Musique en Aquitaine au temps d'Aliénor (XIIe s.)
Chants de Troubadours et versus aquitains / Diabolus in Musica





medieval.org
Éditions Plein Jeu DMP 9105 C

1990








1. Noster cetus psallat letus  [3:15]
versus | BN lat. 1139 | (Texte: W. Arlt)

2. Pos de chantar m'es pres talentz  [5:10]  GUILLAUME IX
MÉLODIE: CHIGI 84 | (Texte A. Jeanroy)

3. Dirat vos senes duptansa  [8:09]  MARCABRU
MÉLODIE: R | (Texte de Dejeanne)

4. La doussa votz ai auzida  [6:27]  Bernart de VENTADORN
(Texte de M. Lazar)

5. Novus annus dies magnus  [2:04]
versus | BN lat. 1139 | (Texte: Raillard)

6. Letamini plebs hodie fidelis  [2:57]
versus | BN lat. 1139 | (Texte: W. Arlt)

7. Senescente mundano filio  [2:40]
versus | BN lat. 3549 | (Texte: M. Pérès)

8. O Maria Deu maire  [3:25]
versus | BN lat. 1139 | (Texte: P. Meyer)

9. No sap chantar qui so non di  [7:55]  Jaufré RUDEL
MÉLODIE : R | (Texte: Jeanroy)

10. Puois a·ls baros enoia e lor pesa  [9:44]  Bertran de BORN
MÉLODIE: D | (Texte: Berry)

11. Ja nuns hons pris  [4:52]  RICHARD Cœur de Lion
MÉLODIE: CH. CANGÉ | (Texte: J. Beck)

12. Catolicorum concio  [1:49]
versus | BN lat. 1139 | instrumental

13. Laude jocunda  [3:02]
versus | BN lat. 3549 | (Texte: W. Arlt)

14. Be deu hoi mais  [0:51]
versus | BN lat. 1139 | (Texte: Treitler)

15. In hoc anni circulo  [3:08]
versus | BN lat. 1139 | (Texte: P. Meyer)






ENSEMBLE DIABOLUS IN MUSICA
Direction : Dominique TOURON

Antoine GUERBER — chant, guiterne
Florence REBEYROLLE — vièle à archet
Dominique TOURON — chant, symphonie, guitare sarrasine, luth, oud
Pierre TOURON — flûte à bec, psaltérion

avec la participation de
Bernard JANSSENS — chant





ENREGISTREMENT:
chants de Saint-Martial les 9 et 10 février 1990
dans l'église Saint-Martin de Montphélix à Pondaurat (Gironde)
chants de troubadours les 8, 9 et 10 juin 1990
dans l'église plus intime de Saint-Christophe d'Esquerdes (Lot-et-Garonne).

Digital recording : Emmanuel THERY
Digital editing : Musica Numeris
Pre-mastering : DIGIPRO Brussels
Production : Editions PLEIN JEU
30, Chaussée des Francs
B-1300 WAVRE (BELGIQUE)

EDITIONS PLEIN JEU DMP 9105 C

Traduction des textes latins: J.-L. Laugier


INSTRUMENTARIUM
Guiterne, Cl. RYDER, Paris 1987
Viele à archet, P. TODMAN, Paris 1985
Symphonie, J.N. GRANDCHAM, Dijon 1979P
Luth, G. RYDER, Paris 1986
Flûtes à bec, O. DELESSERT, Suisse 1988
Psaltérion, instrument traditionnel égyptien
Guitare sarrasine, instrument traditionnel turc
Oud, instrument traditionnel turc


SOURCES MANUSCRITES
Paris,
– B.N. lat. 1139 (versus et drames médiévaux de l'école de Saint-Martial);
– B.N. lat. 3549 (contient notamment 19 pièces polyphoniques à 2 voix; prov. Saint-Martial de Limoges);
– B.N. fr. 22543 (Chansonnier d'Urfé; contient 1165 poèmes en langue d'oc, dont seulement 160 avec mélodies);
– B.N. fr. 12615 (Manuscrit Noailles; chansons de trouvères et motets);
– Chansonnier Cangé (B.N. fr. 846);
Rome,
– Bibl. Vatic., Chigi 84.



Nous remercions chaleureusement Messieurs Patrick CHATARD, Denis LALANDE, Jean-Louis LAUGIER, Paul-Augustin DEPROOST, le Maire de Pondaurat, l'association des amis d'Esquerdes, ainsi que tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à cet enregistrement.




