Rosarius / Diabolus in Musica
Chansons religieuses en langue d'oïl (XIIIe et XIVe s.)





  medieval.org
Studio SM D2886
2000






1. Vierge Marie douce et piteuse  [4:14]
chanson anonyme (BN fr 12483) | ténor RB* et tutti

2. Motets anonymes (Wolfenbüttel HAB 1206)  [1:52]
Je vos salu ~ ET ILLUMINARE
Benoite est et sera ~ BENEDICTA
soprano, orgue, vièle

3. On doit la mère Dieu honorer  [3:22]
chanson anonyme (BN na fr 1050) | baryton *, tutti, percussion

4. Nete comme argent  [6:00]
chanson anonyme (BN fr 12483) | soprano*, orgue, ténors RB AG, baryton

5. Moutl fu Marie  [2:25]
chanson anonyme (BN na fr 1050) | ténor AG, vièle

6. Quant voi la flor novele  [2:57]
chanson anonyme (BN na fr 1050) | ténors RB AG, baryton

7. Aymans fins et veraist  [5:41]
chanson de Lambert FERRI (BN na fr 21677) | baryton , orgue

8. Diex puissans misericors  [1:56]
rondeau, musique Jehan de LESCUREL (BN fr 146) ·
· texte anonyme (BN fr 819-820) | soprano, ténor RB

9. Mère au sauveour  [1:54]
chanson anonyme (Ars 3517) | ténors AG RB

10. He, mère Diu ~ La virge Marie ~ APTATUR  [1:32]
motet anonyme (Montpellier BU H196) | ténors RB AG, baryton

11. Chanter voel or m'en souvient [2:23]
chanson anonyme (Ars 3517) | ténor RB*, soprano, ténor AG, baryton

12. Efforcier m'estuet  [4:14]
chanson de Gautier de COINCI (BN na fr24541) | tutti

13. Je te pri de cuer par amors  [3:03]
chanson anonyme (BN na fr 1050) | soprano, ténor A, vièle

14. Vierge estoille tresmontaine  [2:08]
rondeau, musique Jehan de LESCUREL (BN fr 146) ·
· texte anonyme (BN fr 819-820) | ténors RB AG, baryton

15. Entendes tot a cest sermon   [15:40]
Épître farcie à St Étienne (BN fr 375) | soprano*, orgue, ténors RB AG, baryton

16. Je vois le jour, deurenleu !  [0:57]
Rondeau anonyme (Ars 3517) | ténor AG*, tutti, percussion






ENSEMBLE
DIABOLUS IN MUSICA
Antoine Guerber

Aïno Lund-Lavoipierre, soprano
Raphaël Boulay, ténor – RB
Antoine Guerber, ténor – AG
Jean-Paul Rigaud, baryton
(* = soliste)

Christophe Deslignes, orgue portatif
Brice Duisit, vièle à archet

avec la participation de

Dominique Chanteloup, percussions




Ensemble missionné par le Conseil Régional Centre

Enregistrement du 18 au 21 septembre 2000 en l'abbaye de Fontevraud
Direction artistique, prise de son, montage : Jean-Marc LAISNE
Enregistreur : NAGRA Digital 24 bits • Micros : Bruel et Kjaer 4003 • Montage : Pyramix

Toutes tes pièces sont chantées à partir des sources manuscrites
Pour le motet HE, MERE DIU/ LA VIRGE MARIE/APTATUR, la transcription de référence d'Yvonne ROKSETH a été utilisée.
Arrangements polyphoniques des pièces 6, 8 et 14 Antoine GUERBER.
Traductions de la Langue d'oïl r Antoine GUERBER.
Remerciements chaleureux à Mme Isabelle RAGNARD pour son aide concernant l'épître farcie à St Étienne.

Illustrations de couverture : Musée de Cluny © RMN
– La translation des reliques de St-Étienne à Constantinople (détail)
– Annonciation, Visitation, Marie et Joseph (détails)
– Rose d'or provenant de la cathédrale de Bâle
– Le Christ au jardin des oliviers (détail)
– L'invention de St-Étienne (détail)

Photos : Michel Gamier

Conception graphique : Martine Andersen / Studio SM
Réalisation graphique : Louise Martinez / Studio SM

Ⓟ Studio SM 2000



English liner notes




CHANSONS RELIGIEUSES EN LANGUE D'OÏL (XIIIe ET XIVe SIÈCLES)



Qui l'anemi velt enchanter
De la grand dame doit chanter
Dont jor et nuit li angle chantent.
Dyable endorment et enchantent
Tout cil qui chantent son doz chant:
Or escoutez comment j'en chant!

Gautier de Coinci

     Il est très rare dans notre histoire de la musique de pouvoir dater avec autant de précision la naissance d'un genre: comme le montre la brillante étude de Jacques Chailley sur Gautier de Coinci, c'est entre te 21 et le 25 mai 1219 que ce fils de bonne famille, devenu prieur de Vic-sur-Aisne, compose la première chanson dédiée à la Vierge écrite en langue d'oïl. Le succès immense de l'œuvre de Gautier allait inaugurer le nouveau genre des chansons religieuses en langues vernaculaires. Notre programme explore cet important corpus, partie intégrante mais distincte à la fois du merveilleux répertoire des trouvères. Son importance fut telle qu'il convient de le replacer dans son contexte historique et artistique.

