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Solstice SOCD 130
1995
1. Kuando el rey Nimrod [4:21]
copla, birth ceremonies, Sephardim
2. Yarim gitti [3:23]
song, central Anatolia
3. S'anc fuy belha [3:57]
CADENET (c. 1160-c. 1253) — canso
4. O ke mueve mezes [4:23]
birth song, Sephardim
5. Mama mia [3:40]
romance, Sephardim — Turkey
ALFONSO X el SABIO. Cantigas de Santa Maria
6. Que por al non deves [2:26]
CSM 388
7. Virgen Madre groriosa [4:44]
CSM 340
8. Para que quero yo mas bivir [5:10]
romance, Sephardim - Balkans
9. Quan vei la lauzeta [3:34]
BERNARD de VENTADORN (c. 1125-end 12th c.) — canso
10. Limon ektim [1:27]
song, S.E. Anatolia
11. La reina xerifa mora [3:03]
romance, Sephardim — Morocco
12. Hija mia [2:31]
anon., romance, Balkans | sea song, Sephardim
ALFONSO X el SABIO. Cantigas de Santa Maria
13. A que por nos salvar [4:14]
CSM 169
14. A la una yo naci [2:04]
romance, Sephardim
15. Fikrinden [Ayrilik] [5:03]
song, Azerbaidjan
ENSEMBLE WAYAL
chant: Hayet Ayad
Enregistrament réalisés en Juillet 1995
en l'église Saint-Félix de Sigean
A l'instar des "Trobairitz" d'un autre temps, l'Ensemble WAYAL poursuit
son voyage dans un répertoire qui, partant de l'Espagne médiévale, nous
emmène sur les chemins ibériques à la suite des troubadours pour
s'exiler avec les Sépharades pourchassés et atteindre les confins de
l'Europe en Anatolie.
LES CANTIGAS DE SANTA MARIA
Las Cantigas de Santa Maria,
c'est ce recueil de 428 poésies religieuses en dialecte galicien
(proche du portugais) collectées ou composées sous forme de chansons
monodiques par Alphonse X, dit le Sage, dans le courant du
XIIIème siècle. Elles sont toutes relatives à la Vierge et aux miracles
accomplis par son entremise. Bien qu'elles soient anonymes, on pense que
le roi en a écrit un grand nombre. On a noté leur ressemblance avec le
forme française du virelai, de type A-B-A chaque strophe (estrofa) étant encadrée d'un refrain (estribillo)
au début et à la fin. Bien que probablement inspirées par l'admiration
et la fréquentation des troubadours français de passage à la cour
d'Alphonse X, les Cantigas
ont un parfum espagnol reconnaissable à la grande
variété de leurs rythmes binaires ou ternaires et de
leurs tonalités.
Pour d'autres, les Cantigas imitent la forme de versification arabe nommée Zajal.
Ces influences arabes n'étant cependant pas certaines, les influences
juives et berbères ont été généralement admises. Mais nul doute que les
sonorités originales ainsi que la technique d'exécution ont subi une
très forte influence arabe, un grand nombre de Musiciens arabes
séjournant à la cour d'Alphonse le Sage. Virgen madre groriosa, A que por nos salvar, Que por ai non deves 'ome illustrent a merveille cette tradition des Cantigas.
CHANTS DE TROUBADOURS
Durant
la deuxième moitié du XIème siècle, le Midi de la France devient le
foyer d'un chant profane rédigé en langue d'oc (ou occitan) qui est
arrivé à un certain niveau littéraire grâce aux troubadours (trobadors)
qui inventèrent les mélodies de leurs poésies. Les troubadours étaient
issus des diverses couches de la population. Parmi eux, nous trouvons
des rois, des nobles, des jongleurs, des serviteurs, des moines ou des
évêques. Parmi les troubadours, se trouvaient également des femmes
appelées "trobairitz".
Leur art atteint son apogée vers le milieu
du XIIIème siècle, influençant nombre d'autres cultures européennes
telles l'espagnole et l'italienne. Le thème central de la poésie des
troubadours est l'amour courtois et ses divers aspects magique,
archaïque, mystique. La chanson d'amour des troubadours est appelée canso. C'est un poème plusieurs strophes de construction rythmique similaire. A ses côtés, on trouve les sirventès, chansons politiques et morales qui empruntent souvent leurs mélodies aux cansos.
C'est
surtout l'influence mauresque venue d'Espagne qui a plus ou moins
modelé la technique d'exécution des chansons monodiques des troubadours.
D'autre part, et par le biais des croisades, troubadours et jongleurs
furent influencés par la musique et les instruments arabes. Quan vei la lauzeta mover est un canso de troubadour dans le droit fil de cette sensibilité.
