JOSQUIN. Missa Pange Lingua
Ensemble Organum · Ensemble Clément Janequin





medieval.org
harmonia mundi HMC 1239
· 1986 LP
harmonia mundi HMC 190 1239 · 1986 CD
harmonia mundi “hmGold” HMG 190 1239 · 2008 CD








1. Introït. Cibavit eos  [5:44]

2. JOSQUIN. Missa Pange lingua. KYRIE  [2:43]
3. JOSQUIN. Missa Pange lingua. GLORIA  [4:58]

4. Graduel. Oculi omnium. V. Aperis tu manum tuam  [6:04]
5. Alleluia. V. Caro mea vere est cibus  [4:30]

6. JOSQUIN. Missa Pange lingua. CREDO  [7:03]

7. Offertoire. Sacerdotes Domini  [3:10]

8. JOSQUIN. Missa Pange lingua. SANCTUS  [6:34]

9. O salutaris hostia  [1:02]

10. JOSQUIN. Missa Pange lingua. AGNUS DEI  [7:05]

11. HymnePange lingua’  [2:45]








ENSEMBLE
CLÉMENT JANEQUIN
ENSEMBLE ORGANUM
Marcel Pérès
Dominique Visse
Michel Laplénie
Philippe Cantor
Antoine Sicot
Gérard Lesne
Josep Benet
Josep Cabré
François Fauché
contre-ténors
ténors
barytons
basses







harmonia mundi s.a., Mas de Vert, 13200 Arles Ⓟ 1986 [hmGold: © 2008]
Enregistrement janvier 1986
Prise de son Jean-François Pontefract
Direction artistique : Michel Bernard
Traductions Escha, A. Lenz, D. Yeld
Illustration van Eyck, L'Agneau Mystique (détail)
Cliché Lauros-Giraudon
Maquette Relations [hmGold: Atelier harmonia mundi]




English liner notes







“Missa est cantus magnus cui verba kyrie, et in terra, Patrem, Sanctus et Agnus, et interdum caeterae partes a pluribus canendae supponuntur, quae ab aliis officium dicitur». La définition de Johannes Tinctoris (Terminorum Musicae Diffinitorium, v. 1475) est bien claire: “La Messe est un grand chant où l'on chante à plusieurs voix les textes Kyrie, Et in terra, Patrem, Sanctus et Agnus, et parfois d'autres parties. Certains la nomment Office”. En un siècle, la messe polyphonique est devenue le genre musical majeur, imposé, la suite de Machaut, par plusieurs générations de grands polyphonistes — Dufay, Ockeghem, Obrecht, Busnois, Josquin Desprez... Il ne faut pas l'oublier, ce Cantus Magnus, ainsi opposé au petit chant qu'est la chanson (cantilena, cantus parvus), reste avant tout une musique liturgique, destinée la célébration du rite majeur qu'est la messe. Même s'il est déjà fortement architecturé, formalisé, l'ordinaire polyphonique (les cinq chants cités par Tinctoris) se trouve donc, dans la pratique, dilué dans un ensemble qui intègre d'autres chants, ceux du Propre, ces “caeterae Partes” — Introït, Graduel, Alleluia, Séquence, Offertoire et Communion — le plus souvent exécutés en plain-chant.

Un certain nombre de cas montrent l'évidence que le matériau musical support de la construction formelle, quand elle existe, est choisi en fonction de la destination liturgique précise de l'œuvre.

La Missa Pange Lingua de Josquin Desprez en est un exemple patent. Construite sur l'hymne Pange Lingua (du 3e ton) de la Fête du Corpus Christi , elle est manifestement destinée à la messe de la Fête-Dieu. Deux au moins des sources manuscrites qui nous sont transmises la désignent d'ailleurs comme Missa de Venerabili Sacramento. Dans une autre source, le magnifique Occo Codex, conservé la Bibliothèque Royale de Bruxelles, la messe de Josquin figure parmi un ensemble de pièces polyphoniques (O Salutaris Hostia, Tantum ergo, Cibavit eos, et une autre Missa de Venerabili Sacramento) toutes destinées à une liturgie du saint sacrement. La décoration des lettrines enluminées du Kyrie intègre d'ailleurs les instruments de l'élévation et de l'ostension, le calice et l'ostensoir. Or, ce manuscrit, propriété d'un riche marchand humaniste (un certain Pompeius Occo, “mercator sapiens”) était attaché à la chapelle de Stede d'Amsterdam dont Occo était le “conservateur”. Cette chapelle avait été fondée au XIVe siècle, en commémoration du Miracle d'Amsterdam: en 1345, une hostie était sortie miraculeusement intacte du feu dans lequel elle était tombée. Un des quatre autels était consacré au saint sacrement et l'un des principaux événements religieux de la cité était la grande procession annuelle de la Fête-Dieu.

