Manuscrits de Tours / Diabolus in Musica
Chants de fête du XIIIe siècle





  medieval.org
Studio SM D2756

1997








1. Circa canit  rundellus  [1:27]   TOURS. Bibliothèque Municipale nº 927
ténor A |  mezzo, contre, ténor R, baryton, b-basse
2. O Martine, O pie  antienne  [4:22]   TOURS. Bibliothèque Municipale nº 149
2 ténors, baryton, b-basse
3. Veni sancte spiritus  conduit  [3:01]   TOURS. B.M. nº 927
ténor R, b-basse
4. Virtus moritur  conduit  [1:55]   FLORENCE. Biblioteca Medicea-Laurenziana · Pluteus 29,1
mezzo, contre

5. Hic est Martinus  répons  [3:48]   TOURS. B.M. nº 149
mezzo, contre
6. Ignis in rubo  rundellus  [1:22]   TOURS. B.M. nº 927
contre | mezzo, ténor A, baryton
7. Oh, laudes debitas  rundellus  [2:44]   TOURS. B.M. nº 927
baryton | mezzo, contre, percussion
8. O quam admirabilis vir  répons  [3:20]   TOURS. B.M. nº 149
2 ténors

9. Nicholaus inclitus  rundellus  [2:05]   TOURS. B.M. nº 927
mezzo, contre, 2 ténors, baryton, b-basse, percussion
10. Alleluia, hic Martinus  organum duplum  [5:51]   FLORENCE. Biblioteca Medicea-Laurenziana · Pluteus 29,1
ténor R, b-basse
11. Beata nobis gaudia  rundellus  [1:24]   TOURS. B.M. nº 927
mezzo, contre
12. Salve virgo virginum  rundellus  [1:30]   TOURS. B.M. nº 927
mezzo, contre, ténor A, baryton, percussion

13. Ave presul gloriose  antienne  [2:49]   TOURS. B.M. nº 149
mezzo, contre
14. Gaude Syon  prose  [4:15]   BARI. Prosaire de la Sainte Chapelle
mezzo, contre, 2 ténors, baryton b-basse
15. Ave stella matutina  conduit  [3:32]   TOURS. B.M. nº 927
ténor R
16. Agmina sacra  répons  [5:16]   TOURS. B.M. nº 149
b-basse | 2 ténors, baryton

17. Honorem virginis  conduit  [1:58]   TOURS. B.M. nº 927
mezzo, contre
18. Processit in stipite  rundellus  [2:07]   TOURS. B.M. nº 927
ténor R | mezzo, contre, ténor A, baryton b-basse
19. Deus Pater Filium  rundellus  [1:37]   TOURS. B.M. nº 927
b-basse | 2 ténors, baryton
20. Dominatrix omnium  conduit  [3:35]   TOURS. B.M. nº 927
baryton, b-basse

21. Mittendus predictur  rundellus  [1:07]   TOURS. B.M. nº 927
2 ténors
22. O Presul ~ O virtutis ~ Sacerdotum  motet  [1:36]   MONTPELLIER. Bibliothèque universitaire H 196
ténor R, baryton b-basse
23. Mira Christi clemencia  rundellus  [2:08]   TOURS. B.M. nº 927
mezzo, contre, 2 ténors, baryton, b-basse, percussion
24. Martine presul optime  hymne  [3:00]   TOURS. B.M. nº 149
mezzo, contre, 2 ténors, baryton, b-basse





ENSEMBLE
DIABOLUS IN MUSICA
Antoine Guerber

Aïno LUND, mezzo-soprano
Andrés ROJAS, contre-ténor
Raphaël BOULAY, ténor R
Antoine GUERBER, ténor A
Jean-Paul RIGAUD, baryton
Emmanuel VISTORKY, baryton-basse

Brice DUISIT, percussions

Direction artistique: Katia Livljanic et Jean-Marc Laisne



sources manuscrites:
· TOURS, Bibliothèque Municipale
   – nº 927 (plages #1,3, 6, 7,9,11,12,15,17,18,19,20,21,23)
   – nº 149 (#2,5,8,13,16,24)
· FLORENCE, Biblioteca Medicea-Laurenziana Pluteus 29,1 (#4,10)
· MONTPELLIER, Bibliothèque universitaire H 196 (#22)
· BARI, Prosaire de la Sainte Chapelle (#14)

Ces 5 manuscrits ont tous été copiés entre le début et la fin du XIIIème siècle.