English liner notes (adapted)









LA MUSIQUE EN AQUITAINE AU TEMPS D'ALIÉNOR

Lorsque nous avons commencé à nous intéresser à la poésie lyrique des troubadours, nous avons été particulièrement séduits par la sobriété mélodique et l'authenticité de l'émotion poétique des premiers d'entre eux: les troubadours de l'Aquitaine, au début du XIIe siècle. Le contexte historique de ces poètes est marqué par la haute figure d'Aliénor, dont la vie, le rôle politique et l'action sociale sont bien connus des historiens... Mais son siècle est aussi celui de l'art roman à son apogée, des premiers essais d'architecture gothique, le siècle de la chevalerie et de ses prolongements littéraires: la lyrique courtoise des troubadours dans le midi, la littérature romanesque dans le nord. Il suffit ici de citer les noms de Bernard de Ventadour et de Chrétien de Troyes pour définir le rayonnement culturel de la cour d'Aquitaine, mais aussi son rôle de tout premier ordre dans la mise en place du nouveau code social courtois, qui donnera à l'histoire de la femme et de l'amour en Occident un de ses plus beaux chapitres. L'éminente romaniste belge Rita Lejeune a consacré au rôle littéraire d'Aliénor et de sa famille une étude qui met clairement en évidence l'action décisive de «la reine des troubadours» en faveur du développement et de la diffusion de la poésie lyrique en langue d'oc. Tout à la fois protectrice et inspiratrice des poètes, elle était elle-même la petite-fille du premier troubadour connu, Guillaume IX, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine; cette ascendance seigneuriale marquera le cœur et l'intelligence de cette «femme incomparable» de deux passions irréductibles et admirablement complémentaires chez elle: l'amour et la littérature.

Mais, en parfaite harmonie avec cet engouement remarquable d'une cour séculière pour l'art des poètes, la création musicale de ce temps doit aussi son excellence à l'invention de nouvelles formes esthétiques imaginées dans le silence d'une abbaye: Saint-Martial de Limoges. Car au XIIe siècle, poésie et musique ne font qu'un, et les mélodies dans lesquelles les troubadours glissent leur nouvelle poésie s'alimentent peu ou prou aux innovations liturgiques encouragées tout à la fois par la nouvelle acoustique et la nouvelle symbolique du miracle roman. Pour avoir une idée plus complète de l'environnement musical de la cour d'Aliénor, il nous a dès lors paru utile de prendre en compte l’œuvre de Saint-Martial de Limoges, où une magnifique collection de pièces liturgiques et surtout paraliturgiques atteste la présence d'un foyer de création artistique particulièrement actif et original dans la région même et au moment où apparaissent les premiers troubadours. Certes les thèmes de la nouvelle lyrique courtoise en langue d'oc n'autorisent que quelques rapprochements accidentels avec le répertoire des tropes limousins; mais il est aujourd'hui avéré que la forme poétique et musicale de la poésie des troubadours emprunte ses structures mélodique, strophique, cadentielle et même rythmique au répertoire des versus ou tropes aquitains. Dans ses travaux musicologiques, Jacques Chailley relève entre les chants de Saint-Martial et la lyrique des troubadours des similitudes qui trahissent plus qu'une rencontre fortuite: il y a une parenté indéniable entre le mélisme, les rapports syllabiques et les cadences d'origine grégorienne que l'on trouve dans les pièces des plus anciens troubadours et l'articulation des mélodies liturgiques conservées dans les manuscrits de Saint-Martial.