LA MUSIQUE JUDEO-ESPAGNOLE
L'édit
d'expulsion des rois catholiques Ferdinand et Isabelle suivi, en 1492,
par l'exil des Juifs d'Espagne après la chute de Grenade ont perpétué
bien des aspects de la civilisation hispanique dans le pourtour de la
Méditerranée. La grande majorité des exilés préféra s'installer dans
l'Empire ottoman (Salonique, Smyrne, Rhodes, Constantinople...). Un
petit groupe prit la direction de l'Afrique du Nord, notamment du Maroc
(Tétouan, Tanger), tandis que d'autres se dirigeaient vers les Pays-Bas
(Amsterdam) en passant par le Portugal, vers la France (Bordeaux,
Bayonne) ou l'Italie (Ferrare, Livourne).
Avec leurs voisins
chrétiens et musulmans, les Juifs d'Espagne étaient parvenus, au cours
du Moyen-Age, à une véritable symbiose religieuse et culturelle ; mais
il est difficile de trouver une documentation qui pourrait attester une
tradition profane purement judaïque. Autant que la liturgie sacrée, les
Juifs prisaient l'héritage séculier qui comprend un vaste répertoire
musical approprié la célébration des phases principales de la vie
humaine naissance, enfance, demande en mariage, décès... Il est bien
probable que la musique profane des Juifs d'Espagne reflète la variété
des styles musicaux des différentes régions de la péninsule, là où se
trouvaient établies des communautés juives.
Le noyau central de la musique judéo-espagnole est constitué par les romansas
profanes emportées par les exilés de 1492, auxquelles sont venues
s'ajouter des variantes inspirées par les traditions des pays d'accueil
de l'Empire ottoman (Turquie, Bulgarie, Grèce, Yougoslavie). La romansa
est un poème en hémistiche octosyllabique assonancé, quelquefois
hexasyllabique. On peut trouver des formes à doubles quatrains ou
d'autres dans lesquelles la première phrase musicale répète un
hémistiche du texte.
Parmi les chants judéo-espagnols, figurent encore les coplas, de la même tradition orale que les romansas, et les cantigas qui en diffèrent par leur structure mais ont pu servir de modèle pour de
nouvelles
créations. Les cantigas sont des chants généralement associés à un
événement festif de la vie. Ces chants ne sont pas narratifs comme les romansas. Le texte est de style populaire et utilise la langue vernaculaire pour décrire l'événement : cantigas de la novia (chants de la mariée), cantigas de parida (chants de la naissance), etc.
Nommée djudyo au Levant et haketiya
au Maghreb, la langue judéo-espagnole s'est distinguée de la langue
d'origine par une série d'emprunts aux langues des pays d'accueil, tout
en gardant des aspects phonétiques archaïques de l'espagnol
péninsulaire. C'est ainsi qu'à partir de 1620, le judéo-espagnol du
Levant emprunte au turc, au grec et au français.
Hija mia
est la version juive d'un chant de mer qui, dans le dialogue
mère-fille, rappelle les chants galiciens des Xlème-XIIème siècles.
Kuando el rey Nimrod
relate la confrontation entre le prophète Abraham et le roi Nimrod sous
forme de coplas hagiographiques. Les versions les plus connues de cette
copla
ont été recueillies en Bulgarie et à Salonique. On
la chante plus particulièrement lors des
cérémonies de naissance.
La Reina Xerifa Mora est la version marocaine de Las hermanas reina y cautiva
qui reprend l'histoire de deux sœurs captives. On retrouve aujourd'hui,
tant dans les communautés juives d'Orient que dans bien des régions
d'Espagne et du Portugal, la version sépharade du XIIIème siècle.
Romance recueillie en Turquie, Mama mia
emprunte une mélodie connue dans tout l'Empire ottoman pour décrire
l'amour d'une jeune fille pour sa mère, même lorsqu'elle devient femme
et s'éloigne de sa famille. Il en existe également une version
arabo-andalouse.
Romance des Balkans, Para que quero yo mas bivir décrit les douleurs de l'amour.
O ke mueve mezes est un chant de naissance qui fait l'éloge de la parturiente et du nouveau-né. Il fait partie du cycle de cantigas de parida qui ponctuent la naissance et la période de huit jours d'attente pour la circoncision.