     La France, en ce début de XIIIe siècle, est prospère. Les campagnes de l’Île de France actuelle, domaine royal par excellence, sont les plus riches du monde. L’État et l’Église y connaissent une évolution parallèle, théologie et politique sont étroitement liées. Les deux grandes institutions s'organisent désormais remarquablement et profitent de cette prospérité. Au sommet de cette société pyramidale, le roi de France draine vers lui d'immenses richesses. L'art, religieux et royal, va pouvoir se transcrire avec grandeur dans la pierre des cathédrales. Tous les efforts de création artistique vont peu à peu se tourner vers ce grand élan religieux. Mais cette unité apparente ne doit pas cacher les profondes inégalités de cette société. Une petite partie seulement de la noblesse et du clergé, richissime, dirige l’État et commande de grandioses œuvres d'art, pendant que la grande masse des pauvres continue de souffrir de la maladie, du froid, des guerres, et même de la faim. Si l'Ange de la cathédrale de Reims arbore son fameux sourire, la vie quotidienne reste dure, violente, brutale.

     L'art nouveau qui semble éclore en Île de France en ce début de siècle a des racines plus anciennes. L'esprit gothique naît en fait presque un siècle plus tôt: de nouvelles conceptions théologiques vont se manifester dès la construction de l'abbatiale Saint Denis sous l'impulsion de L'abbé Suger. La théologie de la lumière, de Denys l'Aréopagite, transforme radicalement l'architecture et l'art romans. Jésus devient plus humain, Dieu et homme à la fois. Il s'agit également de lutter avec vigueur contre les hérésies qui connaissent de dangereux succès dans certaines régions. Honorer la Vierge Marie, mettre d'avantage en valeur l'Incarnation et la Rédemption, deviennent ainsi des moyens de lutte idéologique contre le catharisme, par exemple, dont les thèses sont antinomiques de ces dogmes et de l'art français qui les met nouvellement en valeur. L'apparition du culte marial fut également favorisée par une influence orientale, la Vierge Marie étant beaucoup plus à l'honneur dans le culte byzantin depuis plusieurs siècles. En occident, Saint Bernard et les cisterciens commencent à accorder une place privilégiée à la dévotion à la Vierge, laquelle rencontre des échos particuliers chez des populations qui n'avaient sans doute pas oublié leurs croyances ancestrales préexistantes au Christianisme. La Vierge rejoint alors la figure de la déesse mère pré-celtique. En un irrésistible mouvement, qui semble encore peu expliqué, la société toute entière devient sensible à une certaine promotion des valeurs féminines avec la naissance de l'amour courtois et la floraison des chansons de troubadours et de trouvères. Culte de la Vierge et culte de la dame se répondent. Plus prosaïquement, pour l’Église, si le développement du culte marial est suscité par un incontestable élan de foi profonde, il correspond également à un certain raidissement face aux attaques des hérétiques ou aux dangers, plus sournois puisque internes, dus à la redécouverte de la philosophie aristotélicienne. Il témoigne donc d'une volonté de propagande et de réaffirmation des dogmes chrétiens.

     Cette crispation de l’Église va se manifester de façon évidente et officielle, en 1215, au quatrième concile de Latran, quatre années seulement avant la première chanson de Gautier de Coinci. Innocent III souhaite réunifier l’Église, soumettre à son autorité les pouvoirs temporels des rois. Il veut éradiquer les hérésies, instaure la procédure d'exception de l'Inquisition, impose le port de la rouelle aux juifs. La confession et la communion sont désormais obligatoires. Il est clairement affirmé que le salut dépend en fait des mérites personnels et de la conduite de chacun sur terre. Les paroisses se structurent et encadrent étroitement les fidèles. Le concile aura des répercussions très importantes dans une société où la religion est omniprésente, jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne. La prédication va connaître une vigueur nouvelle, avec la naissance des Ordres Mineurs: franciscains et dominicains (Saint Dominique était présent à Latran IV), lesquels ont constaté l'échec des cisterciens à enrayer le catharisme, et inventé un nouveau monachisme. Prêchant par l'exemple, retournant à l'esprit évangélique de pauvreté, ces deux ordres "mendiants" vont s'installer au cœur des villes et prendre une importance croissante dans la société, jusqu'aux plus hautes marches du pouvoir. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, les frères vont participer à la création artistique et beaucoup deviendront d'excellents trouvères.

     Si les chansons religieuses en langue d'oïl ne sont pas à proprement parler une conséquence directe du quatrième concile de Latran, elles n'en sont pas moins, au même titre que les milliers de sermons qui nous sont conservés, un excellent témoignage des nouvelles attitudes dévotionnelles du XIIIe siècle. Il n'est alors plus possible, pour les frères séculiers, de s'exprimer en latin: ils veulent faire pénétrer les dogmes de l’Église dans toutes les consciences et doivent donc écrire et chanter en langue d'oïl, afin d'être compris de tous. Ils veulent influencer le monde des chevaliers, sublimer l'amour charnel et cet irrépressible appétit de vivre, de jouissances matérielles, d'aspiration au bonheur terrestre qui caractérise le XIIIe siècle. L'art devient instrument d'édification et, si Jésus demeure la référence suprême, Marie prend une place primordiale.