Il semble donc bien que cette messe de Josquin, comme ce manuscrit — ou du moins une partie de son contenu — soit liée à ce qui est l'un des aspects principaux de la ferveur religieuse du Moyen-Age finissant, la dévotion au saint sacrement. C'est à partir du douzième siècle, en effet, que se développent conjointement à la fois le rite de l'élévation et la Fête du Corpus Christi. Instituée dès 1246, la Fête-Dieu se généralise surtout au XIVe siècle et est alors célébrée par de grandes processions solennelles où l'on portait le saint sacrement découvert à travers les rues. Ce culte de la présence réelle s'exprime aussi pendant tout le XVe siècle par le désir quasi-frénétique de voir l'hostie. En Angleterre, on va jusqu'à invectiver le célébrant: “Plus haut, maître Jean, plus haut!”. Dans les villes, on court d'église en église pour assister au plus grand nombre possible d'élévations. C'est qu'on attend les plus grands bienfaits de la contemplation de l'Hostie: d'après un manuscrit du XVe siècle, le jour où l'on a vu l'hostie, on est assuré de ne pas perdre la vue, de ne manquer de rien, de ne pas mourir de mort subite, etc. La floraison des motets O salutaris hostia date de cette même époque.

On comprend mieux, dans ce contexte, l'importance particulière que la messe de Josquin attache aux mots “Et incamatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine et Homo factus est” admirablement soulignés par une lente homophonie, ponctuée de longs points d'orgue.

L'écriture est la même dans la plupart des O salutaris hostia — comme celui, anonyme, extrait de l'Occo codex que nous avons retenu ici comme élévation. On a dû écouter ces passages avec une ferveur contemplative particulièrement intense. Il est assez difficile de dater précisément la Missa Pange Lingua de Josquin Desprez. Cependant, les musicologues s'accordent pour y voir une œuvre tardive, vraisemblablement composée dans les quinze dernières années de sa vie (v. 1515). On peut en tout cas remarquer que Petrucci ne la connaissait sans doute pas en 1514: il ne l'inclut pas dans son troisième volume des Messes du musicien. Elle ne sera d'ailleurs publiée que beaucoup plus tard, en 1539, dans les Missae Tredecim de l'éditeur allemand Ott. Vers 1517, en tout cas, elle est déjà connue en Italie, puisque le luthiste Vincenzo Capirola la met en tablature. Cette Messe semble, d'ailleurs, avoir été très connue et largement diffusée dans toute l'Europe: on la trouve dans au moins 16 manuscrits et 4 éditions imprimées, aussi bien en Allemagne, en France qu'en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas.

La mélodie de l'hymne Pange Lingua sert de matériau — ou de sujet — à la totalité de l'ordinaire En cela, cette messe se distingue d'autres œuvres, comme la Missa De Beata Virgine de Josquin. Dans celle-ci, en effet, ce sont les mélodies de l'ordinaire qui fournissent les sujets respectifs de chacun des mouvements : l'œuvre est donc sous le signe de la différence, comme dans un ordinaire en plain-chant. La messe Pange Lingua, au contraire, est sous le signe de l'unité formelle, comme ces messes construites sur un seul thème, telles les Missae L'homme armé ou Herculs Dux Ferrariae du même musicien. Cependant, l'usage que Josquin fait de la mélodie-mère est ici tout à fait différent de la technique ancienne du cantus firmus, utilisée pendant tout le XVe siècle — dans ces deux dernières messes, notamment. La mélodie y est traitée avec une grande liberté: paraphrasée et développée dans toutes les voix, elle irrigue, donc, largement le tissu polyphonique, constitué essentiellement de contrepoint en imitation. On l'a compris, cependant, l'intention liturgique, négligée au premier degré, s'y trouve transcendée au profit d'un sens plus élevé de la situation liturgique, celle de la Fête même du Corpus Christi, emblématiquement inscrite dans la totalité de l'œuvre par la mélodie populaire de l'hymne Pange Lingua.

