Carlo GESUALDO da VENOSA / Deller Consort
Répons de l'Office des Ténèbres du Jeudi Saint



IMAGEN

medieval.org

LP: Harmonia mundi HM 220
1970
Boughton Aluph All Saints, Kent
CD: Harmonia mundi «Musique d'Abord »HMA 190 220
1987







CARLO GESUALDO DA VENOSA (v. 1560-1613)
Répons de l'Office des Ténèbres du Jeudi Saint
Premier, second et troisième Nocturnes


IN PRIMO NOCTURNO
01 - [4:57]
Responsorium 1. In monte Oliveti oravit ad Patrem
Versus. Vigilate et orate

02 - [5:05]
Responsorium 2. Tristis est anima mea usque ad mortem
Versus. Ecce appropinquat hora


03 - [9:04]
Responsorium 3. Ecce vidimus eum non habentem speciem neque decorem
Versus. Vere languores nostros ipse tulit

IN SECONDO NOCTURNO
04 - Amicus meus   [4:28]
Responsorium 4. Amicus meus osculi me tradidit signo
Versus. Bonum erat ei, si natus not fuisset homo ille

05 - [2:38]
Responsorium 5. Judas mercator pessimus osculo
Versus. Melius illi erat, si natus not fuisset





06 - [5:46]
Responsorium 6. Unus ex discipulis meis me tradet hodie
Versus. Qui intigit mecum manum in paropside


IN TERTIO NOCTURNO
07 - [8:01]
Responsorium 7. Eram quasi agnus innocens
Versus. Verbum iniquum mandaverunt adversum me

08 - [4:36]
Responsorium 8. Una hora non potuisti vigilare mecum, qui exhortabamini mori pro me
Versus. Quid dormitis? Surgite et orate

09 - [8:27]
Responsorium 9. Seniores populi consilium fecerunt
Versus. Collegerunt pontifices et pharisaei concilium



The Deller Consort
Alfred Deller

Honor Sheppard, Christina Clarke, sopranos
Alfred Deller, Mark Deller, contre-ténors
John Buttrey, Neil Jenkins, ténors
Maurice Bevan, Norman Platt, barytons





L’ŒUVRE DE GESUALDO (EN EXCEPTANT LES ÉDITIONS POSTHUMES) a été imprimée de 1594 à 1613. C'est l'époque où s'accomplissait en Italie une véritable révolution musicale et où la polyphonie cédait le pas à la monodie à basse continue, cette «seconda prattica» qui, avec Peri, Caccini et surtout Monteverdi, allait engager la musique sur la voie de l'opéra. Mais notre prince est un homme complexe qui a besoin pour s'exprimer d'un langage dense, riche de possibilités harmoniques et auquel conviendrait mal le dépouillement du récitatif. Il n'est pas, comme Monteverdi, un révolutionnaire; c'est un aristocrate qui n'est pas tenu de gagner l'admiration d'un «Padrone» et qui peut-être même n'écrivait que pour lui seul. Il ne participe donc absolument pas à ce mouvement nouveau et s'en tient aux vieilles formes de la polyphonie du XVIe siècle, le madrigal et le motet à cinq ou six voix a cappella.

Son œuvre profane comprend 125 madrigaux à cinq voix, répartis en six livres dont les quatre premiers ont été imprimés chez Baldini à Ferrare en 1594, 1595 et 1596, les deux suivants en 1611 à Gesualdo sur les presses personnelles du prince. Il faut y ajouter un septième livre posthume de madrigaux à six voix, publié chez Magnetta Naples.

Le musicien attache peu d'attention à la qualité des textes qui sont le plus souvent indigents. Pour lui, ils ne représentent que le matériel brut, le support indispensable de son inspiration musicale. Et cette inspiration est stimulée par quelques idées-forces exprimées par quelques mots-clefs, toujours les mêmes: la dame cruelle, l'amour ardent, la misérable vie, le sort douloureux, la morte plus souvent opposée à la vie. En fait le monde de la nature est absent du répertoire de Gesualdo. Seul l'intéresse le monde des hommes, leurs conflits, leurs angoisses, c'est-à-dire les siennes propres.