"Dans le brasier de la rose gothique, flambent en fait la joie et la volonté de vivre"

Georges Duby

     Les Écritures parlent relativement peu de la Vierge Marie, et l'ignorance laisse libre cours aux imaginations les plus débridées et créatrices. La Vierge devient ainsi le sujet de prédilection de toute la littérature du XIIIe siècle, qui glose à l'infini sur le peu que l'on sait d'elle. Marie est la médiatrice, la miséricorde divine, l'avocate des pécheurs, la femme idéalisée à la fois terrienne et surnaturelle. Les symboles qui l'évoquent sont d'une richesse et d'une variété inépuisables. Citons en particulier la belle métaphore du vitrail, qui laisse passer la lumière tout en demeurant intact, symbole de la virginité qui fascina tant les esprits médiévaux. Ainsi les grandes rosaces des cathédrales, chefs d'œuvre parmi les chefs d'œuvre, lui sont souvent dédiées, tout en comportant des significations mystiques multiples: Vierge Marie, symbole de l’Église, représentation de l'amour divin, de la victoire de la vie sur la mort. A l'époque où les frères prêcheurs répandent la nouvelle pratique oratoire du rosaire, des clercs écrivent des recueils de sermons en langue d'oïl, appelés "Rosarius". Le manuscrit "Rosarius" qui a donné son nom à notre programme, est en fait un recueil de Miracles à la Vierge, l'un des nombreux représentants de ce genre très populaire. Les Miracles de Notre Dame sont des comptes pieux qui, en latin, connurent beaucoup de succès dès le XIIe siècle. Gautier de Coinci, en 1218, fut sans doute le premier à les traduire en langue d'oïl, avec un immense talent de versificateur. On sait qu'il leur adjoindra par la suite des chansons à la Vierge, initiant là aussi avec talent un nouveau genre. L'auteur du Rosarius reprendra cet usage, un siècle plus tard, vers 1330. Frère prêcheur du couvent de Poissy, il est originaire, comme son illustre devancier, du Soissonais (Fère en Tardenois), et ces deux clercs nous montrent à eux seuls la grande diversité des chansons religieuses en langue d'oïl: savante versification, haut style aristocratisant, parenté avec les savantes polyphonies de l’École de Notre Dame, petites chansons à refrain ou poésies modestes ("médiocres", disent les philologues du début du XXe siècle...).

     Avec ces chansons, Gautier de Coinci et ses nombreux successeurs souhaitent influencer fortement toute la société laïque, allant jusqu'à une certaine restauration du langage, en corrigeant les expressions de l'amour courtois, en les transposant dans un registre supérieur, celui de la spiritualité. Ils proclament la supériorité du sacré sur le profane. Les deux éléments sont même incomparables: le sublime, la grandeur, la gloire de Dieu remplacent la flatterie, la vanité de l'élégance courtoise. Toutes les chansons religieuses en langue d'oïl sont donc des "contrafacta" d'œuvres profanes: nos clercs ont choisi les chansons courtoises sans doute les plus connues, pour y adapter des textes pieux, dédiés à la Vierge dans la majeure partie des cas. La mentalité médiévale n'y voit aucun plagiat, mais bien au contraire une faculté admirable, en plus d'un noble dessein. "Trouver" une chanson est un travail d'artisan consciencieux qui met tout son art dans l'agencement d'éléments préexistants. La création, elle, est le seul fait de Dieu. Le souffle se veut nouveau, guidé par l'Esprit, et le talent poétique d'un Gautier de Coinci y fait merveille. La contrafacture mariale cherche à convertir en détournant la chanson courtoise. Pour Gautier de Coinci comme pour les clercs du XIVe siècle, dont l'auteur du Rosarius, la chanson est un moyen de lutte contre l'impiété dans toutes les couches de la société. Tout le monde est visé: clercs, évêques, princes, bourgeois, paysans, femmes... Comme le souligne Gérard Gros en citant Gautier Lui-même: "Chanter" doit devenir le contraire d"'enchanter", qui fait "deschanter l'âme" (Gautier de Coinci, excellent philologue, utilise beaucoup ces allitérations, jeux de mots, rimes batelées, etc...). Bien entendu, il est le plus souvent impossible de déterminer la date, l'auteur, l'origine même de ces contrafacta anonymes.

     Pour les auditeurs modernes que nous sommes, la parenté chanson religieuse-chanson courtoise est évidente, mais un examen attentif des textes permet de discerner des différences importantes: il y a similarité mais pas identité du vocabulaire utilisé. La dame courtoise peut être fière, inaccessible, insensible aux soupirs du requérant, alors que l'amour divin, bienveillant, récompense toujours. On se plaint de la dame courtoise, alors qu'on s'accuse de ne pas servir assez la Dame des cieux. En ce qui concerne les musiques, les mélodies sont donc empruntées aux chansons profanes. Tous les styles y sont représentés: haut style aristocratique orné, sous lequel il est facile de reconnaître le modèle profane, chanson plus simple à refrain qui se prête particulièrement à l'alternance soliste-chœur, petit rondeau à danser dont on sait qu'il connut une grande faveur durant le siècle de Saint Louis, enfin polyphonies: motet ou contrafacture des rondeaux d'Adam de la Halle ou de Jehan de Lescurel. Les chansons religieuses en langue d'oïl nous permettent ainsi de dresser un panorama de l'art si riche et constamment renouvelé des trouvères, des années 1220 jusqu'à la première moitié du XIVe siècle pendant laquelle, alors que Philippe de Vitry posait les bases de l'Ars Nova, on continuait à chanter ces mélodies fraîches et naturelles, sur des textes touchants de naïveté et de piété, tellement révélateurs de la mentalité médiévale. Le genre connaîtra d'ailleurs des développements européens importants, dans des contextes et avec des modes d'expression très différents. Il sera en effet repris dans les chansons de troubadours (qui en ce domaine ont copié les poètes du nord !), les laudes italiennes, les cantigas d'Alphonse le Sage en Espagne, les Geisslerlieder et les chansons des minnesinger en Allemagne...