Recherches musicologiques, transcriptions, arrangements : Antoine GUERBER
Traductions du latin : Paul-Augustin DEPROOST et Antoine GUERBER

Enregistreur NAGRA-D 20 bits

Micros NEUMANN TLM 50. Montage 20 bits DIGIDESIGN
Direction artistique : Katarina L1VLJANIC et jean-Marc LAISNE

Enregistré du 25 au 28 octobre 1996
en la Collégiale de Bueil-en-Touraine.
Prise de son, montage : Jean-Marc LAISNE

Illustration : BM Tours 193 - Manuscrit début XIIIe siècle,
illustrant un miracle de Saint Martin.

Réalisation graphique : Studio SM
Production & distribution Studio SM





notas en español


English liner notes






M a n u s c r i t s  d e  T o u r s
C H A N T S   D E   F E T E   D U   X I I I E   S I E C L E


    Au tout début du XIIIème siècle, quatre chantiers considérables sont entrepris pratiquement en même temps à Tours: la construction des abbatiales de St Julien et de Marmoutier et la reconstruction des choeurs de la cathédrale St Gatien et de l'abbatiale St Martin. Parmi ces quatre édifices, les trois derniers cités ont la dimension d'une cathédrale, Marmoutier totalisant même 116 mètres de longueur! Il s'agit donc de travaux et de dépenses extraordinaires pour une ville dont la population devait être bien inférieure à 20 000 habitants...

     A l'instar de la Champagne, des Flandres, de l'Ile de France, la Touraine du XIIIème siècle jouit donc d'une prospérité jusque là inconnue, et qu'elle ne retrouvera d'ailleurs qu'après avoir traversé de longues périodes difficiles. Le siècle de St Louis est bien un épanouissement, même s'il récolte surtout les fruits des progressions économiques et démographiques des deux précédents. L'Eglise de Tours bénéficie au premier chef de cette prospérité nouvelle, d'autant plus que son autorité est rayonnante: l'archevêque de Tours est sorti vainqueur en 1201 du long conflit qui l'opposait à l'Eglise de Bretagne. Pourtant, la cité épiscopale est peu dynamique, comparée à sa rivale Châteauneuf.

     La ville de Tours est en effet divisée en deux entités, chacune retranchée derrière ses remparts : sur le vieux site gallo-romain s'étend la cité épiscopale qui au XIIIème siècle a tendance à s'assoupir dans le confort et la richesse. La cité est centrée sur elle-même: de nombreux conciles s'y tiennent, mais ceux-ci ne se préoccupent guère des laïcs. A quelques centaines de mètres, la Martinopole, vite baptisée Châteauneuf, bouillonne d'activités et de dynamisme commercial. La bourgade grandie dès le Vème siècle autour de la chapelle renfermant le tombeau de Martin, le saint évêque de Tours mort en 397, ne cesse de croître et finira même par rejoindre la cité épiscopale pour ne plus faire qu'une seule ville au XIVème siècle. La richesse de Châteauneuf transparaîtra jusque dans sa toponymie : la paroisse de Notre Dame la Pauvre sera rebaptisée Notre Dame la Riche!

