medieval.org
Pierre Vérany PV 83 032 (LP)
1983
Pierre Vérany PV. 790042 (CD), 1990
1. Ductia [2:32]
chalemie, bombarde
Pièce instrumentale à deux voix, introduite par une
improvisation qui installe progressivement les notes fondamentales du
mode, les cellules rythmiques et mélodiques de la pièce.
2. Amour ou trop tard me suis pris [3:33]
BLANCHE de CASTILLE (?) (1188—1252) |
chant, psaltérion
Prière à la Vierge. Son attribution à la reine de
France a quelquefois été contestée. Son auteur ne
serait-il pas plutôt THIBAUT de CHAMPAGNE ?
3. Ahi amours, com dure departie [4:09]
chant, flûte, vièle à archet, tambourin de
basque
Adieu à la dame aimée avant le départ pour le
pèlerinage ou la croisade.
4. Primus ex apostolis [3:25]
Codex Calixtinus
cc 117
chant, récitant, tambour
Chant des pèlerins de Compostelle, dit quelquefois «chant
d'Ultreia» (Codex Calixtinus). On n'en entend ici que les deux
refrains en alternance, qui ont dû 'are des chants de marche du
pèlerinage. Leur langue — un latin mêlé
d'évidents germanismes — et les cris de marche —
Ultreia, suseia (en avant, sus!), Deus aia nos (Dieu à notre
aide!) — leur donnent un caractère populaire
souligné ici par la vigueur des rythmes choisis. Les textes qui
se surimposent au chant sont extraits du «guide du
pèlerin» (Codex Calixtinus); ils évoquent quelques
étapes de la route: Arles, St-Gilles, Toulouse, Roncevaux.
5. Chevalier mult estes guariz [2:42]
chant, chalemie, tambour
Chant de croisade (manuscrit d'Erfurt). Compose au milieu du XIIe
siècle, il fait allusion à la croisade de Louis VII.
6. Trotto [1:45]
récitant, flûtes, guitare sarrasine, chalemie, tambour,
tambourin de basque
Musique de danse (manuscrit du British Museum). Le texte qui
l'introduit est extrait du Jeu du Pèlerin d'Adam de la HALLE.
7. Sire cuens j'ai viele [4:30]
Colin MUSET (2e quart XIIIe siècle)
chant, vielle à archet, chalemie, bombarde, tambour,
tambourin de basque, grelots
Ce chant de trouvère est d'abord interprété sur un
rythme libre, le texte prenant le pas sur la mélodie. La
même musique, cette fois-ci rythmée, devient ensuite un
air de danse.
8. Primus ex apostolis [1:10]
Codex Calixtinus
cc 117
chant, récitant, chalemie, tambour
Les refrains du chant des pèlerins sont ici suivis d'un texte du
«guide du pèlerin» décrivant l'arrivée
à la basilique (Codex Calixtinus).
9. De grad'a Santa María + pièce instrumentale [7:07]
CSM 253
ALPHONSE le SAGE (1221-1284),
Cantigas de Santa Maria
chant, vièle à archet, flûte, guitare sarrasine,
tymbalons, tambourin de basque, grelots
L'une des cantiga de Santa Maria écrites par le roi de
Castille. La pièce instrumentale qui alterne avec le chant est
due à F. ROYON LE MÉE.
10. Primus ex apostolis [3:11]
Codex Calixtinus
cc 117
chant, récitant, chalemie, orgue positif
Après un court texte du «guide du pèlerin»,
le «chant d'Ultreia» est donné avec ses versets
(Codex Calixtinus). La pièce n'est pas homogène: aux
refrains populaires d'origine germanique sont juxtaposés des versets
qui semblent être un hymne compostellan.
11. Te cantemus domino [3:57]
Codex Calixtinus
cc 91
FULBERT de CHARTRES, attr. | chant, récitant, bourdon a l'orgue
Lecture farcie pour la messe de la fête de saint Jacques (Codex
Calixtinus). Psalmodie ornée. Un «lecteur» et un a
«chanteur» alternent. On note, a la fin, le jeu sur la
voyelle «a» qui termine chaque phrase du lecteur, reprise
en vocalise par le chanteur, le tout se résolvant sur l'amen qui
réunit lecteur et chanteur.
12. Gratulantes celebremus festum [1:22]
Codex Calixtinus
cc 97
GOSLIN, ev. de Soissons, attr. | chant —
Déchant. Messe pour la fête de saint Jacques (Codex
Calixtinus).
13. Benedicamus Domino [2:28]
Hu  37
chant — organum, codex de Las Huelgas (Benedicamus Domino IX)
14. Ad honorem regis summi [2:34]
Codex Calixtinus
cc 115
Aymeric PICAUD, attr. | chant, orgue positif, carillon
Hymne de la fête de saint Jacques (Codex Calixtinus). La musique
et le texte en font une pièce à caractère
populaire. On retrouve au dernier verset les cris de marche des
pèlerins.