LES TROUBADOURS AQUITAINS

Si l'époque romantique nous a laissé des troubadours l'image de personnages pâlots et mièvres, poètes itinérants et le luth à l'épaule, la réalité est tout autre. Le premier des troubadours connus est un personnage de haut rang puisqu'il s'agit du neuvième duc d'Aquitaine, Guillaume, grand-père d'Aliénor, seigneur d'un territoire immense et plus puissant que le roi de France lui-même. Personnalité riche et complexe, Guillaume IX fut plusieurs fois excommunié pour son insolence et la légèreté de ses mœurs. Cela ne l'empêche pas de s'adonner à la poésie et à la musique, et il est apparemment le premier poète à hisser la langue d'oc à un haut niveau littéraire. Guillaume IX «invente» également la fin'amor, ce code de l'amour courtois où la «dame» devient le «suzerain» du poète amoureux et où les sentiments sont désormais dictés par le «service d'amour». De ce personnage haut en couleurs il nous reste onze poèmes seulement, mais la plupart des thèmes que développeront les troubadours pendant deux siècles s'y trouvent déjà. Voici ce qu'en dit Régine Pemoud: «C'était un de ces êtres hors série dont les désordres découragent les bonnes volontés les plus indulgentes, mais qui rachètent leurs incartades par l'éclat de leur personne, par leur générosité et parce qu'ils sont aussi insoucieux d'eux-mêmes que des autres, et capables de repentir». Et précisément, son dernier poème Pos de chantar m'es pres talenz est un adieu au monde et à la gloire chevaleresque, très sobre et très moderne de ton, qui nous touche par ses accents de détresse sincère et sa strophe harmonieuse composée d'octosyllabes aux rimes AAAB, dont la dernière reste la même dans tout le poème. Cette pièce de Guillaume de Poitiers est la seule dont nous ayons conservé la mélodie; elle présente le même style musical que la mélodie initiale du trope Annus novus in gaudio, extrait du fameux manuscrit SM1 de Saint-Martial (act. Paris, B.N., lat. 1139).

Le flambeau de la poésie aquitaine est vite repris par deux troubadours gascons, Cercamon et Marcabru. Si la musique de Cercamon est perdue, quatre mélodies de Marcabru ont été conservées, et elles manifestent des similitudes incontestables avec le répertoire martialien. Familier de la cour d'Aquitaine, Marcabru est un solide poète moralisateur; mais en même temps qu'il fustige le relâchement des mœurs où il se distingue par un «réalisme brutal et mysogine», ce poète chante aussi un sentiment sublimé de l'amour qui annonce par certains aspects les arcanes d'une poésie recherchée et hermétique. Son poème Dirai vos senes duptansa appartient à cette dernière inspiration du «style clos»; il présente une forme strophique complexe de 6 vers sur deux rimes AAABAB, toujours les mêmes pendant tout le poème, avec un refrain trisyllabique au quatrième vers. Son ami, Jaufré Rudel, dont la légende fit le prince de Blaye près de Bordeaux, fut un poète onirique, relativement secret. La thématique de la princesse lointaine et inaccessible, inspire presque toute son œuvre où flottent les brumes du rêve et la ferveur éthérée d'une idylle platonique: sa dernière chanson No sap chantar est une illustration désabusée de ce culte sans issue pour l'amor de lonh.

Parmi les troubadours qui ont vécu dans le sillage d'Aliénor, Bernart de Ventadorn est sans conteste le plus illustre. Déjà célèbre de son temps, ce poète dont la vida fa le soupirant d'Aliénor, vécut effectivement auprès de la reine à la cour de Poitiers et en Angleterre. Aujourd'hui encore, l'émotion exceptionnelle et l'invention formelle qui se dégagent des tendres poésies de Bernart nous touchent profondément. Les copistes du XIIIe siècle ne s'y sont pas trompés, en nous léguant quarante et une chansons dont vingt accompagnées d'une mélodie. Cette œuvre constitue ce que l'on a pu appeler «l'un des plus beaux cantiques d'amour qui aient jamais été écrits». La chanson La doussa votz ai auzida appartient au registre du grand chant courtois, qui se définit par le thème de la fin'amor et par une forme fixe d'élaboration savante. Le chant du rossignol qui réconforte le poète dans la première strophe inspire à travers tout le poème une mélodie aimable et douce. Mais cette note élégiaque est elle-même soutenue par une mise en forme strophique particulièrement complexe qui traduit une subtile «convenance» entre la division mélodique, l'entrelacement des vers, et les combinaisons des rimes (voir Histoire de la musique. La musique occidentale du moyen âge à nos jours, sous la direction de M.-C. BELTRANDO-PATIER, [Coll. Marc Honegger], Paris, Bordas, 1982, p. 66).