A la una yo naci
est une romance très ancienne qui a beaucoup voyagé dans le temps et
dans l'espace. Avant que l'Inquisition ne fût rétablie dans le dessein
de pourchasser les marranos (Juifs convertis en 1470), cette romance était chantée avec le second vers changé en "A las dos, me baptisaron"
("A deux heures, j'ai été baptisée"). Ce n'est que quand les convertis
ont pu trouver la quiétude en Hollande ou dans l'Empire ottoman que ce
vers a retrouvé sa forme originale "A las dos me engrandeci" ("A deux heures, j'ai grandi").
LA MUSIQUE TURQUE
Tout
comme la poésie folklorique, la musique populaire turque a joui durant
des siècles dune vitalité intense. Alors que la musique classique
"savante" restait l'art de milieux intellectuels et aristocratiques très
fermés, la grande masse devait créer sa propre musique et l'élaborer
par ses propres moyens. La musique populaire turque résulte d'une
synthèse des traditions artistiques que les Turcs ont apporté avec eux
de la lointaine Asie Centrale et de celles qu'ils ont trouvé sur le sol
qu'ils ont fait leur.
Limon ektim est une turku, chanson populaire du sud-ouest anatolien. Comme dans beaucoup des danses, le contenu des quatrains consiste en propos galants.
Yarim gitti est une turku
d'Anatolie centrale. Air de danse rapide, elle utilise l'image des
fontaines de village et les scènes populaires illustrant les rencontres
entre filles et garçons.
Ayrilik est un chant
d'inspiration azéri de la zone caucasienne du Nord-Est de la Turquie.
Turcophones bien qu'ayant subi l'influence persane, les Azéris ont
conservé diverses caractéristiques populaires telles que la
simplification des lignes mélodiques et des rythmes. Ce chant d'amour et
de séparation constitue un bon exemple de la tradition azéri.
SAMI SADAK
Like
the "Trobairitz" of another, bygone era, the WAYAL Ensemble pursue
their musical explorations of a repertoire which takes us from mediaeval
Spain along Iberian paths, mixing with troubadours, then going into
exile with persecuted Sephardim and finally arriving in Anatolia, at the
borders of Europe.
THE HYMNS TO VIRGIN MARY
The Cantigas de Santa Maria,
a collection of 428 religious poems in the Galicien dialect (which is
similar to Portuguese) were collected or composed in the form of monadic
songs by Alfonso X el Sabio ("The Wise") in the mid-13th century. They
all relate to the Virgin and to miracles accomplished by her
intercession. Even though they are anonymous, it is thought that the
king himself wrote a large number of them. A similitary has been noticed
with the French virelai and its A-B-A format, each verse (estrofa) being framed by a refrain (estribillo)
at the beginning and end. Whilst probably inspired by an admiration for
and frequent presence of French troubadours at the court of Alfonso,
these hymns have a Spanish flavour which is found throughout their
variety of binary or ternary rhythms and tonality.
In the opinion of some, these Cantigas imitate a form of Arab versification called Zajal.
Whereas the Arab influences in these works are not proven, the Jewish
and Berber influences are generally acknowledged. But there is no doubt
that the original sonorities and performance practice were subjected to a
very strong Arab influence: a considerable number of Arab Musicians
stayed at the court of Alfonso. Virgen madre groriosa, A que por nos salvar, Que por al non deves 'ome are typical examples of this tradition of Cantigas.
SONGS OF THE TROUBADOURS
During
the latter half of the the 11th century, the South of France became the
centre of secular song tradition written in Langue d'Oc (or Occitan)
and which would be elevated to a literary style thanks to the
troubadours (trobadors) who were the inventors of the melodies of
their poetry. The troubadours came from diverse social backgrounds:
amongst them we find kings, noblemen, wandering minstrels, servants,
monks and bishops. There were also women troubadours who were called Trollairitz.
Their
art reached its apogee towards the mid-131h century, influencing many
other European cultures such as those of Spain and Italy. The central
theme of the troubadours' poetry is courtly love which also features a
magical, archaic, mystical side. The love song of the troubadours is
called canso and is a multi-verse poem of similar rhythmic structure. Alongside the canso were the sirventès, political and moral songs which often borrowed their melodies from cansos.
lt
is especially the Moorish influence from Spain which more or less
determined performance technique of the monodic songs of the
troubadours. Furthermore, as a result of the Crusades, troubadours and
minstrels were also influenced by Arab music and instruments. Quan vei la lauzeta mover is a troubadour canso which corresponds to this aesthetic.
JUDAEO-SPANISH MUSIC
In
1492, after the fall of Granada, their Catholic Highnesses Ferdinand
and Isabelle expulsed the Jews from Spain. Due to this exodus, many
aspects of the Spanish civilisation of the Middle Ages were perpetuated
around the Mediterranean basin. The vast majority of exiles preferred to
settle in Ottoman Empire (Thessaloniki, Smyrne, Rhodes,
Constantinople...). A small group went to North Africa, in particular
Morocco (Tétouan, Tangiers), whereas others chose the Netherlands
(Amsterdam), passing by way of Portugal on their way towards France
(Bordeaux, Bayonne) or Italy (Ferrara, Livorno).
