Troubadours & Trouvères
Gérard Le Vot




medieval.org
Studio SM 12 21.75
1993





Chansons des Troubadours


1. Giraud de RIQUIER. Plus astres no m'es donatz  [5:18]  B1
voice, rebec, hurdy-gurdy, percussion
2. Gaulcem FAIDIT. S'om pogues partir son voler  [2:54]  B2
voice, organ
3. Bernard de VENTADOUR. Estat si com om esperdutz  [3:29]  B3
voice, lute
4. Raimon de MIRAVAL. Bel m'es qu'eu chant e coindei  [2:38]  B4
voice, shawm, percussion
5. Berenguer de PALOU. Domna, si totz temps vivia  [3:36]  B5
voice, fiddle
6. Aimeric de PEGUILHAN. En greu pantais m'a tengut longamen  [3:09]  A1
voice, rebec
7. MARCABRU. L'autrier a l'issida d'abriu  [3:15]  A3
voice, harp, recorder, shawm
8. Rigaud de BERBEZIEUX. Atresi com persavaus  [6:56]  A4
voice, fiddle, hurdy-gurdy


Gérard Le Vot, voice, tambour de basque
Elisabeth Renault, Dominique Vellard, voices

Dominique Ferrant, portative organ
Paul Fustier, hurdy-gurdy
Salah A. Mohammad, arab lute
Julien Skowron, fiddle, rebec
Jean-Claude Trichard, medieval lute
Patrick Verdié, cabrette, three-holed flute, stringed tambourine



Chansons des Trouvères


9. Gace BRULÉ. Ire d'amors qui en mon cuer repaire  [2:53]  A1
chanson d'amour | voice, fiddle
10. A vous Tristan, amis verai  [6:08]  A2
lai arthurien | voice, harp
11. A l'entrant dou temps novel  [4:08]  B5
reverdie | voice, fiddle, bagpipes
12. Thibaut de CHAMPAGNE. Deus est ensi conme li pellicanz  [2:40]  A3
serventois | voice, recorder
13. Bele Yolanz en ses chambres seoit  [3:35]  B2
chanson de toile | voice
14. Hue de SAINT-QUENTIN. Jerusalem se plaint et li pais  [5:02]  B1
voice, hurdy-gurdy, bagpipes
15. Chevauchoie lez un bruel  [3:27]  A5
pastourelle | 2 voices, bagpipes
16. Blondel de NESLE. A la dolçor d'este qui renverdoie  [4:30]  A4
chanson d'amour | voice, fiddle, lute, percussion


Gérard Le Vot, voice, small harp
Anne-Marie Lablaude, Jean-Blaise Roch, voices

Marion Chauvineau, (hurdy-gurdy)
Paul Fustier, (hurdy-gurdy, recorder)
Marcello Ardizzone, (fiddle, rebec)
Jean-Claude Trichard, (medieval lute)
Eric Montbel, (chabretou en roseau, bagpipes: chabra, chabrette)