A l'inverse, Bertran de Born, seigneur du château de Hautefort dont il expulse temporairement son frère, est un poète curieux qui se fait l'apologue de la guerre et des champs de bataille. Il ne cesse de dresser les seigneurs les uns contre les autres; son idéal chevaleresque se réalise au combat et non dans la paix. Il attise les querelles entre les fils d'Aliénor et leur père Henri II, et il affronte notamment Richard Cœur de Lion avant d'en devenir le familier. Ce guerrier sans scrupule, toujours à la recherche de vengeances, est l'auteur de mâles chansons politiques ou sirventes. Son belliqueux Puois a·ls baros enoja suffit à lui mériter une place dans l'Enfer de Dante, parmi les fauteurs de scandale et de schisme (Divine Comédie, Enfer, XXVIII, 118-141). Richard, enfin, le fils préféré d'Aliénor, est lui-même un fort bon poète et un mécène. Il écrit sa fameuse complainte Ja nuns ons pris pendant sa détention en Allemagne lors de son retour de la croisade en 1193. Deux versions de cette rotrouenge, l'une en langue d'oc, l'autre en langue d'oïl, sont conservées; nous avons enregistré la deuxième version, composée de six strophes de cinq vers monorimes décasyllabiques et d'un refrain variable de six syllabes terminé par le mot pris.

Ce programme est certes loin d'être exhaustif: plus de vingt troubadours sont nés et ont œuvré sur un territoire qui correspond à l'actuelle Aquitaine; ils ont chanté pendant près de cent cinquante ans, dans une langue chaleureuse et sensuelle, leur vénération pour la femme, pour la domna.


SAINT-MARTIAL DE LIMOGES: LE RÉPERTOIRE AQUITAIN

Dès la fin du VIe siècle, une petite chapelle limousine abrite le tombeau de saint Martial, où ont déjà lieu des pèlerinages. En 848, les gardiens du tombeau adoptent la règle de saint Benoît, et en 1063, l'abbaye de Saint-Martial passe sous l'autorité de la congrégation de Cluny, très favorable au développement des formes artistiques, de la musique et de la poésie notamment. L'abbaye connaît son apogée au XIIe siècle. En fait, Saint-Martial n'est pas un centre unique ni isolé, mais ce monastère constitue le cœur rayonnant d'une activité culturelle qui touche toute l'Aquitaine et, au-delà, une partie importante de l'Occident médiéval.

La plupart des manuscrits médiévaux de Saint-Martial sont de provenance variée et ont été rassemblés au cours des XIIe et Mlle siècles par les bibliothécaires successifs de l'abbaye; seul un petit nombre de ces manuscrits a réellement été composé dans le scriptorium de Saint-Martial même, qui semble avoir été l'un des tout premiers centres, avec Jumièges et Saint-Gall, pour la composition des «tropes». L'un des premiers tropaires, ou recueil de tropes, connus, qui date de 933/936 est originaire de Saint-Martial. Dans son principe, le trope, qui est une pièce lyrique indépendante insérée à l'intérieur de la liturgie, ouvre une véritable brèche dans le répertoire grégorien, qui, par son caractère sacré et immuable, avait stratifié toute créativité. Les poètes et musiciens monastiques s'engouffrent dans cette brèche et, peu à peu, gagnent une certaine autonomie par rapport au chant sacré, pour créer, en définitive, des pièces para-liturgiques entièrement nouvelles, tant sur le plan poétique que sur le plan musical. C'est précisément dans ce domaine des novae canticae (ou chants nouveaux) que les tropeurs de Saint-Martial se montrent particulièrement inventifs. On voit apparaître une poésie liturgique originale, de structure strophique souvent raffinée, qui se plaît à manipuler toutes sortes de jeux littéraires comme les répétitions de mots, les effets d'écho, les assonances, les rimes, ou autres inventions prosodiques, inconnus du vieux fonds grégorien tout entier inspiré par la Bible.

Le manuscrit le plus riche en versus est le Paris, B.N., lat. 1139 de l'extrême fin du XIe siècle. Outre de nombreuses pièces de circonstance, ce manuscrit contient quelques œuvres où l'occitan fait l'une de ses premières apparitions comme langue poétique, au moment où Guillaume IX élabore sa propre poésie. Trois de ces pièces figurent sur cet enregistrement: O Maria, Deu maire est un chant à la Vierge qui se chante sur la mélodie bien connue de l'hymne Ave maris stella; Be deu boi mais pourrait bien être la strophe finale d'une vie ou d'une «geste» de saint récitée à l'Office de Matines: on y reconnaît le vers décasyllabique à césure mineure et la laisse monorime de la Chanson de Roland; In hoc anni circulo est un chant de Noël où les strophes latines alternent avec les strophes en langue d'oc. Cet enregistrement présente également deux versus latins extraits du même manuscrit: Novus annus célèbre l'année nouvelle et contient un refrain; Letamini plebs hodie fidelis offre un aspect très fleuri à l'intérieur d'une forme strophique. Enfin, ce manuscrit contient quelques polyphonies à deux voix parmi les plus anciennes de ce style; nous en proposons deux exemples: Noster cetus, de style syllabique est une polyphonie note contre note, et Catholicorum concio est une pièce de style plus orné.