     Ce programme de chants religieux en langue d'oïl est enrichi par une monumentale épître farcie à Saint Étienne, qui mêle le latin et l'ancien français. Issu des tropes, en usage dès le IXe siècle, le répertoire des épîtres farcies témoigne d'un autre univers, parent des chansons de geste ou des vies de saints, et qui mènera aux drames liturgiques. Les strophes en oïl, reprenant comme une litanie le beau timbre du Te Deum si caractéristique du quatrième mode liturgique en mi, paraphrasent le texte sacré latin. De même que pour les chansons de geste, les petites variantes strophiques nous semblent des indices d'oralité, témoins de l'interprétation d'un jongleur ou d'un clerc particulier.





     Notre interprétation, mêlant voix de femme et voix d'hommes, ne se place pas dans le contexte du couvent, mais plutôt dans celui de la cour du roi ou d'un grand prince, dans le cadre d'un divertissement récréatif, mais aussi édifiant. Nous privilégions les deux instruments les plus utilisés par les clercs créateurs et interprètes de ces musiques: l'orgue portatif, qui rappelle le contexte religieux tout en sortant de la liturgie, et la vièle à archet, instrument roi du Moyen Âge, dont les accords précis nous sont connus grâce au fameux traité de Jérôme de Moravie, écrit dans son couvent dominicain de la rue Saint Jacques à Paris, vers 1280.

     Efforcier m'estuet ma voiz (BN na fr 24541) est une chanson à refrain de Gautier de Coinci, dont le modèle profane n'a pas été identifié, écrite vers 1225. Le prieur de Vic sur Aisne décédera la même année que Philippe le Chancelier, le grand poète et musicien de l’École de Notre Dame, c'est à dire en 1236, année également de la rédaction probable du plus beau manuscrit de ce répertoire: le Magnus Liber de Florence.


     Les chansons tirées du manuscrit Ars 3517:

Ce manuscrit du milieu du XIIIe siècle, d'origine monastique, est l'un des 80 manuscrits nous ayant transmis les Miracles de Notre Dame de Gautier de Coinci, mais nous y avons choisi d'autres œuvres, anonymes :

· Mere au sauveour, chanson à 3 strophes complètement irrégulières, dont la structure très simple fait penser aux rundelli.

· Je voi le jour, deurenleu!, petit rondeau, chanson à danser, probablement l'un de ces "chorea" contre lesquels s'élève avec sévérité Eudes Rigaud. Ce frère franciscain, devenu archevêque de Rouen et l'un des principaux conseillers et amis de Louis IX, nous a laissé le journal de ses visites dans son diocèse, une mine étonnante d'informations sur la vie et les pratiques du clergé.

· Chanter voel or m'en souvient, chanson de style manifestement courtois. Sans la phrase refrain, plus explicite, la première strophe pourrait même être une louange à une dame parfaitement terrestre et courtoise.


     Les chansons tirées du manuscrit BN na fr 1050:

Ce magnifique manuscrit est le seul de notre programme appartenant certainement à la sphère courtoise, et non cléricale. Il s'agit d'un superbe volume très soigné, sans doute destiné à la bibliothèque d'un riche noble.

· Je te pri de cuer par amors, contrafactum d'une chanson anonyme "Quant voi le dous tens bel et cler". La prosodie se prête facilement à un rythme dansant.

· On doit la mere Dieu honorer, contrafactum d'une chanson à refrain de Richard de Semilli: "Nous venions l'autrier de joer".

· Moult fu Marie, contrafactum d'une chanson du clerc-trouvère Moniot de Paris: "Au nouvel tans que nest la violete" . Il s'agit d'un récit de l'Annonciation et de son dialogue entre Marie et l'ange. Si ce genre de poésie fut jugé plat ou médiocre par les philologues du début du XXe siècle, elle nous paraît au contraire aujourd'hui profondément touchante et émouvante, de par sa naïve simplicité et sa foi profonde.

· Quant voi la flor novele, chanson imitée de la voix supérieure d'un motet du répertoire de l'Ecole de Notre Dame (Ave rosa novella/Flos filius, manuscrit de Wolbenbüttel). Nous interprétons ici le motet avec La poésie en langue d'oïl.

· Aymans fins et verais (BN na fr 21677), contrafactum d'une chanson de Gautier d'Epinal, l'un des tout premiers trouvères. Le style appartient au "grand chant" courtois, dans ce qu'il a de plus aristocratique, avec sa belle mélodie ornée. L'auteur en est Lambert Ferri, clerc de l'abbaye de St Léonard (dans le Pas de Calais actuel), plus connu comme partenaire d'un grand nombre de jeux-partis.


     Chansons tirées du Rosarius (BN fr 12483):

Les deux chanson choisies sont signées par l'auteur du Rosarius qui, fait rarissime au Moyen Áge, cite ses sources, ou signe quand il veut indiquer qu'il est lui-même l'auteur.