     Au coeur de la bourgade, la prospère abbaye St Martin s'ouvre peu a peu au luxe. Elle compte en 1200 près de 150 chanoines. La liturgie de la basilique frappe les nombreux pélerins par sa magnifiscence: les jours de fête y sont pleins de solennités, couleurs, lumières, rehaussés par la pratique de chants polyphoniques. Le pélerinage sur la tombe de Martin reste très prestigieux, même s'il commence à souffrir d'une certaine "concurrence" de la part de Jérusalem. De nombreux papes, ainsi que tous les rois de France, abbés laïcs de St Martin, sont venus se recueillir à Tours, notamment Philippe Auguste en 1203 après le siège et la reconquête de la ville.

     La popularité immense de St Martin, tant auprès des puissants que des humbles ne se démentira jamais et laissera naturellement beaucoup de témoignages musicaux. Les premières compositions en l'honneur de Martin apparaissent vers les Xème et XIème siècles non seulement en Touraine, mais dans tout l'occident! Certaines de ces pièces grégoriennes seront ensuite réutilisées pour des oeuvres polyphoniques, notamment à Tours.

     Le manuscrit nº 927 de la Bibliothèque Municipale de Tours constitue la trame de notre programme. Il fut copié dans les premières années du XIIIème siècle par un scribe provençal, à partir d'un original datant très probablement des années 1070-1080. Le répertoire en est "paraliturgique", c'est à dire composé de chants religieux mais non inclus dans les offices, et se rattache sans ambiguïté à la région de la vallée de la Loire, province appartenant aux Plantagenêt (le diocèse de Nantes et un épisode historique s'y déroulant sont même cités). Il était donc pratiqué par les clercs des grandes abbayes du val de Loire: Fontevraud, Saint Martin-de-Tours, Marmoutier, Fleury (St Benoît sur Loire), etc... L'affectation précise du manuscrit nous est inconnue mais il est tentant (et peut-être véridique) de penser qu'il fut copié pour les moines de Marmoutier, une des plus importantes écoles monastiques du Haut Moyen-Age, fondée par Saint Martin, ou pour ceux de l'abbaye de St Martin-de-Tours.

     Notre scribe provençal n'était pas très soigneux. Les textes comportent de nombreuses fautes, des omissions, des refrains mal intercalés, etc... En ce qui concerne la musique, en notation carrée, classique au XIIIème siècle, sur portées à 4 lignes, les clés manquent souvent, mais sa lecture en est cependant plus claire, car de nombreuses retouches et ratures plus tardives la rendent plus aisée. L'application des modes rythmiques, comme pour le répertoire contemporain parisien de l'Ecole de Notre-Dame, laisse d'ailleurs peu d'incertitudes sur l'interprétation musicale. De fait, la principale difficulté de lecture réside dans l'état très déterioré du papier. Le B.M.Tours n°927 est peut-être le plus ancien livre français en papier, et non plus en parchemin (R.Dean).

     Le manuscrit commence par un grand drame liturgique de Pâques. Suit la partie retenue pour notre programme: 4 conduits en l'honneur de la Vierge ou du Saint-Esprit, et 31 "rundellus", dont 22 seulement sont pourvus de musique. Il s'agit donc de la plus importante collection de rundellus du Moyen-Age, après le fameux Magnus Liber (manuscrit dit "de Florence"), le grand recueil de l'Ecole de Notre-Dame de Paris, contenant toutes les grandes compositions de Léonin et Pérotin. Les rundellus étaient des danses cléricales, pratiquées lors des grandes fêtes surtout par les jeunes clercs, qui étaient normalement privés de divertissement le reste de l'année. Yvonne Rokseth pense que l'Eglise n'a pu déraciner des usages certainement antiques liant danses et rites sacrés. La danse profane du peuple est proscrite en théorie, mais, au XIIIème siècle, sa vogue est immense et déborde largement les interdits. La danse religieuse est, elle, tolérée dans les cloîtres, en dehors des offices, pour les plus grandes fêtes: Noël, Pentecôte, et surtout Pâques. Il s'agit de divertissements pieux, loin de certaines bouffonneries médiévales (Fête des Fous, etc...), mais compatibles avec le respect naïf des mystères. Quelques miniatures nous montrent de jeunes clercs, en ligne ou en cercle, se tenant sagement par les mains levées, et dont les mouvements n'ont manifestement pas le caractère débridé des caroles profanes (tapement du pied, mîmes...).