Dans certaines parties de la messe, la totalité de la mélodie est exploitée: les trois sections du Kyrie en exposent successivement les six incises, deux à deux, reprises en synthèse finale par le dernier Agnus. Dans d'autres parties, Josquin se contente de retenir quelques motifs, dont il interrompt le développement par des séquences libres. À plusieurs reprises, le musicien combine d'autres mélodies liturgiques avec celle du Pange Lingua: dans le Credo, par exemple, on reconnaît ici ou là — “et in unum Dominum...”, “Deum de Deo...”, etc. — des éléments mélodiques d'un Credo grégorien. En dépit de ces combinaisons, la polyphonie josquinienne est ici extraordinairement homogène et en même temps continuellement variée. Josquin y joue sans cesse des quatre voix, en les associant diversement: deux, trois, quatre, en imitation, en dialogue antiphonal, note contre note. S'il y retrouve parfois des pratiques typiquement liturgiques, comme l'alternance des demi-chœurs — la plupart du temps, des Bicinia de tessitures différentes — ou la structure responsoriale des litanies, elles y sont toujours intégrées à une économie de l'expression tout à fait moderne et profondément rhétorique. Le Gloria en offre quelques très beaux exemples dans les versets “Qui tollis peccata mundi...”, où la supplication — “Miserere nobis”, “suscipe deprecationem...” — est soulignée par la polyphonie à quatre voix succédant au bicinium de l'invocation — “Qui tollis...”.

Ces effets se conjuguent parfois au symbolisme évident de certains procédés, pour mieux exprimer le texte: dans le Credo, par exemple, les deux bicinia, successivement grave et aigu, qui chantent le verset “Et in Spiritum...”, se rejoignent dans un tutti des quatre voix pour “Simul adoratur”. De la même manière, “Et resurrexit tertia die” est chanté à trois voix. “Et ascendit in coelum” est évoqué par un motif mélodique franchement ascendant chanté en imitation par le superius et le tenor, alors que pour “descendit de coelis”, la courbe mélodique de trois des quatre voix (superius, contratenor et bassus) est délibérément descendante.

Ce ne sont pas là que des détails infimes, simples épiphénomènes d'une réalité artistique qui aurait son sens ailleurs. Ce qu'ils révèlent, c'est bien l'émergence d'une attitude nouvelle, dont la Fête-Dieu et le “désir de voir l'hostie” sont une autre facette. Dans cette invasion générale du sensible qui marque “l'automne du Moyen-Age”, la musique, elle aussi, veut donner à voir. Le processus de visualisation joue en effet un rôle évident dans l'exercice de la dévotion, comme le montre ce manuel de prières à l'usage des petites italiennes (Zardino de Oration. Venise, 1494): “Pour mieux graver l'histoire de la Passion dans ton esprit, et en mémoriser plus facilement chaque action, il est utile et nécessaire d'en fixer les lieux et les personnages dans ton esprit: une ville précise par exemple, qui sera la ville de Jérusalem — en pensant à une ville que tu connais bien... Et tu dois aussi évoquer dans ton esprit certaines personnes, des gens que tu connais bien, pour te représenter les personnages de la Passion...”.

Il est bien probable qu'une telle activité de représentation visuelle a dû s'exercer un degré extrême dans la “monstrance” divine du Corpus Christi. La théâtralité de la Fête-Dieu en témoigne, avec son décorum, ses accessoires (le dais ou baldaquin...), ses tableaux vivants, ses Paradis... Systématiquement associée aux Paradis du théâtre et des arts plastiques, la musique ne peut qu'en demeurer marquée dans la manière dont elle est “visualisée”, surtout en situation de connotation céleste. En 1436, Florence, lors de la consécration de la Basilique Santa Maria del Fiore de Brunelleschi, le chroniqueur voit très précisément les anges musiciens: On entendit chanter des voix si nombreuses et variées et de telles symphonies s'élevèrent vers le ciel qu'on croyait entendre un concert d'anges... Au moment de l'élévation, la basilique tout entière retentit de symphonies si harmonieuses accompagnées du son de divers instruments qu'on eût dit la musique mime du paradis descendant du ciel sur la terre”.

