medieval.org
grabado en mayo de 1987
Église
Évangélique Allemande, Paris
Gaude Felix Francia:
Quantum QM 7891 (LP, 1987)
Quantum QM 6892 (CD, 1987)
Rituel:
L'empreinte digitale ED 13068 (CD, 1998)
L'empreinte digitale ED 13154 (CD, 2002)
Quantum QM 6892
1. Gaude Felix Francia [3:46]
Conduit à deux voix pour le
sacre de Luis IX, le 29 novembre 1226
attribué à
PÉROTIN le Grand
(trancription Léo Schrade)
ténor, bass
2. O constancia [5:05]
Répons attribué
à Robert le Pieux (†1031) fils aîné d'Hughes Capet
qui l'associa au trône de son vivant en le faisant couronner
à Orléans le 30 décembre 987
(1er tone— Editions Solesmes)
2 sopranos, mezzo
3. Beata nobis guadia [1:25]
Conduit à une veux pour le
coronation de Louis VIII, le 6 août 1223
(trancription Léo Schrade)
ténor, bass
4. Veni, creator Spiritus  [3:16]
Hymne de la Pentecôte
chantée à pluiseurs reprises durant la
cérémonie du sacre
et notamment au moment de l'onction.
Version faisant alterner la monodie
grégorienne et
la polyphonie à troix voix de
Guillaume DUFAY (†1474)
soprano, alto, ténor
5. Sicut oculi [3:05]
Introït prévu dans
“l'ordre du sacre et couronnement des rois,
mis par écrit du règne de Luis VIII,
qui commença de régner en l'an 1223 et décéda l'an 1226”
D'après une copie imprimée au 16e siècle.
(4e tone— Editions Solesmes)
ténor, bass
6. Ver pacis [1:54]
Conduit à deux voix du
poète Gauthier de Châtillon
pour la sacre de Philippe-Auguste,
le 1er novembre 1179
(École de Notre-Dame &mdash Ms de Florence,
transcription A.M. Deschamps)
2 sopranos, ténor
7. Protector noster [3:24]
Graduel prévu dans le même ordo que la pièce n⩝ 5
(5e tone— Editions Solesmes)
ténor, bass
8. Alleluia! Domine in virtute [3:11]
(6e tone— Editions Solesmes)
2 sopranos, mezzo
9. De rupta rupecula [3:11]
Conduit à trois voix pour
célébre la reprise de La Rochelle para Louis VIII le lion en 1226
(École de Notre-Dame &mdash Ms de Florence,
transcription A.M. Deschamps)
ténor, bass
Unxerunt Salomonem
Antienne chantée par l'évêque au moment de l'onction royale
10. [0:48]
Version de l'antienne du Magnificat des vêpres du 7e dimanche après la
Pentecôte,
temps ou l'Eglise lit les livres historiques ralante l'onction des rois de Juda
(8e tone— Editions Solesmes)
11. [0:53]
version d'un pontifical de Reims [Ms 342 de Reims]
ténor, bass
Novus miles
Conduit de l'école de Notre-Dame en l'honneur de saint Thomas Becket (†1170)
12. [0:56]
version à deux voix du manuscrit de Las Huelgas
(transcription Anne-Marie Deschamps)
13. [1:32]
version à trois voix du manuscrit de Florence
(transcription Anne-Marie Deschamps)
2 sopranos, alto, ténor
14. In te speravi Domine [6:05]
Offertoire prévu dans le même ordo que la piece n⩝ 5
(4e tone— Editions Solesmes)
2 sopranos, mezzo
15. Domine memorabor [1:17]
Antienne de communion prévue dans le même ordo que la piece n⩝ 5
(8e tone— Editions Solesmes)
ténor
16. Te Deum [6:01]
Hymne central des Vigiles nocturnes de Pâques
(et par extension de toutes les vigiles nocturnes),
le Te Deum est — avec la Veni Creator — l'hymne rituelle des sacres.