TROUBADOURS ET TROUVÈRES
LA LYRIQUE COURTOISE AU MOYEN ÂGE
XIIe - XIIIe siècles


Les troubadours d'Occitanie ont inventé l'une des poésies chantées la plus ancienne du monde occidental : le Trobar. Cette lyrique profane en langue d'oc fleurit depuis le Limousin et le Poitou, jusqu'à l'extrême fin de la Provence, et même en Catalogne, aux XIIe et XIIIe siècles. Les trouvères, leurs émules du nord, créeront un peu plus tard (à partir de 1150-1160), un art du trouver analogue, mais en français. En quelque sorte apparentés à nos auteurs-compositeurs modernes, ces chantres de l'amour développent un art des cours, un chant récréatif pour initiés (les bels entendens), ceux-là même qui comprennent à demi-mot et célèbrent la fin'amor occitane, la courtoisie française. La chanson courtoise étonne par la plénitude et l'équilibre de ses deux composantes principales : les mots (occ.: los motz) et la mélodie (occ.: lo so). Dans les lyriques d'oc et d'oïl, la musique est assujettie au poème. Monodique, elle agit par le truchement de la seule voix du poète qui joue des vocalises, des intervalles larges et des pauses savamment calculées afin de mettre en valeur la ligne mélodique horizontale. L'immobilité apparente de cette musique linéaire et modale qui tourne sur elle-même, son temps intérieur si méditatif aussi, ne doivent pas tromper. Elle favorisait sans doute, tant chez l'interprète que chez l'auditeur, une forte concentration mentale. Pourtant, bien que cette poésie soit d'essence aristocratique, par sa réception, les indices que nous possédons concernant son fonctionnement musical la feraient volontiers ranger parmi les chants de tradition orale. Les troubadours, plus encore que les trouvères, prètent à l'imagination. Les médiévaux, bien avant les romantiques, ont cédé les premiers à la tentation de romancer sur nos poetes. Le troubadour Uc de Saint-Circ, à qui l'on doit une partie des biographies de ses confrères, malgré un fond de vrai dans ses vidas, fait preuve d'une imagination de conteur... Chez les trouvères aussi, la légende s'empare parfois de leurs faits et gestes. Blondel de Nesle, ami du roi d'Angleterre Richard Coeur de Lion, ne délivra-t-il pas ce dernier emprisonné grâce à une chanson ? En vérité, on a souvent dépeint les poètes courtois comme de pauvres hères, des baladins musiquant et chantant de châteaux en villages, en quête de subsides pour survivre. La réalité est différente. Si l'image du vagabond vaut pour les jongleurs interprètes, troubadours et trouvères n'ont guère de problèmes de subsistance, soit que leur condition les-libère de ce type de servitude, soit que la qualité de leurs chants leur procure renommée. En fait, toutes les catégories sociales, hormis la paysannerie, ont sacrifié à la chanson. Parmi les troubadours, se trouvent des nobles: Guillaume de Poitiers, le tout premier (1071-1126), Eble de Ventadorn, Raimbaut d'Orange, des clercs: Folquet de Marseille, le moine de Montaudon, ou bien encore des fils de bourgeois: Peire Vidal de Toulouse. Quant aux trouvères, à côté de puissants personnages: Thibaut, roi de Navarre, Charles d'Anjou, frère de Saint Louis, signe d'une société en mutation, un nombre croissant de poètes, réunis en confréries, les puys, vit dans la dépendance de la bourgeoisie des villes du nord: Arras, Douai, Amiens...


LA COURTOISIE ET L'ART DE LA CHANSON D'AMOUR

L'amour courtois dans l'Occident des XIIe-XIIIe siècles est une idée neuve. La nouveauté principale vient de ce que la Dame (occ.: la Domna) n'est plus uniquement objet d'amour physique. Idéalisée, la femme est maîtresse de jeu et reçoit du poète un hommage respectueux. Pour mériter sa Dame, l'amant devra obéir à des prescriptions multiples lesquelles poursuivent deux buts essentiels: tout d'abord retarder le plus possible l'assouvissement du désir, créant par la-même une tension psychique forte, ensuite exprimer cet amour exigeant par un art d'écrire et de chanter la «convenance» qu'est la chanson courtoise. Parmi les qualités fondamentales demandées par cette ascèce amoureuse, on retiendra surtout la générosité (largueza), l'humilité et la modération (mesura), la jeunesse de coeur (joven), la discrétion enfin, car la fin'amor est souvent un amour adultère menacé par le mari jaloux (gilos).

Le moule formel dans lequel va se fondre l'hommage du poète-amant est la chanson d'amour (occ.: canso, lat.: cantio). Dante Alighieri, le poète italien, dans son de vulgari eloquentia (vers 1304) définira la cantio comme le «maître des genres». Bâtie sur le cadre fixe de la strophe, la chanson s'organise autour de trois composantes: l'argument proprement dit, la combinaison des rimes et la division mélodique. Au sujet de cette dernière, deux types principaux de mélodies portent les poèmes: le type sans répétition nommé oda continua par Dante, et celui avec répétition appelé pedes présentant une corrélation souvent remarquable avec la formule de rimes. Ciseleurs de mots, de rimes et de sons musicaux, la virtuosité technique de troubadours tels que Raimbaut d'Orange et Arnaut Daniel n'est plus faire. Leur style, respectivement hermétique (trobar clus) et orné (trobar ric), ne seront pas toujours appréciés par les tenants d'une poésie plus facile (trobar leu), à laquelle appartient l'oeuvre de Bernart de Ventadorn, et dans une large mesure aussi, celle de trouvères comme Gace Brulé, Conon de Béthune ou le Châtelain de Coucy.