     Nous sommes aujourd'hui frappés par la grande simplicité textuelle et mélodique de ces rundellus, qui témoignent peut-être de réminiscences d'époques beaucoup plus anciennes, étant très probablement l'adaptation latine aux fêtes liturgiques du rondeau français, qui existait avant Abélard et les premiers troubadours (maïeroles, etc...).Cette grande simplicité entraîne beaucoup de force et d'équilibre. Nos rundelli sont tous monodiques, mais leur structure : aa' ab a'b' (lettre seule : soliste, lettre primée : choeur) se prête particulièrement à tous les arrangements: alternance de solistes ou de groupes de solistes (23), de voix graves et aigües (7,9,12), chants à la quinte (6,12,19), bourdon ou faux-bourdon (1,12,19,18), "tuilage" des voix (11,21), percussion (7,9,12,18,23) ou chant non rythmé (11) ...

    Notre manuscrit nº 927, après ces quelques dizaines de pièces musicales qui tiennent en 18 folios seulement, se termine par de très longs textes (plus de 200 feuillets!) d'inspiration pieuse, relatant des miracles ou la vie de grands saints.

     Nous avons choisi, pour compléter ce programme, différentes pièces liturgiques dédiées à St Martin, tirées d'autres manuscrits, notamment du n°149 de la Bibliothèque Municipale de Tours: un magnifique bréviaire à l'usage de St Martin-de-Tours, daté d'avant 1323, dont la splendide écriture très soignée témoigne très clairement des usages monastiques de la Touraine du XIIIème siècle. Ces pièces sont: une hymne chantée lors de la fête de la Réversion de St Martin, deux antiennes "ad magnificat", ici sans leurs versets de psaumes, et trois répons extraits des vêpres dédiées à St Martin. Sur l'antienne O Martine, nous avons introduit une teneur en faux-bourdon, qui réhausse ainsi la beauté de la mélodie.

     Deux chants sont tirés du Magnus Liber de Florence: Virtus moritur et Alléluia Hic Martinus, alors que le motet O presul/O virtutis est extrait du grand recueil de motets de Montpellier. Son "double" fait l'éloge de Martin, le "triple" celui d'Augustin. Enfin, la fameuse prose d'Adam de St Victor, Gaude Syon, est tirée du Prosaire de la Sainte Chapelle, livre destiné à l'origine à la Chapelle de St Louis, mais qui émigra en Sicile dans les coffres de la cour de Charles d'Anjou, à destination de la chapelle St Nicolas de Bari. Il s'agit d'une des compositions religieuses les plus populaires du Moyen-Age, destinée au saint le plus adulé de la chrétienté occidentale.

Antoine GUERBER




Manuscritos de Tours
C A N T O S   F E S T I V O S   D E L   S I G L O   X I I I

     En los primeros años del siglo XIII, se inician casi al mismo tiempo cuatro obras importantes en Tours: la construcción de los palacios abaciales de San Julián y de Marmoutier, la reconstrucción de los coros de la catedral de San Gatien y el palacio abacial de San Martín. Los tres últimos tienen las dimensiones de una catedral, siendo la longitud total de Marmoutier de 116 metros. Se trata por tanto de obras y gastos extraordinarios para una ciudad que debía de contar menos de 20.000 habitantes ...

