Stirps Jesse · Fulbert de Chartres / Venance Fortunat


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grabado en enero de 1989
Église Évangélique Allemande, Paris

Stirps Jesse:
medieval.org
Quantum QM 7981 (LP, 1989)
Quantum QM 6899 / Studio SM 12.16.42 (CD, 1989)


Fulbert de Chartres, Chantre de l'an mil:
medieval.org
L'empreinte digitale ED 13036 (CD, 1994)
L'empreinte digitale ED 13155 (CD, 2003)

(Fulbert de Chartres, Musicien de l'an mille):
Bayard musique S 340570 (CD, 2006)










STIRPS JESSE
deuxième des trois réponses de Fulbert de Chartres
1er mode plagal (2e ton)


01 - version monodique     [4:54]
entrecoupée d'une clausule à 3 voix sur FLOS FILIUS, XIe s.
2 sopranos, mezzo, basse AS
02 - organum simple de l'Ecole de Notre-Dame     [5:47]
Ms. de Florence, XIIe-XIIIe s.
ténor, baryton, 2 basses
03 - motet à 3 voix sur teneur FLOS FILIUS, XIIIe s.     [0:57]
Castrum pudicie ~ Virgo viget ~ FLOS FILIUS
baryton, 2 basses
04 - organum double de l'Ecole de Notre-Dame     [6:19]
ms. de Florence, XIIIe s. 2 sopranos, mezzo, ténor, baryton, 2 basses

[solo en Stirps Jesse, Quantum 6899/Studio 12.16.42]
05 - composition de Michel Sendrez (1986) pour l' Ensemble Venance Fortunat     [7:44]
soprano DTh, alto, ténor, baryton JMC, basse PhD


06 -motet à 4 voix sur teneur EIUS, XIIIe-XIVe s.     [1:37]
Par un matinet ~ Hé! sire ~ Hé! berchier ~ EIUS
mezzo, ténor, baryton, basse PhD
07 - motet à 4 voix sur teneur FLOS FILIUS, XIIIe-XIVe s.     [2:21]
Plus bele qeu flor ~ Quante revient ~ L'autier joer ~FLOS FILIUS
soprano DTh, mezzo, ténor, basse AS



08 • Chorus nove  (hymn pour la fête de Pâques, 1e mode, Ré)  IXe s.     [2:38]
2 sopranos, mezzo, baryton, 2 basses



BENEDICAMUS DOMINO

09 - [0:50]
· monodie du 2e ton sur la partie "flos filius"
du verset du répost Stirps Jesse, suivie d'une
· diaphonie d'un Traité de musique de Laon, XIe s.
ténor, baryton
10 - Stirps Jesse florigeram     [2:57]
motet · ms de Saint-Martial-de-Limoges, début XIIe s.
soprano, mezzo



ANTIENNES ET RÉPONS POUR LES FÊTES DES SAINTS
bréviaire chartrain, XIe s.


11 - O martyr (2e mode plagal, ton 4)  antienne     [0:38]
ténor
12 - Iam super astra  (1er mode authente, ton 1)  antienne     [0:35]
mezzo
13 - Vir Dei Leobinus (4er mode authente, ton 7) antienne     [1:12]
soprano AMD
14 - Cumque gleba  (1er mode authente, ton 1)  répons     [3:51]
soprano DTh, ténor



15 • Deus, Pater piisime     [2:35]
hymne pour la carême, 1er mode plagal ton 2
Angers XIe s. - Evreux, XIIe s.
mezzo, basse AS

16 • Aurea personet lyra     [2:26]
ms. de Florence, 1er mode authente, ton 1
ténor, baryton, basse AS

17 • Alleluia dies sanctificatus     [4:01]
de la messe du Jour de Noël, 1er mode plagal, ton 2
· monodie gregorienne (neumes de Laon)
· organum note-contre-note (contrepoint) du Ms 130 de Chartres
soprano DTh, mezzo