A côté de la canso occitane et de son équivalent français, la chanson d'amour, d'autres genres tenus pour difficiles et savants appartiennent à cette veine plutôt aristocratique. C'est le cas de la chanson de croisade, du sirvantois (occ.: sirventès) violente diatribe politique ou guerrière, de la plainte (occ.: planh), chant funèbre sur la mort d'un haut personnage, des dialogues chantés enfin, où deux poètes s'interpellent en soutenant des avis opposés. Au vrai, tant les structures métriques que les mélodies de ces chants ne différeront guère de celles employées pour le «maître des genres», la canso, qui leur sert de modèle formel.

Pourtant, il existe une veine poétique plus primesautière qui, fort prisée dans la France d'oïl, sera à l'origine de formes plus simples. On rangera dans ce registre nommé «popularisant» la pastourelle, un débat amoureux et spirituel entre une bergère et un chevalier, la chanson de femme et de malmariée, où l'amour au féminin est exprimé sans fard, avec naturel, la reverdie qui célèbre le renouveau, l'aube enfin, et son thème principal: la séparation des amants réveillés au matin par le rossignol ou le cri du guetteur. Le plus souvent, ces chants disposent de mélodies syllabiques, peu ornées, avec une structure répétitive litanique assez prononcée. Il n'est pas rare non plus que la strophe soit suivie d'un refrain empruntant au folklore des onomatopées ou des tournures mélodiques.


LES CHANSONNIERS MUSICAUX

Les sources musicales préservant les chansons des troubadours et des trouvères, les chansonniers, ont été copiés cinquante, voire cent ans après l'époque où la lyrique courtoise était chantée. Cet écart temporel laisse présumer une plausible oralité des chants, et dans tous les cas une longue tradition de copie.

Les recueils consignant les deux répertoires, quoique présentant une forte disparité numérique à l'avantage des trouvères, possèdent aussi un certain nombre de traits communs. Pour les troubadours seulement 353 mélodies nous sont parvenues, notées dans quatre principaux chansonniers: le manuscrit G de la Bibliothèque Nationale à Milan et les manuscrits R, W et X de la Bibliothèque Nationale à Paris. Pour les trouvères, ce sont plus de 4000 mélodies (avec les variantes) qui ont été conservées. Le nombre de recueils musicaux (une quinzaine d'importants) est aussi plus élevé, treize d'entre eux étant aujourd'hui en possession de la Bibliothèque Nationale.

L'écriture musicale employée pour noter ces chants vaut pour les deux répertoires. Ecrits sur des portées de 4 ou 5 lignes avec pour clés les clés de fa et d' ut, les neumes sont de deux sortes: dans la plupart des manuscrits, il s'agit d'une notation quadrangulaire ou carrée (planche 1), et dans quelques recueils français les neumes sont de type lorrain (planche 2).

A vrai dire l'exégèse de ces notations présente des difficultés pour le musicologue. Tout d'abord, elles sont le plus souvent dénuées d'indications précises en matière de mesure musicale. Quelques chansonniers néanmoins montrent çà et là des traces de mesure rudimentaire: les modes rythmiques. En fait, la majeure partie des documents, hormis la ponctuation du texte et des barres verticales situées généralement en fin de vers sur la portée, obligent par manque de précision à des conjectures en matière de rythme. Par ailleurs, les divergences mélodiques pour une même chanson notée dans plusieurs sources rendent très incertaine l'attribution de la musique au troubadour ou au trouvère dont le nom est écrit en rubrique. Souvent même, les chansons sont anonymes. Enfin, dernière imprécision qui rend caduque toute opinion trop affirmée en matière d'interprétation, l'absence d'indication d'un accompagnement instrumental constitue un paradoxe compte tenu de l'abondance des citations d'instruments dans l'iconographie et dans les oeuvres littéraires.