     A semejanza de las regiones de Champaña, Flandes y la Isla de Francia, la región de Turena goza en el siglo XIII de una prosperidad desconocida hasta entonces y que no recuperará sino después de haber pasado largos periodos llenos de dificultades. El siglo de San Luis es una época de desarrollo, aunque se deba particularmente a la progresión económica y demográfica de los dos siglos anteriores. La Iglesia de Tours es la primera en salir beneficiada de esta nueva prosperidad, tanto más cuanto que su autoridad está en pleno esplendor: el arzobispo de Tours ha salido vencedor, en 1201, del largo conflicto que le enfrentaba a la iglesia de Bretaña. Sin embargo, la ciudad episcopal es poco dinámica si se la compara a su rival, Châteauneuf.

     La ciudad de Tours se encuentra en efecto dividida en dos entidades, cada una replegada tras sus murallas: en el viejo asentamiento galo-romano se extiende la ciudad episcopal que en este siglo XIII tiende a aletargarse en la comodidad y la riqueza. La ciudad vive centrada en sí misma: se celebran numerosos concilios que apenas si interesan a los laicos. A unos cientos de metros se encuentra Martinópolis, que rápidamente se denomina Châteauneuf, un hervidero de actividad y dinamismo mercantil. El lugar ha ido creciendo desde el siglo V alrededor de la capilla donde se encuentra la tumba de San Martín, el santo obispo de Tours fallecido en 397. Su expansión hará que se una con la ciudad episcopal para formar una sola ciudad en el siglo XIV. La riqueza de Châteauneuf se manifestará incluso en su toponimia: ¡la parroquia de Nuestra Señora la Pobre cambiará su nombre por el de Nuestra Señora la Rica!

     En el centro del lugar, la próspera abadía de San Martín irá abriéndose poco a poco al lujo. En el año 1200 cuenta con unos 150 canónigos. La liturgia de la basílica conmueve a los numerosos peregrinos por su magnificencia: los días de fiesta están rodeados de solemnidades, colores y luces recalcados por la práctica de cantos polifónicos. El peregrinaje a la tumba de San Martín conserva todo su prestigio incluso si empieza a sufrir las consecuencias de la "competencia" de Jerusalén. Numerosos papas, así como todos los reyes de Francia, abades laicos de San Martín, vienen a arrodillarse en Tours, sobre todo Felipe Augusto en 1203, tras el asedio y reconquista de la ciudad.

     La inmensa popularidad de San Martín, tanto entre las gentes poderosas como entre las humildes, no decaerá nunca y dejará, evidentemente, muchos testimonios musicales. Las primeras composiciones en honor de San Martín, aparecen ya hacia los siglos X y XI no sólo en Turena sino en todo Occidente. Algunas de estas composiciones gregorianas se utilizarán de nuevo para crear obras polifónicas, particularmente en Tours.

     El manuscrito nº 927 de la Biblioteca Municipal de Tours constituye el entramado de nuestro programa. Un escriba provenzal lo copió a principios del siglo XIII a partir de un original que databa probablemente de 1070-1080. Su repertorio es "paralitúrgico", es decir, se compone de cantos religiosos pero que no se incluían en los oficios, y sin lugar a dudas, se relaciona con la región del Valle del Loira, provincia que pertenecía a los Plantagenêt (se cita en ellos incluso un episodio histórico acaecido en la diócesis de Nantes). Lo utilizaban pues los clérigos de las grandes abadías del Valle del Loira: Fontevraud, San Martín de Tours, Marmoutier, Fleury (San Benoît sur Loire), etc. No sabemos con precisión a quién se debe el manuscrito pero nos inclinamos a pensar (y quizá sea así) que lo copiaron los monjes de Marmoutier, una de las más importantes escuelas monásticas de la Alta Edad Media, fundada por San Martín, o bien por los monjes de la abadía de San Martín de Tours.