JEAN-PIERRE OUVRARD




L'interprétation du chant grègorien à la fin du Moyen Âge

Il est curieux de constater que l'effort de presque la totalité des grégorianistes se soit porté essentiellement sur un supposé “Âge d'Or” dont les limites de l'existence historique restent assez floues. Il semble de bon ton de considérer qu'à partir du XIIe siècle (certains auteurs parlent même du XIe siècle, les germes de la décadence introduits par la polyphonie détériorèrent inexorablement la pure tradition grégorienne. Si bien que l'existence du grégorien du XIIIe au XIVe siècle est reléguée aux oubliettes de l'Histoire. Pourtant, pendant ces quatre siècles, les musiciens n'ont cessé de puiser l'essence même de leur art dans ce grégorien qui constituait véritablement non seulement le squelette mais la chair et le sang de la tradition Musicale de l'Occident. Tous les grands chantres compositeurs du Moyen-Age, de Guillaume de Machaut à Josquin Desprez, et même au-delà, connaissaient le répertoire grégorien par cœur et le pratiquaient quotidiennement.

Mais comment le chantaient-ils ? Peut-on vraiment se contenter de la description péremptoire des histoires de la musique qui parlent d'un grégorien décadent, édulcoré, lent et ennuyeux, chanté mécaniquement en notes égales par des chantres ayant perdu le sens de la modalité?

Fort heureusement nous est parvenu un certain nombre de documents et de témoignages qui nous permettent d'imaginer le style et la virtuosité avec laquelle le grégorien était chanté. Le premier principe qui semble avoir été toujours la règle, même pour le haut Moyen Âge, est celui de la variation des tempi suivant les degrés de solennité de la liturgie. Trois catégories étaient pratiquées: tempo allant pour les jours ordinaires, modéré pour les solennités importantes et très lent pour les grandes fêtes de l'année liturgique. Mais cette extrême lenteur des grands jours était là pour permettre aux chantres d'orner à profusion, de fleurir, suivant le terme employé (florizare), ce chant grégorien que l'on voulait offrir à Dieu avec encore plus d'éclat à l'occasion de fêtes exceptionnelles. Ainsi la mélodie grégorienne étirée, proclamée à l'intérieur d'une pulsation régulière où chaque note devenait un temps, atteignait, grâce l'ornementation qui parait la note tout comme l'enluminure transfigurait la lettre, les sommets jubilatoires du chant sacré. La mélodie grégorienne devenait nouvelle, d'une nouveauté jaillie de l'instant, l'instant précis du temps liturgique qui privilégie mieux que tout autre moment l'action de l'Esprit Saint. Alors était pleinement réalisé le verset prophétique de David: “Cantate Domino canticum novum” et les chantres avaient la sensation de s'inscrire de la sorte dans une tradition ininterrompue.

Il est possible, dans une certaine mesure, de suivre les traces de cette tradition ornementale, bien qu'elle differe suivant les temps et les lieux. Elle semble avoir existé dès la fin du XIIe siècle, atteignit son apogée à la fin du XIVe siècle et au XVe siècle, mais commença à disparaître au cours du XVIe siècle. Elle subsista cependant d'une certaine manière dans les plain-chants ornés de l'époque baroque. Nous en trouvons une description assez précise dans deux traités du Moyen Âge, celui de Jérôme de Moravie au XIIIe siècle et les “Quatuor Principalia” traité anonyme anglais du XIVe siècle. Tous deux se font l'écho d'une tradition originale du nord de la France et qui fut dominante en Europe occidentale jusqu'au début du XVIe siècle.

Jérôme de Moravie appelle ces ornements “flos armonicus”. Il s'agit de vibrations lentes ou rapides dont le débit peut être modulé. Elles interviennent à des endroits précis de la ligne mélodique. L'auteur des “Quatuor principalia” apporte plus de précisions et donne même des exemples notés de remplissage d'intervalles de tierce et de quarte par les degrés intermédiaires où il est permis de discerner l'embryon des pratiques de diminution aux XVe et XVIe siècles.

Le choix d'ornementation choisi pour la messe “Cibavit” repose sur ces deux traités. Connus et édités depuis le milieu du XIXe, ils n'ont néanmoins jamais été mis en pratique avec toute l'attention qu'ils méritent. Pourtant leur premier éditeur Charles Edmond de Coussemaker avait déjà écrit à propos du traité de Jérôme de Moravie:

“Quand il sera connu dans toute son étendue, alors seulement on pourra avoir une idée des immenses ressources d'exécution dont le plain-chant disposait au Moyen-Age pour émouvoir ses auditeurs et faire pénétrer dans les cœurs les sentiments les plus nobles et les plus élevés. Quand on se transporte un instant par l'idée au temps où tout cela existait dans tout son éclat, l'imagination reste éblouie du degré de grandeur, de noblesse et de sublime auquel avait atteint cet art véritablement divin”.