Par suite il sera chante dans toutes les occasions liées a la vie de l'Etat
(naissance royale, victoire, guérison...).
La version chantée ici fait alterner la monodie
grégorienne (3e-4e ton) et une polyphonie de Gilles BINCHOIS (†1460),
elle est terminée par una phrase a
trois voix du manuscrit de Cambridge (14e s.)
(transcription Anne-Marie Deschamps)
2 sopranos, alto mezzo,
ténor, bass
17. Ecce dies [3:32]
Répons, attribué
à Robert le Pieux
(4e tone— Editions Solesmes)
ténor
18. O Felix Bituria [6:02]
Conduit à trois voix en
l'honeur de saint Guillaume, évêque de Bourges (†1209)
(École de Notre-Dame, manuscrit de Florence,
trancription: Anne-Marie Deschamps)
2 sopranos, mezzo, ténor,
bass
ENSEMBLE VENANCE FORTUNAT
Anne-Marie Deschamps
Anne-Marie Deschamps, soprano
- #2 6 8 11 12 14 16
Brigitte Le Baron, alto - #4 11 14
Catherine Ravenne, mezzo - #2 8 12
14 16
Dominique Thibaudat, soprano - #2 4
6 8 11 12 14 16
Bruno Boterf, ténor - #1 3 4
5 6 7 9 11 14 15 16
Gabriel Lacascade, baritone - #1 3 4
5 7 9 10 11 13 14 15 16
Antoine Sicot, bass - #1 3 5 7 9 10
14 16
Éric
Trémollières, tenor - #1 6 14
Son: Michel Blanvillain
Ingenieur du son: François Esnault
Coordination: Catherine Duret
Eglise Evangélique Allemande, Paris, mai 1987
En couverture: Tête de roi de Juda provenant de Notre-Dame de Paris (XIIe siècle)
Musée de Cluny; photo Florin Dragu
(ED 13154: Tête de roi)
Direction de production: Catherine Peillon
L'empreinte digitale ED 13068
Le Roy de France est le premier des roys de la
Chrétienté pour la céleste liqueur dont il est
oint en son sacre.
(Matthieu Paris-vers 1250)
Du couronnement d'Hugues Capet (juillet 987) à la mort de
Charles IV le Bel (1328) la France se construit sous le gouvernement
des Capétiens dits «directs». C'est à cette
époque que le rite du sacre des rois déjà
pratiqué par les carolingiens, devient l'objet de soins
particuliers. Nombre de pontificaux (livre de l'évêque)
comportent un ordo (déroulement de la cérémonie)
de sacre dont on ne sait s'ils ont servi ou non.
Les évêques se sont inspirés du Livre des Rois de
l'Ancien Testament pour introduire un «8e sacrement»:
l'onction royale.
L'histoire des sacres est liée à celle du baptême
de Clovis (496) par saint Rémi de Reims: un historien du 9e
siècle (Hincmar) insista sur le caractère miraculeux de
l'huile de ce baptême, qui deviendra celle des sacres.
La cérémonie est bâtie autour de l'onction et
comporte habillage et remise d'objets symboliques (éperons,
fermail du manteau, sceptre, verge et couronne, étendard). Ceci
est enchâssé dans de nombreuses oraisons, professions de
foi, antiennes, litanies, serments... Il faut noter que c'est à
partir du sacre de Louis VIII que fut inclus le serment de chasser les
hérétiques, demandé par le 3e concile de Latran
(1179), serment que dut prêter Louis IX (saint Louis) à
l'âge de douze ans! Ce serment «justifiait» toutes
sortes de croisades, notamment celle contre les cathares qui dispersa
les troubadours.
Reims reçut confirmation de son privilège -en tant que
lieu de sacres- en 999 par l'ancien archevêque de Reims devenu le
pape Sylvestre II, mais bien d'autres villes lui auront disputé
cet honneur: Saint-Denis, Orléans, Metz, Compiègne,
Langres, Soissons, Laon, Noyon, Bourges, et même plus tard
Chartres pour le sacre de Henri IV.