· Nete comme argent, chanson dont le refrain est imité d'une chanson célèbre: J'oi Robin flagoler au flagol d'argent, également repris par Adam de la Halle dans son Jeu de Robin et Marion. Le poème évoque Adam et Eve chassés du paradis, ainsi que l'Annonciation.

· Vierge Marie douce et piteuse. Ce poème, très irrégulier, fait preuve d'un ardent mysticisme en interpellant de façon très pittoresque l'auditeur au sujet de la Passion du Christ, ce qui n'est pas sans rappeler la manière des confréries italiennes des "flagellanti". Le refrain renvoie à la prière à la Vierge Marie. Il est souligné par une énergique rupture modale, très étonnante et atypique dans tout le corpus des chansons de trouvère. Deux chansons du Rosarius présentent cette particularité: des couplets en mode de fa et un refrain commençant en mode de sol pour se terminer en mode de fa.


     Les motets: nous avons choisi 3 motets avec des textes en langue d'oïl louant la Vierge parmi les deux plus importants manuscrits comportant ce répertoire (Montpellier et Wolfenbüttel).

     Les rondeaux: ces deux rondeaux sont tirés d'une collection de pièces qui furent chantées à Paris lors de la représentation des Miracles de Notre Dame (BN fr 819-820), donnée le jour de la fête de la Guilde des Orfèvres, dévouée à la Vierge, au XIVe siècle. Seuls les textes nous ont été conservés puisque l'on sait que ces rondeaux étaient chantés par des acteurs jouant le rôle des archanges, au moment de l'apparition sur scène de la Vierge, sur des mélodies connues de tous. Nous suivons ce même procédé ici en adaptant ces deux poèmes aux musiques de deux rondeaux célèbres de Jehan de Lescurel (Belle et noble" et "Dame s'il vous vient" a gré BN fr 146). Les Miracles ont constitué jusqu'à la Renaissance comprise, des spectacles très prisés par la foule, comportant une scénographie très précise et détaillée. Le texte y est principalement déclamé, en langue d'oïl bien sûr, avec quelques passages importants chantés.

     L'épître farcie (BN fr 375): il s'agit donc de la "farciture" en langue d'oïl du texte latin du martyre de Saint Étienne. La langue vernaculaire glose, commente le texte sacré, dans un but d'édification des auditeurs, sans doute en grande partie des "illiterati". Ce genre, dont nous parle Eudes Rigaud, fut très populaire et persista dans certaines régions (Champagne, Normandie) bien après la Renaissance. Ici, Saint Etienne est comparé au Christ, son martyre rappelant de façon évidemment volontaire la Passion de Jésus. Nous ne présentons pas une version liturgique (deux chantres alternant les deux langues utilisées), mais laïque, avec instruments et voix de femme, telle qu'elle a pu être chantée pour le divertissement pieux de la cour d'un grand prince.

Antoine GUERBER



Bibliographie
· P. AUBRY : La musique et les musiciens d'église en Normandie au XIIIe siècle
    – L'idée religieuse dans la poésie lyrique et la musique française au Moyen Age : Les épîtres farcies
· J. BEDIER : Un feuillet récemment retrouvé d'un chansonnier français du XIIIe siècle
· B. CAZELLES :  La faiblesse chez Gautier de Coinci
· J. CHAILLEY : Les chansons à la Vierge de Gautier de Coinci
· G. DUBY : Le Moyen Âge : L'Europe des cathédrales
· M. EPSTEIN : "Prions en chantant". Devotional songs of the trouvères
· F. GENNRICH : Cantilenae piae : 31 altfranzösiche geistliche lieder
· G. GROS : "Por ses myracles biau rimer". Étude sur le projet hagiographique de G. de Coinci
    – "Ne plus chanter que d'elle". Naissance de la contrafacture lyrique chez G. de Coinci
    – "Le poète, la Vierge et le Prince du Puy". Étude sur les Puys mariais de la France du nord du XIVe siècle à la Renaissance
· E. JÄRNSTRÖM : Recueil de chansons pieuses du XIIIe siècle (1910)
· E. JÄRNSTRÖM et A. LANGFORS : Recueil de chansons pieuses du XIIIe siècle (1927)
· A. JEANROY : Les chansons du manuscrit BN fr 12483
· E. ILVONEN : Parodies de thèmes pieux de la poésie française au Moyen Âge
· A. LANGFORS : Notice du manuscrit français 12483 de la Bibliothèque Nationale
    – La société française vers 1330 vue par un frère prêcheur du Soissonais
· J. LE GOFF : Saint Louis
· G. LE VOT : La tradition musicale des épîtres farcies de la Saint Étienne en langues romanes
· E. MÂLE : L'art religieux du XIIIe siècle en France
· G. PARIS et U. ROBERT : Les Miracles de Nostre Dame par personnages
· I. RAGNARD : Cinq leçons de l'épître farcie de la St Etienne en ancien français
· RENCONTRES à ROYAUMONT (ARIMM) : Jérôme de Moravie
· N. WILKINS : Music in the 14th century Miracles de Nostre Dame







ROSARIUS
RELIGIOUS SONGS IN LANGUE D'OÏL (NORTHERN FRENCH). 13TH AND 14TH CENTURY



Qui l'anemi velt enchanter
De la grand dame doit chanter
Dont jor et nuit li angle chantent.
Dyable endorment et enchantent
Tout cil qui chantent son doz chant:
Or escoutez comment j'en chant!
He who wishes to bewitch the enemy
Should sing of the great lady
Of whom angels sing day and night.
All those who sing her melodious song
Bewitch the Devil and send him to sleep:
Now listen to how I sing of her!