MARCEL PÉRÈS





“Missa est cantus magnus cui verba Kyrie, et in terra, Patrem, Sanctus et Agnus, et interdum caeterae partes a pluribus canendae supponuntur, quae ab aliis officium dicitur". This definition by Johannes Tinctoris (Terminorum Musicae Diffinitorium, c. 1475) is very clear: “The Mass is a great chant in which the words of the Kyrie, Et in terra, Patrem, Sanctus and Agnus, and sometimes other parts are sung in several voices. Some call it the Office”. In a single century the polyphonic Mass had become the major musical form, imposed, after Machaut, by several generations of great polyphonists —Dufay, Ockeghem, Obrecht, Busnois,Josquin Desprez... We should not forget that this Cantus Magnus, as opposed to the cantus parvus, cantilena or chanson, remained, above all, liturgical music destined for the celebration of the major ritual of the Mass. Even if it had already been formalized and invested with strong architectural features, the polyphonic ordinary (the five chants mentioned by Tinctoris) found itself in practice, diluted in a context which included other chants, those of the proper, the “caeterae partes” — the Introit, Gradual, Alleluia, Sequence, Offertory and Communion — most often sung in plainchant.

A certain number of cases bear evidence to the fact that material of the musical support of the formal construction, when it exists, is chosen according to the precise liturgical destination of the work.

The Missa Pange Lingua is a patent example of this. Built on the hymn, Pange Lingua (in the 3rd tone) for the Feast of Corpus Christi, it is clearly destined for the Corpus Christi Mass. At least two of the manuscript sources which have come down to us designate it as Missa de Venerabili Sacramento. In another source, the magnificent Occo Codex in the Royal Library in Brussels, Josquin's Mass figures among a collection of polyphonic pieces (O Salutaris Hostia, Tantum Ergo, Cibavit eos, and another Missa de Venerabili Sacramento), all of them intendedf or the liturgy of the Holy Sacrament. The decoration of the illuminated capitals of the Kyrie incorporates the utensils of the elevation and the showing of the monstrance, the chalice and the monstrance. Yet this manuscript, the property of a rich humanist merchant (a certain Pompeius Occo, “mercator sapiens”), was part of the chapel of the Heilige Stede in Amsterdam of which Occo was the “curator”. This chapel had been founded in the 14th century in commemoration of the Miracle of Amsterdam: in 1345 a host was retrieved miraculously intact from the fire into which it had fallen. One of the four altars in the chapel was consecrated to the Holy Sacrament, and one of the principal religious events of the city was the great annual Corpus Christi Day procession.

It therefore seems very likely that Josquin's Mass, like this manuscript —or at least part of its contents — is allied to what was one of the main aspects of the religious fervour of the waning Middle Ages, i.e. the devotion to the Holy Sacrament. In fact it was in the 12th century that there was the simultaneous development of the ritual of the elevation and of the Feast of Corpus Christi. Instituted in 1246, Corpus Christi became generalized in the 14th century when it was celebrated with vast solemn processions in which the uncovered Holy Sacrament was borne through the streets. This cult of the true presence was also expressed throughout the 15th century by the almost frenetic desire to see the Host. In England it went as far as exhorting the celebrant to raise it “higher, Master John, higher!” In towns people ran from church to church in order to participate in as many elevations as possible. This was because the greatest benefits were expected from the contemplation of the Host: according to a 15th century manuscript, on the day one had seen the Host, one was sure not to lose one's eyesight, to lack for nothing, not to suffer sudden death, and so on. The welter of motets on the O salutaris hostia date from this very period.

In this context it is easy to understand the particular importance that Josquin's Mass attaches to the words, “Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine et Homo factus est”, admirably underlined by slow homophony punctuated by long pedal points. The writing is similar inmost of the O Salutaris hostia settings— such as the anonymous one from the Occo Codex, which we have used here as the elevation. These passages must have been listened to with particularly intense fervour.

