Chansons des Rois et des Princes du Moyen Âge
Ensemble Perceval





medieval.org
Arion ARN 68031

1987







THIBAUT IV, compte de Champagne et roi de Navarre
1. J'aloie l'autrier errant   [3:58]   pastourelle du Roi de Navarre
2. Du tres douz non a la Virge Marie   [9:53]   chanson pieuse du Roi de Navarre
3. Dame, merci   [4:55]   jeu parti entre le Roi de Navarre et une dame
4. Seigneurs: sachiez qui ore ne s'en ira   [3:45]   chanson de croisade

ALFONSO X EL SABIO, roi de Castille et du Léon
5. Null' ome per ren non deve a dultar   [6:47]   CSM 361
6. Virgen Santa Maria, guarda-nos, se te praz   [5:21]   CSM 47
7. Como poden per sas culpas os omes seer contreitos   [3:43]   CSM 166

CHARLES D'ANJOU, roi de Naples
8. La plus noble emprise qui soit   [7:02]   lai

GUILLAUME VII DE POITIERS, duc d'Aquitaine
9. Pos de chantar   [5:30]   planh

CONON DE BÉTHUNE, régent de l'Empire de Constantinople
10. L'autrier avint en cel autre païs   [3:42]   débat entre un chevalier et une dame

RICHARD-CŒUR-DE-LION, roi d'Angleterre
11. Ja nul hons pris ne dira sa raison   [7:32]   rotrouenge du captif



Réalisations et restitutions: GUY ROBERT




Ensemble Perceval
Guy Robert

Katia Caré — voix, flûtes à bec médiévales
Emmanuelle Huret — voix
Alain Serve — voix, luth oriental, percussions
Jean Pierlot — vièle à arc, percussions
Guy Robert — luth médiéval, guitare sarrasine, orgue portatif, hautbois à capsule

avec la participation de
Alain Barré — flûtes traversières et flûtes à bec médiévales





Prise de son et direction artistique : Jean-Marc LAISNÉ
Enregistrement (DDD) réalisé en avril 1987

Recto : «L'Amant reçu au château de sa Dame» (Manuscrit du 14ème s., B.N.)
Maquette : Idéographic

℗ © ARION 1987

A L'OCCASION DU MILLÉNAIRE DES ROIS CAPÉTIENS,
enregistrement missionné par la Direction de la Musique et de la Danse
au Ministère de la Culture et de la Communication.





English liner notes









CHANSONS DES ROIS ET PRINCES DU MOYEN-AGE.

Il est commun, aujourd'hui, de sourire aux prétentions littéraires ou artistiques des «Grands». Si l'histoire leur accorde volontiers un rôle prépondérant d'humaniste et de protecteur des arts, elle est, en revanche, plus caustique envers leurs talents d'artiste. Ce jugement, certainement valable dès la Renaissance, ne peut s'appliquer à cette période envoûtante des troubadours et des trouvères.
L'art de ces «trouveurs» des XIème, XIIème et XIIIème siècles est un art féodal : chevaliers, seigneurs et princes s'affrontent en joutes poétiques et les plus grands ne seront pas nécessairement, malgré leurs occupations politiques, les moindres de ces musiciens poètes. Thibaut de Navarre et Alfonse le Sage, par exemple, se situeront parmi les meilleurs artistes de ces quelques générations.

GUILLAUME VII, comte de Poitiers et neuvième duc d'Aquitaine (1071-1127)
Prince disposant de terres beaucoup plus étendues que celles du roi de France, il donnera naissance à une sorte de dynastie de protecteurs des arts avec sa petite-fille Aliénor d'Aquitaine, épouse de Louis VII puis de Henri Plantagenet, mère de Marie de Champagne et de Richard Cœur-de-Lion.
Il est le premier troubadour historique ; prince débauché, auteur de chansons souvent licencieuses, il fut excommunié plusieurs fois. La chanson donnée ici (n° 9) est une plainte (planh) sur lui-même écrite l'occasion d'un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, très probablement après la levée en 1117 de son excommunication. La mélodie de ses chansons étant perdue, celle-ci a été reconstituée à partir d'un fragment conservé dans le Miracle de Sainte-Agnès.