     Nuestro escriba provenzal no hizo alarde de mucho rigor. Los textos tienen muchas faltas, omisiones, estribillos mal intercalados ... Respecto de la música, en notas cuadradas, lo que era habitual en el siglo XIII, está escrita en tetragramas, a menudo sin claves, pero su lectura resulta más clara con las numerosas correcciones y tachaduras posteriores. La aplicación de los modos rítmicos, como ocurre con el repertorio contemporáneo parisino de la Escuela de Notre Dame, da lugar a pocas dudas sobre la interpretación musical. En realidad, la dificultad esencial de la lectura viene del mal estado del papel. El R.M. Tours nº 927 es probablemente el libro francés de papel más antiguo ya que no se trata de un pergamino (R. Dean).

     El manuscrito empieza con un gran drama litúrgico de Pascua. A continuación, sigue la parte seleccionada para nuestro concierto: 4 conductus en honor de la Virgen o del Espíritu Santo y 31 rundellus de los cuales sólo 22 tienen música. Se trata por tanto de la más importante colección de rundellus de la Edad Media, después del famoso Magnus Liber (manuscrito llamado "de Florencia'), la gran colección de la Escuela de Notre Dame de París, que contiene todas las composiciones de Léonin y de Pérotin. Los rundellus eran danzas clericales bailadas durante las fiestas sobre todo por los clérigos jóvenes para quienes era la única diversión en todo el año. Yvonne Rokseth opina que la iglesia no pudo desarraigar de las antiguas costumbres el vínculo de los bailes y los ritos sagrados. El baile profano estaba teóricamente proscrito pero en el siglo XIII tenía tal aceptación que se burlaban todas las prohibiciones. El baile religioso se toleraba en los claustros, fuera de los oficios, con motivo de las fiestas más importantes: Navidad, Pentecostés y sobre todo la Pascua. Eran diversiones piadosas, muy distintas de las bufonadas medievales (Fiesta de los Locos, etc), pero compatibles con el cándido respeto a los misterios. Algunas miniaturas nos muestran a jóvenes clérigos, en fila o en círculo, cogidos tranquilamente con las manos en alto y con movimientos carentes del carácter desenfrenado de las carolas profanas (pateados, mímicas, ...).

     Nos sorprende en la actualidad la sencillez textual y melódica de estos rondellus que quizá sean restos de épocas mucho más antiguas, constituyendo probablemente la adaptación latina a las festividades litúrgicas del rondo francés que existía ya antes de Abelardo y los primeros trovadores (mayerolas, etc). Esta gran sencillez conlleva mucha fuerza y equilibrio. Nuestros rondellus son todos monódicos pero su estructura, aa' ab a'b' (letra sola: solista, letra prima: coro) se presta particularmente bien a cualquier arreglo: alternancia de solistas o de grupos de solistas (23), de voces graves y agudas (7, 9, 12), cantos a la quinta (6, 12, 19) bordón o falso bordón (1, 12, 19, 18), superposición de voces (11, 21), percusión (7, 9, 12, 18, 23) o canto arrítmico (11) ...

     Nuestro manuscrito n° 927, tras esas decenas de piezas musicales contenidas en tan sólo 18 folios, se termina con unos textos muy largos (más de 200 pliegos) de inspiración piadosa, que narran los milagros o la vida de grandes santos.

     Para completar el programa, hemos elegido diversas composiciones litúrgicas dedicadas a San Martín extraídas de otros manuscritos, especialmente el nº 149 de la Biblioteca Municipal de Tours, un magnífico breviario utilizado en San Martín de Tours, fechado antes de 1323, cuya espléndida y esmerada escritura da un testimonio clarísimo de las costumbres monásticas de la Turena del siglo XIII. En la antífona O Martine hemos introducido una voz tenor en falso bordón que pone de realce la belleza de la melodía.

     Se han extraído dos cantos del Magnus Liber de Florencia: Virtus moritur y Alleluia Hic Martinus mientras que el motete O presul / O virtutis proviene del libro de motetes de Montpellier. Su "doble" elogia a Martín, el "triple" a Agustín. Para terminar, la famosa prosa de Adam de Saint Victor, Gaude Syon, proveniente del Prosario de la Santa Capilla, libro destinado en principio a la Capilla de San Luis pero que viajó hasta Sicilia en los baúles de la corte de Carlos de Anjou, con destino a la capilla de San Nicolás de Bari. Se trata de una de las composiciones religiosas más populares de la Edad Media, destinada al santo más adulado de la cristiandad occidental.