It is somewhat difficult to date Josquin's Missa Pange Lingua with precision. Musicologists, however, agree that it is a late work, probably composed in the last fifteen years of his life (around 1515). In any case, Petrucci did not seem to have known it in 1514, because he did not include it in his third volume of the composer's Masses. Moreover, it was not to be published until much later, in 1539, in the Missae Tredecim by the German publisher, Ott. In about 1517, at any rate, it was already known in Italy, because the lutenist, Vincenzo Capirola put it into tablature. The Mass seems to have been very well known and widely performed throughout Europe: it s found in at least 16 manuscripts and in 4 printed editions in Germany, France, Spain, Italy and the Netherlands.

The tune of the hymn, Pange Lingua, serves as the material, or “subject” throughout the ordinary. In this the Mass distinguishes itself from other works, like Josquin's Missa De Beata Virgine, where, in fact, it is the tunes of the ordinary that furnish the respective subjects for each of the movements: this Mass is, therefore, placed under the sign of variety, like in an ordinary in plainchant. On the contrary, the Missa Pange Lingua is all formal unity, like the Masses constructed on a single theme, such as the Missae l'Homme armé or Hercules Dux Ferrariae by the same composer. However, the use made by Josquin of the fundamental melody is quite different from the old cantus firmus technique, used all through the 15th century —in the two above mentioned Masses,for example. Here the tune is treated with great freedom: paraphrased and developed in all the parts, it irrigates, as it were, the polyphonic texture, essentially constituted of counterpoint in imitation. It has been understood, however, that the liturgical intention, neglected at the first degree, is here transcended on behalf of a more elevated sense of the liturgical situation, that of the Feast of Corpus Christi itself, emblematically imprinted on the whole work by the “popular” tune of the hymn, Pange Lingua.

In certain parts of the Mass the entire melody is exploited: the three sections of the Kyrie successively state the six clauses, in pairs, which are recapitulated in a final synthesis by the last Agnus. In other parts Josquin uses only some of the motifs and interrupts their development by free sequences. Several times he combines other liturgical tunes with that of the Pange Lingua: in the Credo, for instance, we recognize here and there — “et in unum Dominum...”, “Deum de Deo...”, etc. —melodic elements of a Gregorian Credo. In spite of these combinations, Josquin's polyphony is extraordinarily homogeneous, and, at the same time, continuously varied. Josquin constantly plays with the four voices by associating them in different combinations: in twos, in threes, in fours, in imitation, in antiphonal dialogue, note against note. If sometimes he returns to typical liturgical practices, such as the alternation of the divided choir —mostly bicinia at different pitches — or the responsorial structure of litanies, they are always integrated into an economy of expression which is completely modern and profoundly rhetorical. The Gloria offers some very fine examples of this in the verses “Qui tollis peccata mundi...”, where the supplication — “Miserere nobis”, “suscipe deprecationem...” — is emphasized by a four-part polyphony succeeding the bicinium of the invocation, “Qui tollis...”.

These effects are sometimes joined with the obvious symbolism of certain procedures, all the better to express the sense of the words: in the Credo, for example, the two bicinia, successively low and high in pitch, which singthe verse, “Et in Spiritum...”, join one another in a four-part tutti for the “Simul adoratur...”. In the same way, “Et resurrexit tertia die” is sung in three parts. “Et ascendit in coelum” is depicted by af rankly rising melodic motif sung in imitation by the superius and the tenor, while for “descendit de coelis” the melodic curve in three of the four voices (superius, contratenor and bassus) is deliberately a falling one.

These are not only tiny details, simple epiphenomena of an artistic reality of which the real significance lies elsewhere. What they reveal is the emergence of a new attitude of which Corpus Christi and the “desire to see the Host” are other facets. In this general invasion of the sensible, which marked the “autumn of the Middle Ages”, music, too, strove to make things visible. The process of visualization played an obvious role in the exercise of devotion, as is shown in the little manual of prayers for the use of Italian children (Zardino de Oration, Venice, 1494): “To imprint the story of the Passion to greater effect on your mind and to memorize each action more easily, it is useful and necessary to fix the places and the people in your mind: a particular town, for example, which will be the town of Jerusalem—by thinking of a town you know well... And you should also think of certain people, people you know well, to represent the characters of the Passion...”.

It is highly probable that a similar activity of visual representation exerted itself to an extreme degree in the divine “monstrance” of Corpus Christi. The theatricality of the Corpus Christi celebration bears witness to this fact, with its décors, its accessories (the dais or the canopy), its tableaux vivants, its Paradises... Systematically associated with the Paradises of the theatre and the plastic arts, music could not escape being marked by the manner in which it was “visualised”, especially in a situation of a celestial connotation. In 1436, at Florence, at the consecration of Brunelleschi's basilica, Santa Maria del Fiore, the chronicler very clearly saw angelic musicians : “...we heard the singing of so many and varied voices and such symphonies rising up to heaven, that one believed to hear a concert of angels... At the moment of the elevation, the entire basilica resounded with such harmonious symphonies accompanied by the sound of various instruments that one would have said that the music of Paradise itself had come down from heaven to earth”.