RICHARD CŒUR-DE-LION, Richard 1er, roi d'Angleterre (1157-1199)
Fils du second mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec Henri Plantagenet, il prit part à la troisième croisade où il s'attira l'inimitié du duc d'Autriche qui le retint prisonnier. S'il a été chanté par de nombreux troubadours, on ne peut lui attribuer que deux chansons dont une seule a conservé sa mélodie : c'est la célébre «rotrouenge du captif», appel pour sa rançon où il rend hommage sa demi-sœur Marie de Champagne.

CONON DE BETHUNE (mort vers 1220)
Cinquième fils de Robert V, comte de Béthune, apparenté aux maisons de Hainaut et de Flandre, sire Quesne de Béthune doit une part de sa brillante carrière à ses talents d'orateur. Après l'élection de son protecteur, le comte Baudouin de Flandre, à la tête de l'empire latin de Constantinople, il deviendra sénéchal, puis régent de l'Empire.
Il se situe parmi les trouvères de premier plan, son œuvre est souvent caustique et emprunte de misogynie, comme celle choisie ici (n° 10) au ton très humoristique.

THIBAUT IV, comte de Champagne et roi de Navarre (1201-1253)
Descendant direct de Louis VII et d'Aliénor d'Aquitaine, il héritera en 1234 du royaume de Navarre par son oncle maternel.
C'est l'un des trouvères les plus talentueux et les plus féconds. Il s'est attaché à tous les styles du genre et nous laisse une œuvre très variée qui compte environ 80 chansons. Parmi les quatre pièces qui débutent le présent enregistrement et qui montrent la richesse d'inspiration mélodique du poète, il faut remarquer la quatrième, écrite pour la cinquième croisade, surprenante par son thème martial.

CHARLES D'ANJOU, roi des Deux-Siciles (1226-1285)
Frère de Saint-Louis, il devient roi de Naples en 1266 mais perdit la Sicile au profit de Philippe d'Aragon en 1282.
Grand protecteur des arts -c'est pour lui que fut réalisé le Chansonnier du Roi, un des principaux manuscrits de chansons de l'époque- il fit du royaume de Naples un centre artistique important que fréquenta entre autres Adam de la Halle et où fut représenté pour la première fois le jeu de Robin et Marion. Plus mécène que compositeur, il ne laisse que quelques chansons ; il s'y montre comme un poète conventionnel, épris d'amour courtois mais doué d'une grande puissance d'invention musicale.

ALFONSO X EL SABIO, roi de Castille et du Léon (1223-1284)
Petit-fils du frère de Blanche de Castille, Alfonso IX, victorieux des Maures, qu'il cite dans la cantiga n° 361 (n° 5), Alphonse le savant, surnommé aussi l'Astronome, est un humaniste, épris de culture et œcuménisme. De nombreux artistes viendront d sa cour, troubadours mais aussi musiciens juifs, arabes et berbères.
Il laisse un des grands monuments de la musique médiévale : les Cantigas de Santa Maria, prés de 400 chansons. Ce sont pour la plupart des historiettes naïves, avec parfois des références personnelles, sur les miracles de la Vierge Marie. Elles sont composées dans la forme populaire de la chanson à refrain, proche du virelai et écrite en galicien, parent du portugais moderne et qui était la langue poétique préférée de la cour d'Alphonse X.

GUY ROBERT





THE SONGS OF KINGS AND PRINCES OF THE MIDDLE-AGES

It is customary today to smile at the literary or artistic pretensions of the «Great». If History willingly grants them a leading role as humanist and protector of the arts, it is, by contrast, more caustic towards their talents as artists. This judgement, certainly valid for the Renaissance, cannot be applied to this fascinating period of troubadores and trouveres.
The art of these «trouveurs» of the XIth, XIIth and XIIIth centuries is a feudal art; knights, lords and princes opposing one another in poetic joustings with the greatest being, despite their political occupations, not the least among these musician-poets. Thibaut of Navarre and Alfonso the Wise, for example, are to be found among the finest artists of these few generations.

