Les Cahiers du Cirmar, CIRMAR 1980-1
1980
FACE 1
CRAINTE ET SUPPLICATION
1. Benedicamus Domino [2:21]
tutti — dV
2. Domine convertere [3:07]
tutti — gL, dV
3. Timor et Tremor [4:47]
dV
4. O princeps [3:04]
amD, cP
5. A Clemente papa [3:21]
tutti — gL, dV
6. Vexilla regis [3:57]
tutti — dV
FACE 2
RÉSURRECTION
7. Alleluia. Pascha nostrum [2:23]
amD, aM, cP, gL, dV
8. Tibi dixit [1:58]
amD, aM, cP, gL, mS, dV
9. Anima nostra [3:55]
aM, cP
10. Alleluia. Video coelos apertos [3:29]
amD, aM, cP
11. Cum spectarent [1:58]
mnC, amD, aM, cP
12. Victimae paschali laudes [3:10]
mnC, amD, aM, cP, gL, dV
ENSEMBLE VENANCE FORTUNAT
Marie-Noëlle COLETTE:
1 5 6 10 11 12
Anne-Marie DESCHAMPS:
1 2 4 5 6 7 8 10
11 12
Anahit MORILLAS:
1 2 5 6 7 8 9 10
11 12
Catherine PETIT:
1 2 4 5 6 7 8 9
10 11 12
Gérard LIGEOIS:
1 2 5 6 7 8 12
Mladen STEFAN:
1 2 5 6 8
Dominique VELLARD:
1 2 3 5 6 7 8 12
Direction: Marie-Noelle COLETTE
avec la collaboration d'Anne-Marie DESCHAMPS
Prise de son et montage: Michel VAUCLIN
C.A.R.E.L. Royan
Sauf indication contraire,
les textes de la pochette et les transcriptions des
mélodies 3 - 4 - 5 et 11
sont dues à Marie-NoëlleCOLETTE.
La transcription de la version polyphonique du N° 10, Alleluia
Video coelos apertos
(manuscrit de Saint Victor de Paris, XIIame
siècle)
a été faite par Anne-Marie DESCHAMPS.
Le terme de chant grégorien
désigne abusivement peut-être l'ensemble des
mélodies liturgiques occidentales dont la diversité ne
saurait être méconnue. Certains critères s'imposent
permettant de les différencier: l'époque de leur
composition (des premiers siècles de notre ère
jusqu'à un Moyen Age avancé); leur origine
géographique (du Nord au Sud, et de l'Ouest à l'Est de
l'Europe); leur utilisation dans la liturgie, plus ou moins liée
au support textuel; et enfin l'inspiration du texte. Le programme de ce
disque permet d'entendre comme un écho de cette
diversité. Il se divise en trois parties où reviennent
les thèmes du malheur et de l'espérance toujours
alliés dans ces répertoires.
Sensible à la diversité du contenu, l'auditeur du XXe
siècle ne le sera pas moins au style original des
mélodies. Au plus proche de la tradition orale qui, même
après l'invention de la notation musicale, présida
à leur composition et à leur transmission,
l'écriture rend visible cette originalité.
A côté d'autres modèles de notation
empruntés à l'Antiquité (alphabet, points), ce
sont les "neumes accents" qui, au Xe siècle, ont
été le plus aptes à traduire, par leurs formes
contournées, le caractère ornemental de ces
mélodies. Grâce à une étonnante
variété de moyens, perdue en partie dès le XIe
siècle, ils indiquent avec une certaine précision les
relations rythmiques. Leur tracé suggère à
merveille ce que la composition fait entendre comme structurel et comme
ornemental.
L'interprétation doit à l'évidence tenir compte de
ces indications. L'absence même de données quantitatives
relatives à la durée nous dit quelque chose des pratiques
de l'époque. Elle laisse en tout cas à
l'interprète une grande liberté dans le dosage des
valeurs, liberté qui s'épanouit dans les chants du
soliste.
Pour des raisons diverses, une grande partie de ces répertoires,
non grégoriens à proprement parler, ne comportent pas de
notations musicales pourvues de signes rythmiques. Pour être
scientifiquement moins fondée, quoi qu'il en soit des
déformations qui, même au Moyen Age, ont pu les affecter,
leur interprétation relève néanmoins de
l'enseignement musical que les autres peuvent transmettre. Il en va de
même des premières polyphonies qui en procèdent
pour dessiner comme un enchevêtrement de formes monodiques.
FACE I
CRAINTE ET
SUPPLICATION
1. Benedicamus Domino.
Organum à deux voix, manuscrit de Las Huelgas (transcription
inédite Marie-Noêlle Colette).
2. Domine convertere.
Offertoire pour le deuxième dimanche après la
Pentecôte. Chanté, dans certaines régions, lors des
cérémonies funèbres. (Psaume 6). On remarquera
l'archaisme de cette mélodie et sa sobriété. La
finale est sur le même degré que la corde
récitative, dont seul le deuxième verset, comme il arrive
souvent, s'écarte délibérément.
3. Timor et Tremor.
Antienne de procession pour les temps de détresse,
inspirée de la prophétie de Jonas. Attestée
dès le XIe siècle dans des manuscrits du Sud-Ouest de la
France, elle est interprétée ici d'après la
leçon bénéventaine, elle-même probablement
influencée par la tradition aquitaine.