The Jews of
Spain had, with their Christian and Islamic neighbours, contributed to
the religious and cultural symbiosis which occurred during the Middle
Ages, but it is difficult to find any documentation which might
substantiate a purely Judaic secular tradition. Jews, outside of the
sacred liturgy, took pleasure in a secular heritage which consisted of a
vast musical repertoire suited to the celebration of all the principle
phases of human life: birth, childhood, marriage proposal, death... It
is quite probable that the secular music of the Spanish Jews reflects
the variety of musical styles of different regions of the peninsula in
which there were Jewish communities.
The core of Judaeo-Spanish music is made up of secular romansas
taken with them by the exiles in 1492 and to which were later added
variants inspired by the traditions of the countries of refuge in the
Ottoman Empire (Turkey, Bulgaria, Greece, Yugoslavia). The romansa
is a poem in assonant eight-syllable (or occasionally, six-syllable)
hemistichs. There are also forms with double quatrains or others in
which the first musical phrase repeats a hemistich of the text.
Another form to be found in Judaeo-Spanish songs are the coplas, from the same oral tradition as the romansas, and the cantigas which differ structurally and could serve as a model for new creations. The cantigas are songs generally associated with a festive event in life and are not narrative like the romansas. The text is in the folk style and uses the vernacular for describing the event: cantigas de la novia (bridal songs), cantigas de parida (birth songs), etc.
The Judaeo-Spanish language called djudyo in the Levant and haketiya
in the Maghreb - came to differentiate itself from the original
language by a series of borrowings from the languages of host countries
keeping archaic phonetic aspects from the Iberian peninsula. lt is thus
that the Judaeo-Spanish spoken in the Levant, beginning in 1620,
borrowed from Turkish, Creek and French.
Hija mia
is the Jewish version of a sea song recalling the Galician chants of the
11th and 12th centuries in the mother/daughter dialogue.
Kuando el rey Nimrod relates the confrontation between the prophet Abraham and King Nimrod in the form of hagiographic coplas. Versions collected in Bulgaria and Thessaloniki are the best known. This copla is usually sung during birth ceremonies.
La Reina Xerifa Mora is the Moroccan version of Las hermanas reina y cautiva
which takes up the story of two captive sisters. Today, the
13th-century Sephardic version is to be found in many regions of Spain
and Portugal as well as in Eastern Jewish communities.
Mama mia,
a romance which was noted down in Turkey, adopts a melody which was
known throughout the Ottoman Empire and describes the love a young girl
expresses for her mother when she becomes a woman and is about to leave
her family. An Arab-Andalucian version of this same romance has also
been found.
Para que quero yo mas bivir, a romance from the Balkans, describes the pain of love.
O ke mueve mezes is a birth song which praises the mid-wife and the newborn and is part of the cantigas de parida cycle which punctuate the birth and eight-day waiting period leading up to circumcision.
A la una yo naci
is a ancient romance which has travelled considerably through time and
space. Before the Inquisition was reinstated to pursue the marranos (Jews who had converted in 1478), this romance was sung with "A las dos me baptisaron" ("At two o'clock baptised am I) being substituted for the second verse "A las das me engrandecí"
(At two o'clock grown am I). It was only once the converted had found
haven in Holland or the Ottoman Empire that the second verse reverted to
its original form.
TURKISH MUSIC
Just like
traditional popular poetry, Turkish folk music was extremely vital for
centuries. Whereas "highbrow" classical music remained the province of
exclusive intellectual and aristocratic circles, the masses had to
create their own music and develop it by their own means. Turkish folk
music results from the synthesis of artistic traditions which the Turks
brought with them from far-off Central Asia and those native to their
new homes.
Limon ektim is a turku, a popular song from southeastern Anatolie. Like in most dances, the quatrains describe flirtatious thoughts.
Yarim gitti is a turku
from central Anatolia. This lively dance song uses the image of village
fountains and popular scenes for meetings between young girls and
youths.
Ayrilik is a song of Azerbaijan inspiration
from the Caucasus region of northeastern Turkey. The Turkish-speaking
Azerbaijanis, although having undergone a Persian influence, have kept
diverse popular characteristics, simplification of melodic lines and
rhythms. This song of love and separation is a fine example of the
Azerbaijan tradition.
SAMI SADAK
(translated by JOHN TYLER TUTTLE)