SOLEM JUSTITIÆ
troisième des répons pour la Nativité de la Vierge de Fulbert


18 - monodie grégorienne     [3:06] XIe
1er node authente, ton 1
2 sopranos
19 - organum de l'Ecole de Notre-Dame, XIIIe s.     [5:38]
mezzo, ténor, baryton, basse PhD, basse AS
20 - motet à 3 partis sur teneur SOLEM JUSTITIÆ, XIIIe s.     [2:18]
Amours qui si me maistrie ~ C'on puist ~ SOLEM JUSTITIÆ
soprano DTh, mezzo, ténor
21 - motet à 3 parties sur teneur CERNERE, ms de Montpellier, XIIIe s.     [1:50]
Virginis eximie ~ Nostra salus oritur ~ CERNERE
ténor, basse PhD
22 - Ad nutum Domini     [6:291]
troisème répons du chant à la Vierge de Fulbert de Chartres
version organale de l'Ecole Notre-Dame enchâssée dans la version monodique de Fulbert
à la façon des chantres du 13e siècle à Notre-Dame de Paris, et sans doute à Chartres.
2e mode, Mi
soprano AMD, soprano DTh, mezzo, ténor, baryton, 2 basses





ENSEMBLE VENANCE FORTUNAT
Anne-Marie Deschamps

Anne-Marie Deschamps,  soprano - #1 4 8 13 18 22
Dominique Thibaudat, soprano - #1 4 5 7 8 10 14 17 18 20 22
Françoise Levy, mezzo soprano - #1 4 6 7 8 10 12 15 17 19 20 22
Éric Trémolières, ténor - #2 4 5 6 7 9 14 16 19 20 21 22
Gabriel Lacascade, baryton - #2 3 4 6 8 9 11 16 19 21 22
Philippe Dasandré, basse - #2 3 4 5 6 8 19 21 22
Antoine Sicot, basse - #1 2 3 4 7 8 15 16 19 22
Catherine Ravenne, alto - #5
Hean-Michel Caune, baryton - #5




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FULBERT DE CHARTRES, chantre de l'an mil

Fulbert, né vers 960 en Italie d'une famille pauvre (pauper de sorde levatus), fit de brillantes études de lettres et de sciences dans une école cathédrale de France. Il n'est pas certain qu'il fut le disciple de Gerbert, mais il dut certainement connaître les travaux du savant écolâtre rémois puisqu'on retrouve des copies de ses œuvres dans les manuscrits de l’École de Chartres: vers 987, en tous cas avant 992, Fulbert enseigna les arts libéraux dans cette école réputée. Il puisa dans l'analyse des poètes classiques les modèles de la perfection formelle de l'art poétique et dans le "De institutione musica" de Boèce les règles techniques de la musique: certaines gloses tirées de ses commentaires, parvenues en marge de quelques copies du traité de musique antique, attestent sa compétence en théorie musicale.

En 1006, par désignation de Robert le Pieux, couronné à Orléans le 25 décembre 987, il est consacré évêque de Chartres par son ancien condisciple Leotheric, archevêque de Sens. Le 7 septembre 1020, la cathédrale romane de Chartres fut détruite par un malencontreux incendie. Fulbert en entreprit la reconstruction et sauvegarda l'ancien portail royal où l'on peut encore découvrir aujourd'hui la figuration symbolique de la musique et des mathématiques. A l'occasion de la dédicace de la nouvelle cathédrale, Fulbert composa trois répons qui furent très rapidement diffusés et chantés dans le monde chrétien dès le XIe siècle puisqu'on les rencontre déjà à cette époque de l'Aquitaine jusqu'aux extrémités de la Bavière, à Saint-Emmeran-de-Ratisbonne. Six ans après son voyage de 1022 à Rome, il décédait le 10 avril 1028 en laissant le souvenir d'un pasteur zélé, d'un savant renommé et enfin d'un poète-compositeur talentueux.