15. Te Deum [1:10]
chant
ENSEMBLE DE MUSIQUE ANCIENNE
POLYPHONIA ANTIQUA
Yves ESQUIEU · un jongleur — chalemie, psaltérion,
flûte à bec, carillon
Guy LAURENT · un jongleur — chant (baryton), bombarde, flûte
à bec, percussions
Marie-Hélène COULOMB · châtelaine, une villageoise,
une Galicienne — chant, flûte à bec
Yves-Marie DESHAYS · un pèlerin — recitant, chant, orgue
positif
Gilles SCHNEIDER · un pèlerin — recitant, chant (baryton), percussions
Magalie BRUZEL · une villageoise, une Galicienne — chant, guitare
sarrasine
Nicole ESQUIEU · une villageoise, une Galicienne — chant
avec
Frank ROYON LE MEE · un pèlerin, un Galicien — chant (baryton
& contre-ténor), vièle à archet,
percussions
Enregistrement analogique : 5/7 juillet 1982
Prise de son et montage : Pierre Verany
Direction artistique : Yves Esquieu
Couverture (CD) : Le Martyre de Sainte-Cécile (détail), Cecco del Caravaggio
Musée Granet, Aix-en-Provence - Cliché Bernard Terlay
©1990 PIERRE VERANY (CD)
℗1983 PIERRE VERANY, AIX-EN-PROVENCE
Nous attirons l'attention de l'auditeur sur le fait que les plages 5, 6
et 7 ont été volontairement enregistrées en
extérieur, cela pour conserver une certaine authenticité
cette reconstitution du pèlerinage de
Saint-Jacques-de-Compostelle. Il ne faudra donc pas s'étonner
d'entendre en fond sonore le chant des grillons, de même que les
instruments résonner un peu moins.
Yves Esquieu
"ULTREIA" signifies "onward". In the
Middle Ages it was the marching cry of both pilgrims and crusaders. In
those days thousands of people set out each year on pilgrimages to such
holy places as Jerusalem, Rome or Santiago de Compostella. In the
twelfth and thirteenth centuries, the pilgrimage to Compostella in
Galicia was certainly the most popular due to the fact that since about
830 it had been rumoured that a tomb containing the remains of Saint
James the Apostle had been found in that western-most part of Spain. After Yves Esquieu
1. Ductia
«ULTREIA» signifie «en avant». C'était
au Moyen Age le cri de marche des pèlerins et des
croisés. En ce temps-la, des milliers de gens
n'hésitaient pas, chaque année, à se lancer sur
les routes pour se rendre dans les grands centres de pèlerinage;
Jérusalem, Rome, Saint-Jacques-de-Compostelle. Aux XIIe et XIIIe
siècles, le pèlerinage de Compostelle, en Galice,
était certainement le plus populaire, depuis qu'aux alentours de
830 s'était répandu le bruit que l'on avait
découvert, en cet extrême occident de l'Espagne, un
tombeau contenant les restes de l'apôtre.
Nous avons voulu évoquer, sous la forme du théâtre
liturgique médiéval, la marche d'un groupe de
pèlerins vers Saint-Jacques. Une première
représentation scénique en a été
donnée par l'ensemble Polyphonia Antigua en juin 1981 en
l'abbaye cistercienne de Sénanque. Ce disque en est pour ainsi
dire la bande sonore et, plus qu'une juxtaposition de pièces
musicales liées au pèlerinage galicien, c'est une
évocation cohérente qu'il convient d'écouter de la
première pièce à la dernière comme s'il
s'agissait d'une œuvre homogène et ininterrompue. Afin de
recréer une certaine atmosphère, certaines pièces
ont même été enregistrées en
extérieur.
Des jongleurs se joignaient souvent aux pèlerins pour les
distraire durant leur chemin. Deux d'entre eux sont ici imaginés
dans un château invitant la dame qui les a accueillis à
chanter avec eux une prière à la Vierge. Puis ils lui
chantent un adieu, image de celui qu'adressent à la dame
aimée tous ceux qui partent pour le Christ, car les femmes n'ont
point de place en ce pèlerinage. Le chant des pèlerins
évoque ensuite les étapes de la route; à
Roncevaux, contre les Sarrasins, il nous rappelle qu'en ce
temps-là, l'idée de pèlerinage était
étroitement liée à celles de la croisade et de la
Reconquête. Les danses et la musique des jongleurs
agrémentent le soir le repos des pèlerins. Et l'on arrive
enfin à Compostelle. Sur le parvis de la basilique, alors comme
encore aujourd'hui, les pèlerins manifestent leur joie en
dansant, chantant ou en faisant sonner leurs instruments. Un Galicien
chante ici l'aventure d'un pénitent toulousain miraculeusement
soulagé sur le chemin de Saint-Jacques par l'intervention de la
Vierge Marie. Puis l'on pénètre dans la basilique
où retentissent, en l'honneur de la fête de
l'apôtre, monodies et polyphonies. Comme au Moyen Age à
l'issue de toute représentation d'un théâtre
liturgique, le spectacle s'achève sur le chant du Te Deum.