Deux pièces polyphoniques du XIIe siècle extraites d'un autre manuscrit complètent ce bref panorama d'un répertoire exceptionnellement riche: Laude jocunda et Senescente mundano filio.



BIBLIOGRAPHIE

– R. LEJEUNE, Rôle littéraire d'Aliénor d'Aquitaine et de sa famille, dans Cultura Neolatina, t. 14 (1954), p. 5-57.
– J. CHAILLEY, L'école musicale de Saint-Martial de Limoges jusqu'à la fin du XIe siècle, Paris, Les livres essentiels, 1960.
– P. BEC (éd.), Anthologie des troubadours. Textes choisis, présentés et traduits par Pierre Bec avec la collaboration de Gérard Gonfroy et de Gérard Le Vot. Edition bilingue (Coll. Bibliothèque médiévale, t. 1341), Paris, Union Générale d'Editions, 1979.
– P. BEC, La lyrique française au moyen âge (XIIe-XIIIe s.), 2 vol., Paris, Picard, 1977-1978.
– R. GUIETTE, D'une poésie formelle au moyen âge, Paris, Nizet, 1972.
– J.-C. PAYEN, Le prince d'Aquitaine, Paris, H. Champion, 1980.
– A. JEANROY, Les chansons de Jaufré Rudel (Coll. Les Classiques français du moyen âge), Paris, H. Champion, 1924.
– A. JEANROY, La poésie lyrique des troubadours, 2 vol., Paris, 1934.
– R. LAVAUD - R. NELLI, Les Troubadours, 2 vol. (Coll. Bibliothèque européenne ), Paris, Desclée de Brouwer, 1960-1966 (anthologie avec texte et traduction critique).
– H.-I. MARROU, Les troubadours (Coll. Points. Histoire), Paris, Seuil, 1971.
– J. BECK, Le Chansonnier Cangé, Genève, Slatkine Reprints, 1976.


ENSEMBLE «DIABOLUS IN MUSICA»

Passionnés par les musiques médiévales, les membres de cet ensemble participent à leur redécouverte et leur renouveau actuel. Avec l'aide de spécialistes, ils consacrent une grande partie de leur temps à l'étude préalable des manuscrits et à un travail musicologique indispensable pour une approche qui respecte au mieux l'authenticité de ces répertoires. Une écoute attentive des musiques de tradition orale et une étude organologique complètent cette approche théorique de l'art musical du moyen âge. DIABOLUS IN MUSICA, jeune ensemble aquitain, a naturellement consacré son premier enregistrement à l'extraordinaire patrimoine musical de sa région; il a souhaité faire redécouvrir par une interprétation vivante cette parenté entre deux répertoires musicaux particulièrement attachants, qui se sont développés parallèlement à la même époque et dans la même région: l'Aquitaine du XIIe



MUSIC IN AQUITAINE IN THE DAYS OF ELEANOR

When we started taking an interest in the lyric poetry of the troubadours, what particularly appealed to us was the sober melodic style and the genuine poetic emotion of the earliest of them: the troubadours of Aquitaine at the beginning of the twelfth century. The historical period in which these poets lived is dominated by the prominent figure of Eleanor whose life, political role and social action are well known to historians... But what exactly did this queen represent for the troubadours who lived in her circle? The study devoted to Eleanor's literary role by the Belgian romanist Rita Lejeune clearly shows that Eleanor, granddaughter of the first known troubadour and already called "queen of the troubadours" in her own time, contributed to the development and the circulation of lyric poetry written in langue d'oc by being both patron and inspirer to the poets. However, in order to have a more comprehensive view of the musical background of Eleanor's court, one must take into account the musical créativity of St Martial de Limoges, whose production of liturgical and para-liturgical pieces made its influence felt all over Aquitaine and beyond. Just as the troubadours, Eleanor cannot have been unaware of such a considerable musical production. In his musicological studies, Jacques Chailley has emphasized certain striking similarities between the St Martial pieces and the troubadour lyric. As interpreters, we could not fail to appreciate all the common points between these two repertories which developed alongside each other at the same period and in the same region: twelfth century Aquitaine. Consequently, we have brought them together on this recording.