LA VOIX ET LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE

Le rôle de la voix dans la chanson courtoise est assez particulier. Là encore Dante ouvre le chemin en quelques remarques capitales. La cantio, écrit-il, est d'abord le chant qui s'accomplit en tant qu'acte créatif: actus canendi. Elle est aussi l'acte de la représenter en la chantant, une passio, c'est-à-dire une oeuvre interprétée qui rappelle les sentiments inspirateurs de la composition. La chanson recouvre donc, en un certain sens, l'acte technique du chant. Concrètement, la voix sculpte au moyen de son mouvement et de ses silences l'acuité mélodique. Dans Las Flors del Gay Saber (1352) Guillaume Molinier insiste sur le fait que le vers, la chanson à son origine, doit «avoir une mélodie longue, pausée et nouvelle, avec de belles et mélodieuses montées et descentes...» En fait, la voix rendait manifeste la forme combinatoire de la chanson. Processus d'invention musicale très souple, la déclamation vocale, sans doute en partie improvisée, associait au geste constructif de la voix des facteurs physiologiques tels que le timbre et la respiration, mais aussi des facteurs psychologiques, l'émotion, un climat entre auditeurs et chanteur, une véritable entreprise de séduction.

Les instruments existant aux XIIe et XIIIe siècles sont connus surtout grâce à deux types de témoignages : les textes (traités théoriques et romans) et les sources iconographiques (sculptures, miniatures). Dans l'ensemble, leurs formes se rapprochent de celles des instruments des musiques traditionnelles: rebecs et vièles à archet, luths et percussions, flûtes, tambours de basque et cornemuses. Des instruments d'origine religieuse ont pu aussi être utilisés : la symphonia, dérivée de l'organistrum liturgique, ancêtre de la vielle à roue de nos traditions de folklore régional, l'orgue portatif proche de l'organetto du XIVe siècle italien, la harpe enfin, emblème de David, puis au XIIIe siècle de Tristan. Il reste pourtant que rien dans les manuscrits ne prouve l'existence assurée d'un soutien instrumental à la déclamation. Sur ce point, l'avis des musicologues reste très partagé.


L'INTERPRETATION VOCALE: TEXTE PLURIEL ET RE-CREATION

Afin de pallier les imprécisions de la documentation en matière de rythme et d'accompagnement instrumental, une foule de solutions a pu être avancée par les musicologues. C'est dans cette perspective d'ailleurs, que la théorie de la chanson en tant que processus vocal doit être comprise et versée au dossier, sujet à controverse, du rythme dans la monodie médiévale. Aucune des hypothèses élaborées à ce jour ne peut prétendre rendre compte totalement de la réalité historique. Toutes néanmoins déterminent sur le plan esthétique l'allure de la chanson. Finalement, rappelons que les deux questions relatives à l'interprétation: comment troubadours et trouvères chantaient-ils au Moyen Age? comment les chanter de nos jours? partent de points de vue différents. Si la première est affaire d'historien, la seconde est tâche de musicien, peut-être aussi de poète.

GÉRARD LE VOT
Avec l'aimable autorisation des Editions Larousse.





CHANSONS DES TROUBADOURS

1. PLUS ASTRES NO M'ES DONATZ
Guiraud Riquier (...1254-1292...)Retroencha (rotrouange, chanson à refrain)
Mélodie du ms. R, fol. 110 v°.
Né à Narbonne, le dernier des troubadours cherchera en Castille et en Italie un auditoire qu'il ne pouvait plus trouver dans l'Occitanie de la fin du XIIIe s. Cette chanson à refrain, qui garde pour cadre la fin'amor des vrais amants, est un éloge des Catalans.