Gautier de Coinci

It is very rare in the history of western music to be able to date the origin of a genre with as much precision as Jacques Chailley, who in his brilliant study on Gautier de Coinci shows that it was between the 21st and 25th May 1219 that de Coinci, from an upper-class family and Prior of Vic-sur-Aisne, composed the first song dedicated to the Virgin written in langue d'oïl. The immense success of Gautier's work was to pave the way for this new genre of religious songs in vernacular languages. Our programme explores this vast corpus, which was an integral, yet distinctive part of the trouvères' marvellous repertoire. Its importance justifies a discussion of its historic and artistic context.

At the beginning of the 13th century, France was prosperous. The lands that made up the present Île-de-France region, a royal domain par excellence, were the richest in the world. State and Church developed side by side there, and theology and politics were closely linked. The two great institutions were now remarkably well-organised and benefited from this prosperity. At the apex of this pyramidal society was the King, who creamed off immense wealth for himself. Art, both religious and royal, found lofty expression in the great stone cathedrals. All forms of artistic creation were gradually channelled towards this surge of religious fervour. But below the surface of an apparently unified society lay profound inequalities. Only a small proportion of the immensely rich nobles and clergy were in government and ordered grandiose works of art, whilst the great mass of the poor continued to suffer from illness, cold, war, and even hunger. The Angel of Reims Cathedral wore her famous smile, but daily life remained hard, violent, and brutal.

The roots of the new art which seemed to blossom in the Île-de-France at the beginning of the century had been planted much earlier. The Gothic mind had been born almost a century earlier. New theological ideas appeared at the time of the construction of the abbey church of Saint Denis at the initiative of abbot Suger. Denis the Areopagite's theology of light radically transformed architecture and Romanesque art. Jesus became more human, both God and Man at the same time. Heresies, which were becoming dangerously popular in certain regions, had to be fought. Honouring the Virgin Mary, and laying greater importance on the Incarnation and the Redemption became weapons in the ideological fight against Catharism whose arguments contradicted these dogmas which were reappearing in the French art of the time. Eastern influences also favoured the emergence of the cult of Mary, since the Virgin had been honoured far more in Byzantine Religion in the previous few centuries. In the West, Saint Bernard and the Cistercians began to grant the Virgin Mary a privileged place which struck a particular chord among peoples who had doubtless not forgotten the ancestral beliefs they held before Christianity. The Virgin rejoined the figure of the pre-Celtic goddess mother. In one irresistible movement, which is still hard to explain, an entire society became aware of a certain promotion of feminine values with the birth of courtly love and the blossoming of the songs of the troubadours and trouvères. The cult of the Virgin and the cult of the lady were reflections of each other. More prosaically, although the development of the cult of Mary was brought about by an undeniable surge of deep faith, it also corresponded to a certain hardening on the part of the Church in the face of the attacks of the heretics, and of the dangers, all the more devious since they came from within, brought about by the rediscovery of Aristotelian philosophy. It bore witness to the desire to spread and reaffirm Christian dogma.

This nervousness on the part of the Church became clear and official in 1215 at the Fourth Lateran Council, only four years before Gautier de Coinci wrote his first song. Pope Innocent III wanted to reunify the Church and submit the temporal powers of the Kings to his authority. He wished to eradicate heresy, introduce the special Inquisition procedure, and force Jews to wear a yellow circle on their clothes. Confession and communion became compulsory. It was clearly stated that salvation depended on personal merit and on an individual's behaviour on earth. The parishes were organised to keep a close watch on the faithful. The Council had very important repercussions in a society where religion was omnipresent, entering as it did into every last detail of daily life. Preaching gained a new lease of life, with the founding of the Minor Orders, Franciscans and Dominicans (Saint Dominic was present at Lateran IV) who had seen the Cistercians failure to stamp out Catharism and invented a new monasticism. Preaching through example, and returning to the evangelical spirit of poverty, these two "begging" orders moved into the centre of towns and their influence became increasingly important at all levels of society, including the upper reaches of power. In the second half of the XIII century, the monks contributed to artistic creation and many became excellent trouvères.

Although religious songs in langue d'oïl were not, strictly speaking, a direct consequence of the fourth council of Lateran, they were nonetheless, in the same way as the thousands of sermons which have been preserved, an excellent example of the new devotional attitudes of the 13th century. It was no longer possible for lay brothers to speak in Latin. They wanted the Church's dogma to sink into everybody's conscience, so had to write and sing in langue d'oïl in order to be universally understood. They hoped to influence the world of the knights, sublimate carnal love and that irrepressible appetite for life, material pleasures, and the aspiration to earthly happiness which characterised the 13th century. Art became an instrument of enlightenment, and although Jesus remained the supreme model, Mary's place was primordial.

