant pour chanter, était déjà connue avant l'arrivée de Ziryáb en Andalousie mais il fut le premier à enchaîner plusieurs pièces dans un concert. Il a pu de cette façon préparer et innover l'idée de la «suite».

Le muwasesh'shah, qui est un poème chanté en forme de broderie est aussi la création de Ziryâb et de ses successeurs. L'historien andalou Ibn Khaldoun (1332-1406) lui assigne une place de prédilection dans la construction musicale de l'Andalousie.

Les Orientaux qui avaient vraisemblablement jadis une préférence pour le chant syllabique, vont développer en Andalousie leur goût pour le chant mélismatique. Le rôle de Ziryáb-de-Cordoue est davantage considéré comme l'élément de l'édifice andalou. Par conséquent, la construction de l'échafaudage musical ne sera réalisé que par des apports multiples sur une période de près de quatre siècles. Ziryâb n'a pu être égalé, ni dépassé; les musiciens qui lui ont succédé n'ont donc cessé de reprendre son héritage.

Le muwash'shah qui se définit avant toute chose par sa musique qui conditionne le texte, est d'abord pensé musicalement. Il libère peu à peu la poésie arabe classique de ses structures pesantes et fait surtout évoluer la musique.

Plus tard, l'Orient à son tour va importer et cultiver le même muwash'shah, cet art qui va s'installer pour toujours dans le répertoire savant des nawba-s et des wasla-s.

S'il a existé une relation entre la musique andalouse et celle des troubadours et trouvères d'Occident, c'est certainement à cette époque.
Le répertoire andalou insère à l'intérieur des poèmes chantés des syllabes qui n'ont aucun sens. Elles se glissent dans le chant et obéissent à certaines règles puisqu'elles tombent à des moments précis. Ces syllabes issues de la tradition orale ont reçu le nom de tarâtîn, onomatopées désignant les syllabes sans signification (genre: ya-la-lal-li ou ya-la-la).

Le concert (nawba) en Andalousie fait se succéder quatre mouvements:
Nashîd (hymne), pièce d'ouverture sur rythme défini, suivi du basît (simple ou lent), puis viennent les pièces dénommées muharrakât (les mobiles) ou ce qui fait bouger, remuer pour désigner un mouvement vif de la suite de concert et porterait à la danse, et enfin ahâzij (les chants).

Le terme de «suite» apparaît pour la première fois en 1557, en France dans un recueil de Pierre Attaignant - éditeur de musique - intitulé: Suyttes de bransles. La suite devient dès lors une réalité de la musique en Europe et la base de la future symphonie. Elle verra son plein épanouissement au XVIIIe siècle avec Jean-Sébastien Bach. Que l'idée de la suite se soit fortement développée en Andalousie, c'est une évidence bien que figurait déjà dans un écrit de la fin du Xe siècle à Bagdad.

La structure rythmique est un élément de base dans la musique andalouse et arabe. La nawba est basée sur une série de mouvements ordonnés. L'accélération de chacun d'eux produit de nouvelles formules rythmiques. Ces métriques développent une notion de tempo, et chacune d'entre elles constitue une dynamique propre. Et comme dans la musique occidentale: basît veut dire lent, simple ou modéré et darej, étape finale. En fait la notion de tempo importe peu, c'est l'accélération qui compte car elle permet de subtils changements et transformations des schémas métriques par exemple passer de quatre temps, à six ou à huit temps.

Le terme générique arabe duff (tambourin sur cadre) survivra au Portugal, en Espagne ainsi qu'en Amérique Latine sous le nom adufe. Sans cet instrument il n'y a pas de musique arabe possible et encore moins de nawba. Les quatre autres instruments qui forment la base de la musique andalouse: le luth (al-oud), la vièle à cordes frottées (al-rabâb), le bûq (à l'aspect d'un cor) et la qassaba (flûte de roseau oblique).

Quant à la poésie andalouse, elle forme trois genres singuliers: les poèmes bachiques, les poèmes d'amour et les thèmes de la nature. Utilisés durant les nawba-s, ils désignent un thème unique: l'attente de l'amant. Tous ces poèmes chantés décrivent une situation et un lieu intemporel qui se déroule dans un jardin où s'épanouissent toutes sortes de fleurs, d'arbres et d'oiseaux. Le moment de cette attente se situe au crépuscule ou au lever du soleil. Que de poèmes relatent les splendeurs de ces moments sans oublier l'appel à la nuit qui célèbre la clarté de la lune et des étoiles.

L'amant est entouré de personnages secondaires: les bienveillants et les malfaisants, avec un personnage intermédiaire: le nadîm. Appelé souvent à partager la coupe de l'amant, c'est son compagnon, son confident. Il entre dans ses secrets, partage ses craintes et veille lors de cette épreuve qu'est l'attente. Quant au troisième personnage, le sâqî, l'échanson. Il est appelé pour verser le vin dans la coupe. Les malfaisants awazil,les censeurs. Ils sont là pour calomnier. Ce sont des ennemis qu'il faut éviter.

L'amant dans la poésie andalouse est l'équivalent d'un héros solitaire qui attend désespérément la venue de l'être aimé qui n'est jamais désigné au féminin. Cette attente pourrait bien évoquer l'attente de Dieu. Le musicien qui chante ces poèmes mène la destinée des amants. L'ensemble de la musique arabe et andalouse est une immense ode à l'absence.

Michèle Claude revisite avec une intuition certaine le répertoire de Ziryâb et ses successeurs. Elle nous fait découvrir, et avec quelle fraîcheur, un Orient baroque et un Occident oriental, une vérité que nous devons prendre en compte aujourd'hui pour sauvegarder et perpétuer cet immense patrimoine humain et de civilisation.