GUILLAUME VII (William VII), Count of Poitiers and IXth Duke of Aquitaine (1071-1127)
A prince possessing lands far more extensive than those of the king of France, gave rise to a sort of dynasty of protectors of the arts with his granddaughter, Eleanor of Aquitaine, wife of Louis VII, then of Henry Plantagenet, mother of Mary of Champagne and Richard Cœur-de-Lion (Richard the Lion Heart).
He is the first historical troubadour; a dissolute prince, author of songs which were often ribald, he was ex-communicated several times. The song given here (n°9) is a lament (planh) for himself written on the occasion of a pilgrimage to St Jacques of Compostella, most probably after the lifting of his excommunication in 1117. The melody of these songs having been lost, the one in this recording has been reconstituted from a fragment preserved in the «Miracle of Saint Agnes».

RICHARD CŒUR-DE-LION, Richard Ist of England (1157-1199)
Son of Eleanor's second marriage to Henry Plantagenet, he took part in the third crusade where he attracted the enmity of the Duke of Austria who kept him prisoner. Although his compositions were sung by many troubadours, only two songs may be attributed to him, and of these, the melody of a single one has been preserved. This is the celebrated «rotrouenge du captif», an appeal for his ransom in which he pays tribute to his half-sister, Mary of Champagne.

CONON DE BÉTHUNE (died about 1220)
Fifth son of Robert V, Count of Béthune, related to the houses of Hainaut and Flanders, sire Quesne de Béthune owes a part of his dazzling career to his talents as an orator. Following the election of his protector, the Count Baudouin of Flanders, to the head of the Latin Empire of Constantinople, he became seneschal then regent of the Empire.
He ranks among trouveres of the first order, his work is often cutting, marked by misogamy, as in the one chosen here (n° 10) which is very humorous in tone.

THIBAUT IV, Count of Champagne and King of Navarre (1201-1253)
Direct descendant of Louis VII and Eleanor of Aquitaine, in 1234 he inherited the kingdom of Navarre from his maternal uncle.
He is one of the most talented and productive trouveres. He applied himself to all the various styles of the genre and has left us a work of great variety, comprising approximately 80 songs. Among the four pieces which open this recording and which illustrate the poet's wealth of melodic and poetic inspiration, note the fourth, written for the fifth crusade, surprising by its martial theme.

CHARLES OF ANJOU, King of the Two Sicilies (1226-1285)
Brother of Saint-Louis, he became king of Naples in 1266 but lost Sicily to Phillip of Aragon in 1282.
A great patron of the arts -the Chansonnier du Roi, one of the major song scores of the period, was written for him- he made the kingdom of Naples a major artistic centre, frequented by, among others. Adam de la Halle, where the play «Robin and Marion» was performed for the first time. Benefactor rather than composer, he left only a few songs, revealing himself as a conventional poet, smitten with courtly love but gifted with great powers of musical invention.

ALFONSO X EL SABIO (Alfonso the Wise), King of Castille and Leon (1223-1284)
Grandson of Blanche of Castille's brother, Alfonso IX, victor over the Moors, whom he cites in cantiga n° 361 (nº 5). Alfonso the Wise, also called the Astronomer, was a humanist, enamoured of culture and ecumenism. Many artists came to his court, troubadours but also Jewish, Arab and Berber musicians.
He left one of the great monuments of medieval music: the Cantigas de Santa Maria (Songs of the Virgin Mary), almost 400 songs. They are, for the most part naive anecdotes, with sometimes personal references, about the miracles of the Virgin Mary. They are composed in the form of popular songs with a refrain, not unlike virelai and written in Galician, close to modern Portuguese which was the preferred poetic language at the court of Alfonso X.

GUY ROBERT
translated by Joséphine de LINDE