THE “DIABOLUS IN MUSICA” ENSEMBLE

With a passion for all types of medieval music, the members of this ensemble are taking an active part in its current rediscovery and revival. Helped by specialists, they devote a great deal of their time to the preliminary study of manuscripts as well as to the musicological work that is essential to an approach aimed at respecting the authentic character of these repertories in the best possible way. Carefully listening to music transmitted by oral tradition and carrying out organological studies complement this theoretical approach to the musical art of the Middle Ages. As a young ensemble from Aquitaine, DIABOLUS IN MUSICA have naturally devoted their first recording to the extraordinary musical heritage of their region, hoping that their dynamic interpretation will contribute to its rediscovery.


THE TROUBADOURS OF AQUITAINE

While the Romantic period has left us with the image of troubadours as rather wan, insipid characters, travelling with their lutes on their shoulders, the reality is altogether different. The first known troubadour was a high-ranking figure, none other than Guillaume, ninth duke of Aquitaine, Eleanor's own grandfather, lord of an immense domain and more powerful than the king of France himself. A man with a rich and complex personality, Guillaume IX was excommunicated several times owing to his insolence and his loose morals. But this did not distract him from poetry and music and he seems to have been the first poet to raise the langue d'oc to a high literary level. Guillaume IX was also the "inventor" of the fin'amor (or courtly love), in which the "lady" becomes the "lord" (in the feudal sense of the word) of the lovelorn poet. Only eleven poems by this colourful character have come down to us but most of the themes developed by the troubadours over the next two centuries are already present in his poetry.

Following on quickly in his footsteps came two Gascon troubadours, Cercamon and Marcabru, who kept the flame of Aquitanian poetry burning brightly. While Cercamon's music is lost, four songs by Marcabru have survived and show clear similarities with the St Martial repertory. Marcabru, a poet who was often to be seen at the court of Guillaume IX, was a sound moralizer and a denouncer of the laxity of morals. His friend Jaufré Rudel, prince of Blaye near Bordeaux as legend would have it, was a somewhat secretive, oneiric poet. The "distant, inaccessible princess" is a recurrent theme in almost all his work, pervaded by a dream-like atmosphere. He was the first to use the melodic pattern which was later to become the classic: AB ABCDEF

Among the troubadours who lived in Eleanor's circle, Bernart de Ventadom is undoubtedly the most famous. Already renowned in his time, this poet who, according to his ‘vida’, was Eleanor's suitor, actually lived at the queen's court in Poitiers and in England. The exceptional quality of Bernart's poetry is still able to move us deeply today. The twelfth century copyists recognized his worth and passed on to us forty-one texts, twenty of which are accompanied by melodies.

Bertran de Born, lord of Hautefort, was a rather strange poet, an apologist of war and the battlefield. He was perpetually setting lords one against the other; his ideal of chivalry was fulfilled in combat, not in peace. He stirred up quarrels between Eleanor's sons and their father Henry II. In particular, he fought against Richard the Lion-Heart before becoming one of his companions. Richard, who was Eleanor's favourite son, was a very good poet himself as well as a patron of the arts. His famous lament "Ja nuns hons pris" was written during his captivity in Austria on his way back from a crusade in 1193. Two versions of it are preserved, one in langue d'oc, the other in langue d'oïl; we have recorded the second version.

The programme presented here is far from exhaustive; more than twenty troubadours were born and produced their work over a territory corresponding to the Aquitaine of today; for almost one hundred and fifty years, they sang in a warm and sensual language, expressing their veneration for women, for the domna.


ST MARTIAL DE LIMOGES: THE AQUITANIAN REPERTORY

From the end of the sixth century, the site of St Martial's tomb was a small Limousin chapel, already visited by pilgrims. In 848, the guardians of the tomb adopted the rule of St Benedict and in 1063, the abbey of St Martial passed under the jurisdiction of the Order of Cluny which was very favourable to the development of the arts, particularly music and poetry. The abbey reached its heyday in the twelfth century. In fact, St Martial was not a single, isolated centre but was at the heart of flourishing cultural activities all over Aquitaine, extending to an important part of the medieval western world.