La période des Capétiens directs recouvre exactement
celle de l'évolution la plus décisive que la musique ait
connue: la mise au point de l'écriture musicale. La graphie
commence par suggérer l'interprétation du fonds
traditionnel par le chantre, elle passe ensuite à une
écriture qui précise la hauteur des sons
(diastématie). Enfin, par la différenciation de plus en
plus maîtrisée des valeurs longues et brèves,
l'écriture va permettre l'essor de la polyphonie qui, sous Louis
VII, Philippe Auguste, Louis VIII et Louis IX, atteint
déjà des sommets dans la conduite des voix.
Ces quatre siècles de liberté créative et de
transformation de l'esthétique se découvrent durant les
cérémonies des sacres au cours desquelles sont
juxtaposés le fonds traditionnel (grégorien) et les
pièces inventées par les compositeurs du jour (conduits,
motets).
On ne peut négliger dans cette période les deux saints
incroyablement populaires que furent Thomas Becket (soutenu par Louis
VII contre Henri II d'Angleterre) et Guillaume de Bourges qui furent
chantés en d'innombrables vers et de superbes conduits, ni
passer sous silence la floraison des troubadours et des
trouvères qui contribuèrent à forger une
esthétique «moderne», et grâce auxquels nous
pouvons entrevoir le reflet des faits historiques sur ceux qui les ont
vécus.
Anne-Marie Deschamps
A la mémoire de Pierre Fénot
Dans la pompe qui entourait les cérémonies royales du
Moyen Age, la musique tenait une grande place. Le roi était
aussi roi dans et par la musique. Son modèle était le
grand roi de l'Ancien Testament, David, le roi musicien.
Car la musique est d'abord art royal. Elle s'adresse au Roi des rois,
à Dieu, vers qui montent les voix et les sons qui glorifient,
qui implorent, qui remercient. Même à la fin du Xe
siècle et au XIe siècle, où le roi capétien
est temporellement faible, il bénéficie, au-dessus de
tous les seigneurs de son royaume, de tous les puissants, d'une
dignité incomparable, sacrée. La plus haute institution
royale c'est la chapelle du roi, qui ne sera définitivement
organisée que sous Philippe-Auguste (1180-1223) et saint Louis
(1226-1270). Sa chapelle, où l'on prie et où l'on chante,
pour lui et pour le royaume.
Ce qui distingue le roi chrétien, c'est l'onction, qui au jour
du sacre, avant le couronnement, fait de lui l'élu de Dieu. Ce
qui distingue le roi de France des autres rois chrétiens et
l'élève au-dessus d'eux, c'est qu'il est seul
sacré avec une huile miraculeuse qu'une colombe (le Saint
Esprit) a apporté du ciel pour le baptême de Clovis et qui
est conservée à Reims dans la Sainte Ampoule. La liturgie
du sacre qui dure cinq heures est particulièrement solennelle.
La musique y est essentielle.
Comme toutes les cérémonies elle remonte loin, au VIIIe
siècle, quand l'onction royale coula pour la première
fois sur le front de Pépin le Bref. Cet archaïsme manifeste
la continuité royale. Mais la musique s'enrichit aussi de
l'apport de chacun des siècles successifs, de ceux, en
particulier, qui de Hugues Capet à saint Louis, voient l'essor
de la dynastie capétienne. Les grandes nouveautés
musicales sont surtout l’œuvre de maîtres parisiens,
car, au XIIe siècle, Paris devient, sinon la capitale, du moins
la principale résidence des Rois et de leur administration. La
musique des sacres porte la marque de ces renouvellements et de ces
enrichissements.
Musique de gloire pour une cérémonie qui marque le vrai
début d'un nouveau règne, elle est une musique de joie
pour le pays qui retrouve une tête, un roi, un garant de
l'adhésion du royaume à l'ordre cosmique et divin. La
France heureuse se réjouit, «Gaude Felix Francia»,
titre de la première pièce.
Jacques Le Goff
L'empreinte digitale ED 13154