L’œuvre scientifique de Fulbert ne nous a été transmise qu'en partie, sous forme de gloses dans quelques manuscrits du traité de musique de Boèce, en particulier dans un manuscrit de Saint-Emmeran-de-Ratisbonne copié à Chartres par le moine Hartvic: c'est en effet à Fulbert qu'est dû l'immense rayonnement de l’École de Chartres au XIe siècle. Cependant c'est dans ses compositions poétiques et musicales que se révèlent au plus au point ses talents de poète et de compositeur. Ses poésies liturgiques - hymnes, séquences et répons versifiés - nous sont parvenues par deux voies différentes: soit dans les livres de chant notés, avec parfois la mention "Fulberti", soit dans les recueils manuscrits de sa correspondance, de ses sermons et enfin de ses poésies, dont la publication fut entreprise par Charles de Villiers en 1608. Bien entendu, les chroniqueurs du Moyen-Age désirant surajouter des titres à sa gloire, ont cru bon de lui attribuer d'autres compositions en circulation dans leur région, tel par exemple le Kyrie tropé Rex genitor, Kyrie VI de l'édition Vaticane, attesté déjà au VIe siècle en Angleterre.

Comme souvent au Moyen-Age, c'est l'usage du chant liturgique des œuvres qui opère spontanément la sélection entre les meilleures compositions. Ainsi parmi les hymnes de Fulbert, c'est Chorus nove Jerusalem pour la fête de Pâques qui a été retenue par l'usage, puis secondairement l'hymne à Saint Martin Inter patres monastici qui n'a été diffusée que dans les régions voisines de la Beauce. La troisième pièce métrique qui lui est attribuée par des manuscrits angevins ou normands, c'est l'hymne Deus pater piissime pour les Complies du Carême.

Parmi les quelques séquences dues à Fulbert, l'usage de Chartres et celui des églises et monastères de Normandie n'ont retenu qu'une seule pièce: la séquence de Noël Sonent regi nato, dont la mélodie a été préservée par un tropaire-prosaire de Chartres conservé à Rome. Cependant une autre séquence figure dans le manuscrit des œuvres de Fulbert, la séquence Aurea personet lyra, que l'on pourrait considérer comme une pièce de musique instrumentale du Moyen-Age, en ce sens qu'elle servait de guide-chant dans les écoles de musique et non comme pièce liturgique â chanter au cours de la messe: d'après les anciens théoriciens on se servait en effet de l'orgue ou bien de la "cithara" pour former l'oreille des enfants et pour leur inculquer les notions élémentaires d'intervalles.

A ces pièces assez connues, il convient d'ajouter une mention spéciale des trois répons qui ont consacré à jamais la gloire de Fulbert, compositeur et chantre de Notre-Dame de Chartres: les répons en l'honneur de la Vierge Stirps Jesse, Ad nutum Domini et Solem justicie. Ces compositions en vers hexamétriques chantent les gloires de la Vierge Marie en lui appliquant les plus belles figures de l'Ancien Testament qui présidait sa vocation de Mère et de Vierge. La mélodie, non moins réussie que le texte, insère adroitement des formules mélismatiques nouvelles dans un cadre modal très traditionnel et s'achève par un long mélisme sans parole ou "neume". Un peu plus tard, cette vocalise devait être pourvue de tropes, c'est-à-dire de mots dont la coupe cadrait bien avec le mélisme.

C'est à bon droit que les chroniqueurs ont rapporté à la dédicace de la cathédrale de Chartres reconstruite, les circonstances de cette composition, car les trois répons de Fulbert ont toujours été attachés à la fête de la Nativité de la Vierge, le 8 septembre, qui est en même temps l'anniversaire de la Dédicace de l'admirable cathédrale.

Par ailleurs, la place occupée par ces répons au bréviaire de Chartres - la dernière de chacun des trois nocturnes -, les musicologues à supposer que ces répons se chantaient en "organum", c'est-à-dire à deux voix: la première, dite "cantus" n'est autre que le chant liturgique traditionnel; la seconde, au contraire, est spontanément inventée suivant des règles bien définies par des théoriciens.

La supposition du chant des répons de Fulbert en organum n'est pas du tout gratuite, car de nombreux documents (entre autre des versets neumés d'Alleluia à deux voix) attestent de l'hétérophonie au chœur de la cathédrale de Chartres était extrêmement répandu: bien mieux, le chantre en fonction au chœur au temps de Fulbert, Sigon, avait une solide réputation d'"organiste", c'est-à-dire d'improvisateur de l'organum.