Most of the St Martial medieval manuscripts come from various sources and were gathered together by the successive librarians of the abbey during the twelfth and thirteenth centuries; only a small number of manuscripts was actually composed in the scriptorium of St Martial itself. St Martial seems to have been one of the very first centres of trope composition. One of the first known collections of tropes, also called troparies, dates from 933/936 and comes from St Martial. Essentially the trope made a breach in the Gregorian repertory whose sacred, immutable character had rendered creativity very stratified. Poets and musicians rushed through this breach and gradually established their autonomy in relation to plainchant, so that eventually, entirely new pieces were created both from the poetical and the musical point of view. These novae canticae (or new songs) were precisely the domain in which the trope composers of St Martial showed the most creativity. There appeared some literary play on declensions, word repetitions, echo effects, play on sonorities, assonances, etc. Moreover, the Aquitanian repertory gradually changed from being produced for liturgical use to the para-liturgical, or even the secular.

The manuscript which is the richest in verse-songs or ‘versus’ (one of the new forms in this repertory) is the B.N., lat. 1139 dating from the very end of the eleventh century. Besides many occasional works, this manuscript includes several pieces in which the langue d'oc makes one of its first appearances as a poetic language, at a time when Guillaume IX was working on his own poetry. Three of those pieces can be found on this recording: ‘O Maria’, a song to the Virgin Mary adapted from the famous hymn ‘Ave maris stella’; ‘Be deu hoi mais’, which may well be the final stanza of a chanson de geste or of the life of a saint ; ‘In hoc anni circulo’, a Christmas song in which stanzas in Latin alternate with stanzas in langue d'oc. This recording also includes two Latin ‘versus’ from the B.N. lat. 1139 : ‘Novus annus’, which celebrates the New Year and has a refrain; 'Letamini plebs hodie fidelis', a piece in strophic form with a very florid style. Finally, this manuscript contains several pieces in two-part polyphony which are amongst the earliest we know of in this style; we have included two examples of it: ‘Noster cetus’, which is a polyphonic piece with a note-against-note, syllabic style, and 'Catolicorum concio', a much more ornate piece.

Two polyphonic pieces from another twelfth century manuscript complete this overall view of an exceptionally rich repertory: ‘Laude jocunda’ et ‘Senescente mundano filio’.


INSTRUMENTARIUM
Gittern, Cl. RYDER, Paris 1987
Bowed vielle, P. TODMAN, Paris 1985
Symphony, J.N. GRANDCHAMP, Dijon 1979
Lute, G. RYDER, Paris 1986
Recorders, O. DELESSERT, Switzerland 1988
Psaltery, traditional Egyptian instrument
Saracen guitar,  traditional Turkish instrument
Oud, traditional Turkish instrument

MANUSCRIPT SOURCES
“Paris, B.N. lat. 1139; B.N. lat. 3549; Chigi 84; R, B.N. 22543” Chansonnier Cangé, 8, B.N., Fr. 12615.

BIBLIOGRAPHY
– R. LEJEUNE, ‘Rôle littéraire d'Aliénor d'Aquitaine et de sa famille’ in Cultura Neolatina, t. 14 (1954), p. 5-57.
– J. CHAILLEY, ‘L'école musicale de Saint-Martial de Limoges jusqu'à la fin du XI° siècle’, Paris, Les livres essentiels, 1960.
– P. BEC (éd.), ‘Anthologie des troubadours’. A selection of texts presented and translated by Pierre Bec in collaboration with Gérard Gonfroy and Gérard Le Vot. Bilingual edition (Coll. ‘Bibliothèque médiévale’, t. 1341), Paris, Union Générale d'Editions, 1979.
– J.-C. PAYEN, ‘Le prince d'Aquitaine’, Paris, H. Champion, 1980.
– A. JEANROY, ‘Les chansons de Jaufré Rudel’ (Coll. ‘Les Classiques français du moyen âge’), Paris, H. Champion, 1924.
– A. JEANROY, la poésie lyrique des troubadours’, 2 vol., Paris, 1934.
– H.-I. MARROU, ‘Les troubadours’ (Coll. Points. Histoire), Paris, Seuil. 1971.
– J. BECK, ‘Le Chansonnier Cangé’, Genève, Slatkine Reprints, 1976.