"In the furnace of the gothic rose, burn joy and the will to live"

Georges Duby

The Scriptures make relatively little mention of the Virgin Mary, and ignorance gave free rein to creative and unbridled imaginations. The Virgin became the favourite subject in 13th century literature, which embroiders ad infinitum on the little that is known about her. Mary is the mediator, divine mercy, the advocate of sinners, an idealised woman, both human and supernatural. The symbols used to describe her are of an inexhaustible variety and richness. Mention should be made in particular of the beautiful metaphor of the stained-glass window, which lets light through whilst remaining intact, a symbol of the virginity which so fascinated the medieval mind. The great rose windows in the cathedrals, masterpieces amongst masterpieces, are often dedicated to her, whilst bearing multiple mystic meanings: the Virgin Mary, symbol of the Church, representation of divine love and of the victory of life over death. At a time when the monks were spreading the new practice of telling the rosary, the clergy were writing books of sermons in langue d'oïl, called "Rosarius". The "Rosarius" manuscript which lends its name to our programme, is, in fact, a collection of miracles of the Virgin, one of many examples of the highly popular genre. The Miracles de Notre Dame are religious stories in Latin, and were a great success in the 12th century. Gautier de Coinci, in 1218, was doubtless the first to translate them into langue d'oïl, displaying immense talent as a versifier. We know that he then added songs to the Virgin, introducing, again with great skill, a new genre. The author of the Rosarius did the same thing a century later, around 1330. A preacher-monk in the convent of Poissy, he, like his illustrious predecessor, came from the Soissons region (Fère en Tardenois) and these two clergymen alone show us the great diversity of religious songs in langue d'oïl: scholarly versification, a high aristocratic style, a relationship with the scholarly polyphonies of the Notre Dame school, short songs with a chorus and unambitious poetry ("mediocre" according to the early 20th century philologists).

With these songs, Gautier de Coinci and his many successors hoped to exercise a strong influence on secular society, an ambition which went as far as a certain restoration of the language, improving the expressions of courtly love by transposing them into a more lofty register, that of the spiritual. They proclaimed the superiority of the sacred over the profane. The two elements are even incomparable: the sublime, the grandeur, and the glory of God replace the flattery and vanity of courtly elegance. All the religious songs in langue d'oïl are therefore the "contrafacta" of profane works. Our clergymen doubtless chose the best-known courtly songs on which to base their pious texts, which were mostly dedicated to the Virgin Mary. The Medieval mind did not see this as plagiary, but quite the contrary, as an admirable skill as well as a noble intention. "Finding" a song was the work of a conscientious workman who put all his art into arranging existing elements. Creation was the work of God alone. It was the inspiration that was new, guided by the Holy Spirit, and the poetic talent of Gautier de Coinci worked marvels. The Marian contrafacture tried to convert by appropriating the courtly song. For Gautier de Coinci, as for the clergy of the 14th century, including the author of the Rosarius, song was a means of fighting impiety at all levels of society. No-one escaped: the clergy, bishops, princes, bourgeois, peasants, women... As Gérard Gros points out, quoting Gautier himself, "sing" should become the opposite of "bewitch", which "disenchants" the soul (Gautier de Coinci, an excellent philologist, used a lot of alliteration, wordplay, adroit rhymes, etc...) Of course, it is most often impossible to determine the date, author or even the origin of these anonymous contrafacta.

For the modern Listener, the relationship between the religious and the courtly song is obvious, but a careful examination of the texts reveals important differences. The vocabulary is similar, but not identical. The courtly lady may be proud, inaccessible and impervious to the sighs of her suitor, but divine, benevolent Love always gives just recompense. The poet complains of the courtly lady, but accuses himself of not serving the Heavenly Lady enough. As for the music, the melodies are borrowed from profane songs. All the various styles are represented: the high, ornamental aristocratic style under which the profane model is easily recognisable, the more simple song with a refrain which Lends itself particularly well to the alternance of soloist and choir, the little rondo dance tune which was very popular at the time of Saint Louis, and lastly, polyphonies, the motet or contrafacture of Adam de La Halle or Jehan de Lescurel's rondos. Religious songs in langue d'oïl give us a panorama of the rich and ever-renewed art of the trouvères from the 1220s to the first half of the 14th century during which, whilst Philip de Vitry was laying the foundations of Ars Nova, these fresh and natural melodies continued to be sung using texts that were touching in their naïvety and piety, and which revealed so much of the medieval mind. The genre was to undergo further important developments in other parts of Europe, in very different contexts, and with very different modes of expression. Indeed, it was taken up again in the songs of the troubadours (who copied the poets of the North in this domain), the Italian laudes, the cantigas of Alphonse le Sage in Spain, the Geisslerlieder and the songs of the minnesinger in Germany...

This programme of religious songs in langue d'oïl is enriched by a monumental farced epistle to Saint Etienne which mixes Latin and old French. The repertoire of farced epistles which had its origin in the tropes in vogue from the 9th century onwards, bears witness to another universe close to that of the epic Chansons de geste or Lives of the saints and which was to lead to Liturgical drama. The verses in oïl which take up like a Litany the beautiful timbre of the Te Deum so characteristic of the fourth liturgical mode in E, paraphrase the sacred Latin text. As in the Chansons de geste, the minor variations in the verses would seem to indicate an oral tradition, the performance of a minstrel or a particular cleric.




Our performance, which mixes the voices of men and women, should not be imagined in the setting of a convent, but rather in the court of a king or great prince, during a recreational, yet edifying entertainment. We have highlighted the two instruments most used by the composer clerics and performers of this type of music; the portable organ which evokes the religious context whilst removing it from the Liturgy, and the vièle à archet, the royal instrument of the Middle Ages, whose precise chords are known to us from Jéröme de Moravie's famous treatise, written in his Dominican convent in the rue Saint Jacques in Paris, around 1280.