Abed Azrié




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1. Ouverture Nawa Athar (samaï)
Tripartite, le samaï est un 10/4 avec une partie centrale en 3/4 ou 6/8. Il n'est pas chanté et annonce traditionnellement une suite de plusieurs mouwash'shas dans le même mode. Nawa Athar est un des nombreux modes arabes.
Ce prélude annonce les différentes orientations du disque et est appelé «Ouverture» en hommage aux suites pour orchestre de Bach et aux wasla-s, suites modernes arabes (toujours appelées nawba-s ou nouba-s au Maghreb).

2. Jardin de Myrtes (mouwash'sha)
Rythme* 2/4 Du-Yak ou Dwîk

Traité sous forme de variations orchestrales, alternant harmonisations, pédale de fondamentale et contrepoint, ce mouwash'sha est l'un des plus célèbres au Proche-Orient.
La plupart des pièces de ce disque commenceront, comme celle-ci, par un taqsim (improvisation instrumentale).

3. Démarche voluptueuse (mouwash'sha)
Rythme 2/4 Sufiyan

Rythme proche de la habanera (danse cubaine d'origine espagnole), elle introduit toute la partie «hispanique» du disque.

Épris d'une gazelle (mouwash'sha)
Rythme 6/8 Yuruk samaï   


4. Taille de rameau (mouwash'sha)
Rythme 10/8 Samaï Thaquil

L'extase (ou la transe) est un développement largement usité dans la musique méditerranéenne. Elle se réalise ici sous forme d'improvisation collective.

5. Une nuit si longue (mouwash'sha)
Rythme 7/4 Nawakht
   
Un ground (ou basso ostinato), inventé au XVIe siècle en Espagne, Italie et Angleterre, se transforme en musique cubaine.
Le mélange arabo-cubain était très a la mode au Proche-Orient dans les années 50.

6. S'éloigner de moi (mouwash'sha)
Rythme 6/8 Yuruk samaï

Rappelant la ballade du XIIIe des troubadours et la «ballad» anglo-saxonne, des accords complexes de jazz (dans le style de Bill Evans) se superposent aux grounds et improvisations baroques.

7. Epée tranchante (mouwash'sha)
Rythme 1718 Rhosh Rang

C'est une rythmique «aksak» qui signifie «boîteux» en turc et donc formée de pulsations irrégulières. Très employée dans la musique des Balkans, Bartók parlait de «rythme bulgare».
L'ostinato de la basse soutient la mélodie et les improvisations en 17/8.

8. Ritournelles (mouwash'sha)
Rythme 7/4 Nawakht

Cette pièce est traitée avec humour; l'introduction improvisée rappelle un air de la pop music, la mélodie est découpée en un faux 3/4 pour la rendre occidentale. Elle redevient, par un jeu d'orchestration, orientale, soulignant une fausse opposition entre ces deux mondes.

9. Chanteur de taverne (mouwash'sha)
Rythme 10/8 Samaï Thaquil

Un jeu solennel sur une légère harmonisation occidentale. Un hommage a la musique des sultans et aux turqueries de Lully.

10. Les bras d'une gazelle (mouwash'sha)
C'est la seule pièce qui utilise un instrument oriental (hormis les percussions), appelé ney persan*, très différent du ney arabe (qassaba) de par sa sonorité.
C'est un hommage à Ziryâb (l'oiseau noir du chant), d'origine perse, musicien à Bagdad, exilé au Maghreb, puis en Andalousie.

11. Ivresse (mouwash'sha)

Le bendir (tambour sur cadre avec timbre) donne un parfum du Maghreb et la superposition du tamburello napolitain avec la darbouka et le riqq suscite des arômes plus largement méditerranéens. Pas d'harmonie, juste une ligne de basse de plus en plus syncopée et actuelle.

12. Les yeux noirs (mouwash'sha)
Rythme Samaï Darej ou Yuruk

Une mélodie reprise en tutti pour rappeler le chœur répondant au chanteur, accompagnée d'un reqq, instrument noble de la musique classique arabe, sur des accords jazz et une ligne de basse sud-américaine.
Une incitation à la fête après ce long voyage.

13. Minimaroc (Michèle Claude)
Rythme de habanera

Une composition inspirée de la musique française (Bizet, Satie, Ravel...) qui met en évidene l'influence, ou tout simplement l'apport, de la musique arabe sur la musique occidentale.
Un pied de nez, pour rappeler que la culture arabe fait partie de notre mémoire, de notre propre culture.


Comme un rêve, une terre d'accueil sans conflits, dans l'écoute, entre l'amour et les chansons a boire, le savoir, l'art et la fête, je suspends le temps et vous offre ces arômes...

L'ensemble «Aromates»
Tous de formation classique, évoluant dans différents horizons musicaux (médiéval, baroque, contemporain, jazz, tsigane, salsa...), ces musiciens «joueurs» aiment improviser tout en respectant les textes.
Ils rendent hommage ici à tous les musiciens de tradition orale grâce a qui cette musique a survécu, et à tous ceux qui la recueillent pour en laisser une trace écrite.

Michèle Claude



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*Rythme
Il serait plus juste de parler de wazn (ou ouazn) qui veut dire «formule rythmique dans un tempo donné», mais pour une meilleure compréhension du texte le mot «rythme» sera utilisé.

*Le ney persan (ney, litt.: roseau)
C'est un tube de roseau de forme légèrement conique percé de 6 trous (le ney arabe en a 7).
Son tube est divisé en 7 parties par les nœuds du roseau (9 parties pour le ney arabe).
La partie supérieure du roseau (l'embouchure) est affûtée de l'intérieur, ce qui le distingue également du ney arabe. Enfin, cette flûte, le ney persan, est reconnaissable à ses deux bagues en métal, une à. chaque extrémité, qui servent essentiellement à protéger l'instrument.





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