2. S'OM POGUES PARTIR SON VOLER
Gaucelm Faidit (1172-1203)Canso (chanson d'amour)
Mélodie du ms. X, fol. 89 vº. Une autre version est conservée dans le ms. G, fol. 22 vº.
Grand voyageur fils d'un bourgeois d'Uzerche en Limousin, Gaucelm Faidit sera accueilli avec sa femme Guilhelma (de mauvaise réputation) dans les principales cours d'Occitanie et d'Italie du Nord. Ambassadeur du trobar, il se rendit en Hongrie et peut-être même en Terre Sainte. Son œuvre abondante était prisée tant pour les textes poétiques que pour ses mélodies compliquées et très ornées.

3. ESTAT SI COM OM ESPERDUTZ
Bernard de Ventadour (...1147-1170...)Canso (chanson d'amour)
Mélodie du ms. W, fol. 195 r°.
Fils du boulanger du château de Ventadour, Bernard fut protégé par le Seigneur des lieux Eble II, avant que de se rendre en Normandie, où il bénéficiera des faveurs de la reine Aliénor d'Aquitaine. Comme Bertrand de Born, il mourut au monastère cistercien de Dalon (Dordogne). Bernard était l'un des maîtres du trobar leu, un style poétique où le sens simple et clair s'unit à la fluidité du chant et des sonorités du poème.

4. BEL M'ES QU'EU CHANT E COINDEI
Raimon de Miraval (...1191-1229...)Canso (chanson d'amour à caractère politique)
Mélodie du ms. R, fol. 83 v°.
Pauvre chevalier du château de Miraval, ou pied de la Montagne Noire en Carcassés. Raimon fréquenta la cour du comte de Toulouse. Après le désastre de Muret (1218) où Pierre II, roi d'Aragon, meurt, il se réfugia en Catalogne au monastère cistercien de Santa Clara à Lérida. La chanson enregistrée ici, à mi-chemin entre canso et sirventés, composée en 1213 après que le troubadour eut été dépossédé de son château par Simon de Montfort, s'adresse à Pierre II pour qu'il vienne secourir le comte de Toulouse.

5. DOMNA SI TOTZ TEMPS VIVIA
Bérenguer de Palou (...1164...)Canso (chanson d'amour)
Mélodie du ms. R, fol. 37 r°.
Bérenguer de Palou reste un troubadour d'identification difficile, parce que de nombreux personnages portent à son époque le même nom et que quantité de lieux-dits en Roussillon comme en Catalogne sont appelés Palou. Le seul élément précis que l'on possède à son sujet est la date de 1164, date de la mort de l'un de ses protecteurs.

6. EN GREU PANTAIS M'A TENGUT LONGAMEN
Aimeric de Peguilhan (...1190-1221...)Canso (chanson d'amour)
Mélodie du ms. G, fol. 35 v°.
Fils d'un bourgeois de Toulouse, Aimeric de Peguilhan voyagea en Catalogne, en Castille, et mourut en Lombardie. Le biographe du XlVe s. nous apprend qu'il chantait fort mal. Dante pourtan l'admirait et le tenait pour l'un des maîtres du «style élevé».

7. L'AUTRIER, A L'ISSIDA D'ABRIU
Marcabru (...1130-1149...)Pastourelle
Mélodie tirée d'une composition latine: Ecce Letantur omnia
(ms. Paris, B.N., lat. 37119, fol. 40 r°.)

De condition modeste ce troubadour gascon à la mysoginie notoire avait pour surnom Pan-Perdut (Pain-Perdu). Dans cette pastourelle, qui emprunte au fond popularisant sa situation (un seigneur face à un couple de jeunes bergers) on retrouve les propos habituels du Marcabru moraliste, qui se plaint de vivre une époque de décadence.

8. ATRESSI COM PERSAVAUS
Rigaud de Berbezieux (...1141-1160...)Canso (chanson d'amour)
Mélodie du ms. X, fol. 85 r°.
La vida, nous apprend que Rigaud, seigneur de Barbezieux en Charente, était bon musicien. Il est par excellence le troubadour de la comparaison amoureuse: ici, «ravi» devant sa dame, il se compare ÷a Perceval le Gallois en contemplation devant le Graal.