THE INTERPRETATION OF GREGORIAN CHANT
AT THE END OF THE MIDDLE AGES


It is curious to ascertain that the effort of virtually all Gregorian specialists should be focused on a hypothetical “Golden Age”, the historical limits of which remain rather vague. It would appear to be good form to consider that from the 12th century (certain authors even talk of the 11th century), the seeds of “decadence” introduced by polyphony led inexorably to the deterioration of the “pure” Gregorian tradition. This ideals so deeply rooted that the existence of Gregorian chant from the 13th to the 16th centuries has been consigned to the oubliettes of history. And yet, during these four centuries musicians never ceased drawing the very essence of their art from the Gregorian chant which constituted not only the skeleton but the very flesh and blood of Western musical tradition. All of the great precentor- composers of the Middle Ages, from Guillaume de Machaut to Josquin Desprez, and even beyond, knew the Gregorian repertory by heart and practised it daily.

But how did they sing it ? Can we really content ourselves with the peremptory description of musical histories which speak of a decadent, syrupy, slow and boring Gregorian chant, mechanically sung in equal notes by singers who had lost the sense of modal singing?

By great good fortune a certain number of documents and evidence have come down to us which make it possible for us to imagine the style and the virtuosity with which Gregorian chant was sung.

The first principle which seems to have always been the rule, even in the high Middle Ages, is that of the variation of the tempi according to the degree of the solemnity of the liturgy. Three categories were practised : a brisk tempo for the ordinary days, a moderate tempo for important solemnities, and a very slow tempo for the great feast days of the liturgical year. But this extreme slowness for the great days was chosen in order to permit the singers to profusely decorate, to “florify”, as the term florizare put it, the Gregorian chant which it was desired to offer God with even greater brilliance on the occasion of exceptional feast days. Thus the drawn-out Gregorian melody, proclaimed within the boundaries of a regular pulse, in which each note became a beat, attained, thanks to the ornamentation which adorned the note like illumination in a manuscript transfigured the letter, to jubilatory summits of sacred singing. The Gregorian melody became new, with a newness that sprang forth out of the moment, the very moment of the liturgical occasion which set off better than any other moment the work of the Holy Spirit. In this way the prophetic verse from the Psalm of David was fully realized: “Cantate Domino canticum novum” (Let us sing unto the Lord a new song), and the singers had the sensation that they thereby belonged to an unbroken tradition.

It is, in a certain manner, possible to follow the traces of this ornamental tradition, although it differed according to time and place. It appears to have existed from the end of the 12th century, reached its peak at the end of the 14th and in the 15th centuries, and begun to disappear during the 16th century. It continued to exist, however, in a certain way, in the ornate plainchants of the Baroque period. We find a rather precise description of it in two medieval treatises, that by Jerome of Moravia in the 13th century, and in the anonymous 14th century English treatise, the “Quatuor Principalia”. Both of them reflect a tradition which originated in the North of France and was dominant in Western Europe until the beginning of the 16th century.

Jerome of Moravia calls these ornaments “flos  armonicus”. They are slow or rapid vibrations, the flow of which could be modulated. They were introduced in precise places in the melodic line. The author of the “Quatuor Principalia” gives more precise details, and even gives notated examples of the filling in of intervals of a third or a fourth by intermediary degrees in which one can discern the practices of diminution of the 15th and 16th centuries.

The choice of ornamentation for the Mass “Cibavit” is based on these two treatises. Known and published since the mid-19th century, they were, however, never put into practice with all the attention they deserve. Yet their first editor, Charles Edmond de Coussemaker, had already written regarding the treatise by Jerome of Moravia:

“When it is known in its full extent, only then will one have an idea of the immense resources that plainchant had at its disposal in the Middle Ages, to move its listeners and to cause the most noble and most elevated sentiments to penetrate to their hearts. When one allows oneself to be transported for an instant by the idea of a time when all this existed, the imagination is dazzled by the degree of the grandeur, of the nobility and the sublime to which this veritably divine art attained”.