La "carrière" postérieure de ces répons dans la polyphonie des XIIe et XIIIe siècles, confirme cette judicieuse supposition. En effet, le premier répons Stirps Jesse a été traité à deux voix par la polyphonie aquitaine du XIIe siècle et à trois par l'école Notre-Dame à la fin du XIIe siècle. En outre, c'est le grand mélisme des mots "Et flos filius ejus" qui a causé le succès de ce répons, car le neuma aux contours mélodiques fleuris a été appliqué au bref verset Benedicamus Domino qui achève les offices des jours de fête. Dans ses "Statuts" promulgués en 1132, Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, ordonne que dans les monastères clunisiens on chantera aux cinq plus grandes fêtes de l'année le Benedicamus adapté sur la mélodie de "Et flos filius ejus" du répons Stirps Jesse, dont la "récente et excellente mélodie - ajoute l'abbé - est déjà dans le domaine public". De fait, ce nouveau Benedicamus figure, neumé, dans un bel antiphonaire de Saint-Maur-des-Fossés et, ultérieurement, il se retrouve encore, mais cette fois noté à deux voix, dans un traité de musique de l’École de Laon. Il n'est donc pas étonnant que durant la période de la polyphonie de Saint-Martial et durant celle de Notre-Dame, ce Benedicamus Domino, dérivé musicalement du répons de Fulbert, ait été repris en polyphonie, avec ou sans tropes surajoutés sous chaque note du long mélisme.

Enfin, vers la fin du XIIIe siècle, la mélodie des répons chartrains Stirps Jesse et Solem justicie, servira de ténor, c'est-à-dire de base à l'édifice sonore de plusieurs motets du manuscrit de Montpellier, dont l'origine lointaine doit probablement remonter à Pierre de la Croix, maître de chapelle de la cathédrale d'Amiens.

Cependant la carrière du Benedicamus Domino chanté sur la mélodie du verset de Stirps Jesse se poursuivra bien plus tard, puisque nous la retrouverons encore à l'aube du XVe siècle comme teneur d'une composition polyphonique de l'Ars nova italiana, due à Dom Paolo da Firenze. Il y a là dans cette continuité de la tradition musicale un des plus beaux hommages décerné au talent de Fulbert, poète, compositeur et chantre de l'an mil.

Michel Huglo




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Gramophone, December 1995:

This is an intriguing and fascinating documentary. Fulbert of Chartres can scarcely be more than a name to the majority of music lovers, and yet there can be few much better-known composers whose works, like his, have never ceased to be sung for a thousand years and who still maintain their place in the current repertoire. Indeed, Fulbert's three magnificent responsories — from Matins of the Feast of the Nativity of the Blessed Virgin Mary — which form the basis of this collection, were reprinted by Solesmes in a modern edition of their Processionale monasticum as recently as 1983. And if few monastic choirs still have the chance to sing the full night office of Matins, most of their members will at least be able to hum the tune of Benedicamus I — that famous phrase drawn from Stirps Jesse — and innumerable congregations will be familiar with Fulbert's famous Easter hymn Chorus novae Jerusalem — "Ye choirs of new Jerusalem" — though most probably not to its usual Mode 3 chant melody, nor even to the First Mode one in the Hymnarius, as sung here.

The interest of this recording is that it traces the early history of a number of Fulbert's compositions, showing how they came to be elaborated by the application of successive techniques over the first four centuries of their existence. We hear each piece first in its original form, often with reference to the rhythmic neumes of the school of Laon, bringing out the structural notes and skimming over the ornaments with lively fluidity; and then with numerous subsequent transformations: organum, diaphonia, motet. The few metrical hymns are sung rather loosely, in a way that I find rather attractive and fairly plausible. One of them, Deus, Pater piissime, is divided, strophe by strophe, between a low and a high voice, with the soprano transposing the melody up a fifth and the baritone returning it to its original tonality - a novel idea and one which seems to work rather well. Michel Huglo's exemplary insert-notes provide the necessary historic background. Full texts are given, but only French translations of the Latin. Incidentally, I was surprised that Philomela was never identified as a nightingale in the translation of the charming non-liturgical sequence Aurea personet lyra. MB




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