CHANSONS DES TROUVÈRES

9. IRE D'AMORS QUI EN MON CUER REPAIRE
Gace Brulé (...1159-1213...)Chanson d'amour
Mélodie du ms. V, fol. 31.
Protégé par Marie de Champagne et Louis de Blois, Gace Brulé appartient à la féconde lignée des trouvères champenois.
Dans le plus pur style du «Grand Chant Courtois», la chanson d'amour enregistrée ici atteindra une certaine célébrité, puisque Dante la citera dans son traité de poétique De vulgari eloquentia.

10. A VOUS, TRISTAN, AMIS VERAI
Anonyme — Lai arthurien
Mélodie du ms. 2542, Bibliothèque Nationale de Vienne, fol. 380 v° - 381.
Interpolée dans le roman de Tristan et Yseut, cette pièce lyrique de facture très simple se présente sous la forme d'une lettre. Yseut livre sans fard sa douleur et sa peine devant l'absence de Tristan éloigné au royaume de Logres.

11. A L'ENTRANT DOU TEMPS NOVEL
Anonyme — Reverdie
Mélodie du ms. O, fol. 11.
Le cadre de la reverdie est le plus souvent un décor champêtre, idéalisé et enchanteur. Ici, le début printanier très classique et le chant des oiseaux introduisent la douleur du poète inconnu.

12. DEUS EST ENSI CONME LI PELLICANZ
Thibaut de Champagne (1201-1253)Serventois
Mélodie du ms. V, fol. 17 v°.
Trouvère de haute noblesse, Thibaut, comte de Champagne, participa à la révolte des grands vassaux contre la reine Blanche de Castille. Il se ralliera à la régente et l'épaulera par la suite efficacement, avant de devenir roi de Navarre en 1234. Ici, son serventois, une véritable invective, est dirigé contre les faux dévots qui ruinent Rome et la Chrétienté, comme le fait dons la légende le mauvais oiseau du nid du pélican.

13. BELE YOLANZ EN SES CHAMBRES SEOIT
Anonyme — Chanson de toile
Mélodie du ms. U, fol. 64 v°.
Une des plus jolies chansons de toile conservées : la jeune fille toute à son ouvrage, un travail de toile, expose son amour simplement, sans finesse rhétorique excessive. Le chant y est narratif, direct et émouvant.

14. JERUSALEM SE PLAINT ET LI PAIS
Hue de Saint-Quentin (?-1221)Chanson de croisade
Mélodie du ms. T, fol. 42.
Suite à l'échec de la Se croisade (1219-1221), Huon condamne l'attitude des religieux qui permettent aux croisés moyennant finance de se «décroiser», abandonnant leurs compagnons captifs. Le jugement dernier et la légende du soldat aveugle Longin, qui perça le flanc du Christ a sa mort et fut pardonné, sont invoqués pour affermir les volontés.

15. CHEVAUCHOIE LEZ UN BRUEL
Anonyme — Pastourelle
Mélodie du ms. U, fol. 46.
La situation de cette pastourelle sacrifie à la convention du genre : elle met en scène un chevalier et une bergère qui se fait prier d'amour. Le dialogue, vif, alerte et piquant comme au théâtre, et les refrains marqués par les onomatopées dorelo, dorenlo, ciquedondi, quedonda, sont caractéristiques du registre folklorisant.

16. A LA DOLÇOR D'ESTE QUI RENVERDOIE
Blondel de Nesle (fin du Xlle siècle)Chanson d'amour
Mélodie du ms. V, fol. 105 e.
La vie de Blondel, trouvère picard originaire de Nesle (Somme), est mal connue. En revanche, nombre d'histoires légendaires depuis le Moyen Age courent sur celui-ci. Ses aventures - il aurait délivré le roi Richard Coeur de Lion, prisonnier en Autriche - serviront d'argument en 1784 à un opéra de Sedaine et Grétry.