Le Codex Calixtinus, ou Liber Sancti Jacobi, est une
compilation à la gloire de l'apôtre saint Jacques
réalisée autour de 1140. Le plus ancien exemplaire connu
de ce manuscrit se trouve aux archives du chapitre cathédral
à Saint-Jacques-de-Compostelle. Le premier des cinq livres qui
le composent est un recueil de pièces liturgiques en l'honneur
du saint; recueil particulièrement important dans la mesure
où il n'existe pas de monument liturgique médiéval
dédié au culte d'un seul saint qui puisse se comparer
à celui-ci. Quatre des cinq chants liturgiques
enregistrés ici en proviennent. Le cinquième livre du Codex
Calixtinus est un guide à l'usage des pèlerins. Nous
en avons extrait quelques phrases pour évoquer certaines
étapes fondamentales du voyage.
Les musiques présentées ici se répartissent en
plusieurs groupes :
— Les chants de trouvères («amour ou trop
tard», «ahi amours», «sire cuens»,
«chevaliers») auxquels on peut ajouter la cantiga «de
grad'a santa Maria». Il s'agit de chants monodiques à la
structure musicale simple: de deux à quatre phrases seulement,
la première étant répétée deux fois
de suite au moins sur un texte différent. Trois de ces chants
ont un refrain. Sauf dans le cas de la cantiga, la notation ne
comportait aucune indication rythmique. L'accompagnement n'était
jamais noté non plus. L'interprétation joue donc une part
importante: choix du tempo, des rythmes en fonction de la signification
du texte et de sa prosodie, improvisation des préludes et des
accompagnements.
— Des monodies religieuses: l'une est de type psalmodique avec
ornements neumatiques («te cantemus»); deux autres sont de
caractère populaire («ad honorem», «primus ex
apostolis»); nous proposons pour eux une rythmique qui nous
semble parfaitement convenir à des pièces qui
étaient interprétées au moins partiellement, par
la foule des pèlerins.
— Un déchant («gratulantes»): forme primitive
de la polyphonie dans laquelle chaque note de la mélodie
grégorienne est accompagnée d'une note simple ou d'un
groupe neumatique. Les notes n'ayant pas de valeur fixe écrite,
et en l'absence de toute mesure, il appartient aux chanteurs d'en
déterminer la durée de telle sorte que les syllabes
coïncident.
— Un organum («benedicamus»): la mélodie
grégorienne (ou teneur) s'étire en notes très
longues qui servent de support aux guirlandes de vocalises de la voix
supérieure.
We
have tried to evoke, in the form of a mediaeval liturgical drama, the
long march to Compostella undertaken by a group of pilgrims. The first
production was given by the Polyphonia Antigua ensemble in June, 1981,
in the Cistercian Abbey of Senanque. This record is, so to speak, the
sound track but it is more than a juxtaposition of musical pieces
connected with the Galician pilgrimage; it is a coherent evocation which
should be heard, from beginning to end, as if it were homogeneous and
continuous work. Certain pieces have even been recorded outside in order
to recreate a special atmosphere.
Jugglers frequently joined the
pilgrims to entertain them on their journey. We have imagined two of
them here in a castle, inviting their hostess to join with them in
singing a prayer to the Virgin Mary. Then follows a farewell song
resembling the traditional farewell which all those who set out on a
pilgrimage, or crusade, addressed to their mistress. After this, the
pilgrims' song evokes the successive stages on their journey; we are
reminded, by their encounter with Saracens at Roncevaux, that in those
days the conception of a pilgrimage was closely linked with the crusades
and the reconquest of the Holy Land. The jugglers' dances and music
delighted the pilgrims as they reposed in the evening after their long
day's march. At last, they reach Compastella. As they do even today, the
pilgrims express their joy by dancing, singing or playing their
instruments in the basilica parvis. At this point, a Galician intones a
lay describing the adventures of a penitent from Toulouse who was
miraculously comforted by the Virgin Mary on his way to Compostella. The
pilgrims then enter the basilica which resounds with monodies and
polyphonies in honour of the Apostle. The performance ends, like all
mediaeval liturgical dramas, with a Te Deum.