4. O princeps.
Répons de l'office de Saint-Hilaire, attesté dans le
Sud-Ouest de la France, en particulier à Saintes et Poitiers.
5. A Clemente papa.
Répons de l'office de Saint-Eutrope, d'après un manuscrit
de la cathédrale de Saintes (XIIIe siècle). Le texte de
ce répons, qui est bien antérieur au manuscrit
cité, est inspiré du récit de la vie et des
miracles du saint. La petite "prose" qui suit le répons
évoque les prodiges qu'on attribuait à. Saint-Eutrope:
sauver de l'eau, du feu, de la prison, de la maladie, et même
ressusciter les morts et chasser les démons du corps des
possédés.
6. Vexilla regis.
Hymne attribuée à Venance Fortunat. Ce poète
était contemporain et ami de Sainte Radegonde, abbesse de
Sainte-Croix de Poitiers. (VIe siècle). Cette abbaye conservait
les reliques et le culte de la vraie croix, dont cette hymne donne le
témoignage. Venance Fortunat devint évêque de
Poitiers peu avant sa mort. Cette hymne est interprétée
ici au rythme d'une procession qui se déploie dans l'Abbaye aux
Dames.
FACE 2
RÉSURRECTION
7. Alleluia. Pascha nostrum.
Alleluia pour le jour de Pâques.
8. Tibi dixit.
Introït pour le mardi de la deuxième semaine de
Carême (Psaume 26). (Version du deuxième congrès de
l'Association Internationale d'Étude du Chant Grégorien,
Crémone, 1979).
9. Anima nostra.
Offertoire pour la fête des saints Innocents (Psaume 123).
10. Alleluia. Video coelos apertos.
Alleluia pour le jour de Saint-Étienne (Actes des Apôtres,
chap. 7).
11. Cum spectarent.
Répons de l'office de Saint-Eutrope. Le texte fait allusion aux
circonstances de la mort du saint,
qui eut la tête fendue par une cognée. La nuit qui suivit
l'Invention de ses reliques, il apparut
aux deux moines qui, avec l'évêque Saint Palais, avaient,
pour son corps, élevé une belle demeure.
12. Victimae paschali laudes.
Séquence pour le jour de Pâques, composée par Wipo
de Bourgogne (XIe siècle). Elle fut ensuite,
en quelques lieux, intégrée au drame de la
Résurrection.
Même séquence, à deux voix, d'après le
manuscrit de Las Huelgas.
N. B. Sauf indication contraire, on peut trouver les œuvres dans
le Graduel Neumé, par Dom
E. Cardine, Solesmes, 1966, et le Graduale Triplex, assorti des
neumes de Laon et de Saint-Gall, par M. Cl. Billecocq et Dom R.
Fischer, Solesmes, 1979.
C'est en effet à partir des travaux de paléographie de
Dom Eugène CARDINE et de son école,
que l'Ensemble Venance FORTUNAT a fondé sa recherche
interprétative propre.
LE CENTRE DE RECHERCHES MUSICALES DE L'ABBAYE AUX DAMES DE SAINTES
Implanté dans l'ancien et admirable Couvent Royal de l'Abbaye
aux Dames, le Centre de Recherches Musicales (CIRMAR) fut
créé en 1976.
Dès sa fondation, ce centre s'affirma être le haut lieu de
recherches et de création en matière de Musiques
Anciennes, donnant ainsi à la France un outil de travail qui lui
faisait jusqu'alors défaut.
Par ses stages, ses ateliers permanents, ses activités de
décentralisation régionale ou le
Festival de Musique Ancienne de Saintes qui en est également une
réalisation, le Centre de Recherches Musicales de l'Abbaye aux
Dames répond totalement A cette vocation.
Il lui manquait encore le témoignage durable de ses
activités par le disque ou la publication: lacune que vient
combler le présent enregistrement.
ENSEMBLE VENANCE FORTUNAT
Les compositeurs et musiciens exécutants ont, de tous temps,
tenu compte des particularités acoustiques des lieux pour
écrire et exécuter leurs œuvres, et ceci,
dès la plus haute Antiquité.
La musique pour orgue de Couperin sonne mieux à l'église
Saint-Gervais qu'à Notre-Dame; inversement celle de Vierne est
mieux adaptée à Notre-Dame qu'à des églises
acoustiquement plus "sèches".
De tous temps les églises ont servi de lieux d'expression vocale
intense, mais la qualité de la perception du message sonore
diffère selon le lieu où le message est entendu.
Nous avons eu longuement l'occasion de le vérifier en
enregistrant le groupe VENANCE FORTUNAT en salle sourde, puis à
la chapelle de la Sorbonne, puis à l'église Saint
Séverin, puis à l'église Sainte
Irénée à Paris.
Il est devenu clair que les lieux qui exaltent la voix humaine et
élargissent l'espace sonore de l'auditeur telles que l'Abbaye de
Fontevraud, celle de Noirlac ou l'Abbaye aux Dames de Saintes se
prêtent tout particulièrement à la recherche
interprétative de cet Ensemble. Là, les pierres semblent
répondre à l'appel de l'âme.
Cette impression ne peut être reproduite en studio en ajoutant la
réverbération artificielle, car l'Ensemble Venance
Fortunat se sert du trainage naturel des sons pour mettre en relief les
notes de structure et créer une sorte d'harmonie avant la lettre.
Emil Leipp
Directeur du laboratoire d'Acoustique de l'Université de Paris VI