Antoine GUERBER




The Tours Manuscripts
13TH CENTURY FEAST-DAY SONGS


At the very beginning of the 13th century, four major building projects were undertaken virtually simultaneously in Tours: the construction of the abbey-churches of St Julien and Marmoutier and the reconstruction of the chancels in St Gatien Cathedral and the abbey church of St Martin. Of these four buildings, the latter three are the size of a cathedral, with Marmoutier 116 metres in length! The work and expense involved were thus extraordinary for a town whose population must have numbered considerably less than 20,000.

Like the Champagne region, Flanders, and the Île-de-France, 13th century Touraine was enjoying a time of hitherto unknown prosperity, which it was not to see again until it had first endured long periods of difficulty. The century was certainly one of achievement, even though it was reaping the benefits of the economic and demographic progress made in the two preceding centuries. The Church of Tours benefited greatly from this new prosperity, all the more so since it was extremely influential: in 1201, the Archbishop of Tours emerged victorious from the long conflict which had opposed him to the Church of Brittany. However, compared to its rival Châteauneuf, the episcopal city was not particularly dynamic.

The town of Tours was effectively divided into two separate entities, each entrenched behind its ramparts. The episcopal city, which in the 13th century had been lulled into sleepiness by comfort and wealth, was spread out over the old Gallo-Roman site. It was inward-looking and although many councils were held there, they paid scant attention to the laity. Several hundred metres away, the Martinopolis, quickly baptised Châteauneuf, was bubbling with activity and commercial dynamism. From the 5th century onwards, the small town which had grown up around the chapel containing the tomb of St Martin, Bishop of Tours, who died in 397, continued to expand, eventually reaching the episcopal city, to form a single town in the 14th century. The wealth of Châteauneuf was apparent even in its names, with the parish of Notre Dame la Pauvre (Our Poor Lady) being rechristened Notre Dame la Riche (Our Rich Lady)!

In the heart of the town, the prosperous St Martin's Abbey gradually acquired luxurious trappings. In 1200 it had almost 150 canons. The liturgy of the basilica struck the many pilgrims by its magnificence. Feast-days were full of solemn formality, colour, and light, set off by polyphonic chants. The pilgrimage to the tomb of St Martin remained highly prestigious, although it began to suffer a little "competition" from Jerusalem. Many popes, as well as all the kings of France, and the lay abbots of St Martin, came to meditate in Tours, in particular Philippe Auguste in 1203 after the siege and recapture of the town.

St Martin's immense popularity with the great and the humble alike never waned and naturally left many musical traces. The first compositions in his honour appeared around the 10th and 11th centuries not only in the Touraine, but throughout the west! Some of these Gregorian pieces were then re-used in polyphonic works, particularly in Tours.

Manuscript n°927 in the Tours Municipal Library provides a framework for our programme. It was copied in the first years of the 13th century by a Provençal scribe from an original probably dating from 1070-1080. Its repertoire is "paraliturgical", that is to say made up of songs which were religious, but not sung during services, and clearly relates to the Loire Valley region, a province belonging to the Plantagenets (it even mentions the diocese of Nantes and a historical episode which occurred there). It was therefore used by the clerics of the great abbeys of the Loire Valley: Fontevraud, Saint Martin-de-Tours, Marmoutier, Fleury (St Benôit-sur-Loire), etc... It is not known exactly who the manuscript was originally intended for, but it is tempting (and perhaps true) to think that it was copied for the monks of Marmoutier, one of the most important monastic schools of the Early Middle Ages, founded by St Martin, or for those of the Abbey of Saint-Martin-de-Tours.