The Codex Calixtinus, or Liber Sancti Jacobi,
is a series of texts to the glory of Saint James the Apostle compiled
in about 1140. The oldest known copy of this manuscript can be found in
the archives of the Compostella Cathedral Chapter House. It comprises
five books, the first of which is a collection of liturgical
compositions in honour of Saint James. Its importance lies in the fact
that no other existing mediaeval liturgical work dedicated to the cult
of one particular saint can compare with it. Four of the five liturgical
songs recorded here are taken from this collection. The fifth book of
the Codex Calixtinus is a guide for pilgrims. We have chosen a few phrases from it in order to evoke certain fundamental stages on the journey.
The music presented here may be divided into various groups:
— Trouvère songs ("Amour ou trop tard", "Ahi amours", "Sire cuens", "Chevaliers") to which one might add the cantiga
"De grad'a Santa Maria". These are monodic songs with a simple musical
construction composed of two to four phrases only, the first being
repeated, at least twice running, to a different text. Three of these
songs include a refrain. Except for the cantiga, no rhythmic
indications appeared in the notation nor was the accompaniment marked.
The interpretation, therefore, is extremely important: the choice of
tempo, rhythms according to the meaning and prosody of the text,
improvisations in the preludes and accompaniments.
— Religious
monodies: one is psalmodic in style, with neumatic grace notes ("Te
cantemus'); two others are more popular in character ("Ad honorem",
"Primus ex apostolis"), for which we have proposed a rhythm which seems
particularly suitable, as these pieces were interpreted, at least
partially, by the host of pilgrims.
— A descant ("Gratulantes"): a
primitive form of polyphony in which each note of the Gregorian melody
is accompanied by a simple note or a neum. As these notes have no fixed
written value and no bars are indicated, the singers themselves have to
decide upon the length of the notes so that the syllables coincide.
—
An organum ("Benedicamus"): the Gregorian melody (or tenor) is drawn
out by exceedingly long notes which serve as a support for the melismes
in the treble.
An
instrumental piece in two voices introduced by an improvisation which
progressively establishes the fundamental notes of the mode and the
basic recurrent melodies and rhythms.
2. Amour ou trop tard me suis pris
A
prayer to the Virgin Mary. Its attribution to the Queen of France has
sometimes been contested. It is possible that the composer was in fact
Thibaut de Champagne.
3. Ahi amours, com dure departie
A pilgrim's or crusader's farewell to his mistress before setting out on his journey.
4. Primus ex apostolis
The
pilgrims' marching song, sometimes called the "Ultreia song" (Codex
Calixtinus). Only the two alternating refrains can be heard here. The
language — Latin mingled with evident German idioms — and the marching
cries — Ultreia, suseia (onward, come on !), Deus aia nos
(God help us !) — give the song its popular character which is
emphasized here by the vigorous rhythm chosen by the musicians. The
texts which accompany the song are taken from the "Pilgrim's guide"
(Codex Calixtinus) ; they evoke certain stages on the way to Compostella
: Arles, Saint-Gilles, Toulouse, Roncevaux.
5. Chevaliers mult estes guariz
A sonhg from the Crusades (Erfurt manuscript). Composed in the middle of the twelfth century, it alludes to Louis VII's crusade.
6. Trotto
Dance tunes (British Museum manuscript). The introductory text is taken from Adam de la Halle's Jeu du Pèlerin.
7. Sire cuens j'ai vielle
This
trouvère song is interpreted first in free rhythm, the text taking the
lead from the melody. Then the same music, rhythmed this time, becomes a
dance tune.
8. Primus ex apostolis
The
refrains of the pilgrims' song are here followed by a text from the
"pilgrim's guide" describing their arrival at the basilica of
Compostella (Codex Calixtinus).
9. De grad'a Santa Maria
This is one of the Cantigas de Santa Maria written by the king of Castille. The instrumental piece which alternates with the song was composed by F. Rayon Le Mée.
10. Primus ex apostolis
A
short text from the "pilgrim's guide" is followed by the "Ultreia song"
(Codex Calixtinus). This piece is not homogeneous : popular refrains of
German origin are juxtaposed to verses which seem to constitute a
Compostella hymn.
11. Te cantemus Domino
A
reading for the Mass which celebrates the feast of Saint James (Codex
Calixtinus). The psalmody is ornate. The reader and singer alternate. At
the end of the piece one can note the play on the vowel "a" which
finishes each of the reader's phrases and is then taken up and vocalized
by the singer, all resolving in the amen which reunites both reader and
singer.
12. Gratulantes celebremus festum
The descant here is from the Mass of the feast of Saint James.
13. Benedicamus domino
Organum (codex de Las Huelgas).
14. Ad honorem regis summi
A
hymn for the feast of Saint James (Codex Calixtinus). The music and
text give this hymn its popular character. In the last verse the
pilgrims' marching-cries appear once again.
15. Te Deum