Efforcier m'estuet ma voiz (BN na fr 24541) is a song with a refrain, the profane model for which has not been identified. It was written around 1225 by Gautier de Coinci (BN fr 22928). De Coinci, prior of Vic-sur-Aisne, died in the same year as Philippe le Chancelier, the great poet and musician of the Notre Dame School, that is to say in 1236, the year in which the most beautiful manuscript of the repertoire, the Magnus Liber de Florence, was written.


Songs from the Ars 3517 manuscript

This manuscript from the middle of the 13th century was monastic in origin, and is one of the 80 manuscripts containing Gautier de Coinci's Miracles de Notre Dame, but we have chosen other, anonymous works from it: Mere au sauveour, a song with three completely irregular verses whose very simple structure is evocative of the rundelli.

· Je voi le jour, deurenleu! a rondo, a dance tune, and probably one of the "St Vitus's dances" to which Eudes Rigaud took great exception. Rigaud, a Franciscan brother who became archbishop of Rouen and one of Louis IX's principle advisors and friends, has left us the diary of his visits in his diocese, a veritable mine of information on the life and habits of the clergy.

· Chanter voel or m'en souvient, a song in an obviously courtly style. Without the more explicit chorus, the first verse could even be a song of praise to an perfectly earthly and courtly Lady.


Songs from the BN manuscript na fr 1050

This magnificent manuscript is the only one in our programme which can definitely be said to belong to the courtly, and not clerical, sphere. It is a superb, meticulously kept volume, doubtless intended for the library of a rich noble.

· Je te pri de cuer par amors, contrafactum of an anonymous song, "Quant voi le dous tens bel et der". The versification lends itself easily to a dance rhythm.

· On doit la mere Dieu honorer, contrafactum of a song with chorus by Richard de Semilli, "Nous venions l'autrier de joer".

· Moult fu Marie, contrafactum of a song, "Au nouvel tans que nest ta violete" by the scholar-trouvère, Moniot of Paris. It tells the story of the Annunciation and the dialogue between Mary and the Angel. Although this type of poetry was deemed flat and mediocre by early 20th century philologists, to the modern ear it seems deeply touching and moving, both in its naïve simplicity and deep faith.

· Quant voi la flor novele, a song which imitates the upper voice of a motet from the Notre Dame School repertoire (Ave rosa novella/Flos filius, from the Wolfenbüttel ms.). We perform here the motet with the poetry in langue d'oïl.
Aymans fins et verais (BM na fr 21677), contrafactum of a song by Gautier d'Épinal, one of the very first trouvères. The style belongs to the courtly "grand chant", with all that is aristocratic, and a beautiful, ornamented melody. The author is Lambert Ferri, incumbent of the Abbey of St Léonard (in the present Pas de Calais), better known as the sponsor of many jeux-partis, or debating songs.


Songs from the Rosarius (BN fr 12483)

The two songs we have chosen are by the author of the Rosarius, who either quotes his sources, which was extremely rare in the Middle Ages, or signs when he wishes to indicate that he is the author.

· Nete comme argent, a song whose refrain is copied from a famous song, J'oi Robin flagoler au flapi d'argent, which was also used by Adam de la Halle in his Jeu de Robin et Marion. The poem tells the story of Adam and Eve, driven out of paradise, and of the Annunciation.

· Vierge Marie douce et piteuse. This poem, irregular in structure, demonstrates an ardent mysticism by questioning the listener, in a very picturesque way, about the Passion of Christ, rather in the manner of the Italian composers of the "flagellanti". The refrain refers to the prayer to the Virgin Mary. It is accentuated by an energetic modal break, both astonishing and atypical in the trouvère repertoire. Two songs from the Rosarius possess this characteristic: couplets in the mode of F and a refrain which begins in G, finishing in F.


The motets: We have chosen three motets with texts in langue d'oïl praising the Virgin, from the two most important manuscripts containing this repertoire (Montpellier and Wolfenbüttel).

The rondeaux: these two rondeaux are from a collection of pieces which were sung in Paris during the representation of the Miracles de Notre Dame (BN fr 819-820), performed on the day of the goldsmiths' festival which was dedicated to the Virgin in the 14th century. Only the words have come down to us since we know that these rondeaux were sung to melodies which were familiar to all, by actors playing the role of archangels, at the moment when the Virgin appeared on stage. We have followed the same procedure here in this recording, and have adapted the poems to the music of two famous rondeaux by Jehan de Lescurel (Belle et noble and Dame s'il vous vient a gré BM fr 146). Up until, and including the Renaissance period, the Miracles were very popular with the public and followed a very precise and detailed scenography. The text was mostly spoken, in langue d'oïl of course, with several important sung passages.

The farced epistle (BN fr 375): this is a "stuffing" of the Latin text of the martyr of Saint Stephen with langue d'oïl. The vernacular language gave a commentary on the sacred text with the aim of educating listeners who were doubtless mostly illiterate. This genre, mentioned by Eudes Rigaud, was very popular and continued in certain regions (Champagne, Normandy) well after the Renaissance. Here, Saint Stephen is compared to Christ, since his martyrdom obviously evoked the Passion of Jesus. We present here a secular rather than a liturgical version (two cantors alternate the two languages used), with instruments and women's voices, just as it might have been sung for the pious entertainment at the court of a great prince.

Antoine GUERBER – Translated by Elizabeth Guill