Our Provençal scribe was not very careful. The texts contain numerous mistakes, omissions, wrongly-inserted refrains, etc... As far as the music is concerned, in square notation as was usual in the 13th century, and on staves of 4 lines, although the key signatures are often missing, it is nonetheless made easier to read by the many later additions and erasures. In addition, the application of the rhythmic modes, as with its contemporary, the Parisian repertoire of the School of Notre Dame, leaves little uncertainty as to its interpretation. In fact the main difficulty lies in the poor condition of the paper. Manuscript n° 927 in the Tours Municipal Library is perhaps the first French book to be written on paper and not on parchment (R. Dean).

The manuscript begins with a grand liturgical drama for Easter. Then comes the part chosen for our concert: 4 conducti in honour of the Virgin or the Holy Spirit, and 31 "rondelli" of which only 22 have music provided. This is therefore the second largest collection of medieval rundelli, after the famous Magnus Liber (known as the "Florence" manuscript), the great collection of the School of Notre Dame de Paris, which contains all the major compositions by Léonin and Pérotin. The rundelli were clerical dances, performed on the occasion of the big feast-days especially by the young clerics who were deprived of amusement for the rest of the year. Yvonne Rokseth thinks that the Church was unable to uproot ancient practices linking dancing and sacred rites. Popular secular dancing was forbidden in theory, but it was greatly in vogue in the 13th century and the ban was disregarded. Religious dancing was tolerated in the cloisters, outside services, and on the major feast-days of Christmas, Pentecost and Easter. These were pious amusements, far removed from the medieval buffoonery of the Feast of Fools for example, but compatible with a naive respect for the mysteries. Several miniatures depict young clerics, in a line or a circle, quietly joining their raised hands and who clearly are not performing the unbridled movements associated with the profane carols (foot-tapping, mimes ...).

Today, we are struck by the great textual and melodic simplicity of these rundelli which perhaps bear witness to memories of far earlier times, and are probably the Latin adaptation for liturgical festivals of the French rondeau, which existed before Abélard and the first troubadours (maïeroles, etc). This extreme simplicity brings with it great strength and balance. These rundelli are all monodic, but their structure - aa' ab a'b' (letter alone: soloist, prime letter: choir) - lends itself to all types of arrangement: alternating soloists or groups of soloists (23), deep and high voices (7, 9, 12), songs reset a fifth higher (6, 12, 19), bourdon or fauxbourdon (1, 12, 19, 18), "overlapping" voices (11, 21), percussion (7, 9,12, 18, 23) or non-rhythmic song (11) ...

Manuscript n°927, after these twenty or so pieces of music which take up only 18 folios, ends with some very long religious texts (more than 200 pages) telling the story of the miracles or the lives of the great saints. To complete the programme, we have chosen various liturgical pieces dedicated to St Martin and taken from other manuscripts, in particular n°149 from the Tours Municipal Library, a magnificent breviary, dating from before 1323, for the use of St Martin-de-Tours, and whose splendid, meticulous writing bears clear witness to monastic customs in 13th century Touraine. Over the antiphony O Martine, we have introduced fauxbourdon, enhancing the beauty of the melody.

Two songs have been taken from the Florence Magnus Liber: Virtus Moritur and Alleluia Hic Martinus, whilst the motet O presul/O virtutis is taken from the Montpellier collection of motets. Its "double" is in praise of Martin, the "triple" in praise of Augustin. Finally, the famous prose by Adam de St Victor, Gaude Syon, is taken from the Prose Book of the Sainte Chapelle, a book originally intended for the Chapel of St Louis, but which emigrated to Sicily in the coffers of the court of Charles of Anjou, and ended its journey in the chapel of St Nicholas of Bari. It was one of the most popular religious compositions of the Middle Ages, intended for the most adulated saint in the history of western Christianity.

Antoine Guerber
Translation: Elisabeth Guill