Peut-être moins célèbres que ses madrigaux, les œuvres religieuses de Gesualdo sont tout aussi remarquables. C'est peu après son retour de Ferrare et son installation définitive dans le Sud que le compositeur commença, semble-t-il, à consacrer aussi son art à l’Église. Des répons pour la Semaine Sainte, on ne possède qu'un seul exemplaire conservé à l'Oratorio dei Filippini de Naples. Leur sujet dramatique par excellence, puisqu'il s'agit de différents épisodes de la Passion, a inspiré à Gesualdo un style théâtral que servent admirablement les effets de contraste qui caractérisent sa manière. Hanté par sa propre mort, il ne pouvait que ressentir intensément celle du Christ qui lui dicte des accents particulièrement sincères.

Le «chromatisme» de Gesualdo a fait couler beaucoup d'encre, a soulevé la surprise, l'indignation ou l'admiration suivant les générations et les hommes. Il est malheureusement difficile de savoir ce qu'en pensaient ses contemporains. Certes, ils ne lui ont pas ménagé les éloges, souvent même dithyrambiques; mais qui aurait osé alors critiquer un prince? Fontanelli, dans sa lettre au duc de Ferrare lors de sa première rencontre avec Gesualdo, est assez réticent concernant la musique que celui-ci lui a fait entendre. Après avoir affirmé «il va de soi que son art est infini il conclut prudemment que tout est affaire de goût» et qu'il préférerait suspendre son jugement «jusqu'à ce que des oreilles plus raffinées eussent donné le leur».

Le prince de Venosa a été depuis sa mort l'un des musiciens les plus discutés. Les musicologues de la fin du siècle dernier ont émis à propos de son chromatisme extrême des opinions si opposées qu'on a pu parler d'une «controverse Gesualdo». Il a fallu attendre l'époque contemporaine pour qu'une adhésion totale soit donnée au fameux chromatisme de Gesualdo et pour qu'on apprécie à sa juste valeur son incomparable génie. Il faut en remercier les maîtres de la musique de notre temps qui, en nous entraînant à bien des incursions hors du système tonal et à des violations des lois sacro-saintes de l'harmonie classique, ont contribué à élargir notre monde sonore et à nous libérer des idées reçues.

d'après NANIE BRIDGMAN



WITH THE EXCEPTION OF SEVERAL POSTHUMOUS EDITIONS, ALL of Gesualdo's works were printed between 1594 and 1613. It was a time when averitable musical revolution took place in Italy, when polyphony gave way to monody over a basso continuo, that "seconda prattica" with which Peri, Caccini and above all Monteverdi put music on the path toward opera. But our Prince was a complex man who needed to express himself in a dense language, rich in harmonic possibilities, to whom the spare austerig of the stile recitativo was ill suited. Unlike Monteverdi, he was no revolutionary; he was an aristocrat who had no need to win the admiration of a patron andwho perhaps wrote only for himself. He did not participate at all in the new movement, but clung to the old polyphonic formas ofthe sixteenth century, the madrigal and the motetlqr five or six voices a cappella.

His secular œuvre consisted of 125 madrigals for five voices, divided among six books, of which the first four were printed by Baldini at Ferrara in 1594, 1595 and 1596, the two remaining in 1611 at Gesualdo on the Prince's personal presses. A posthumous seventh book of madrigals for six voices should be added, published by Magnetta at Naples.

The composer paid little attention to the quality of his texts, which were often poor. For him they represented nothing more than raw material, the indispensable support for his musical inspiration. And that inspiration is stimulated by several intellectual forces expressed by several key words, always the same: cruel woman, ardent love, miserable life, unhappy fate, death most often in opposition to life. To be true, the world of nature is absent in Gesualdo 's repertoire. Only the world of men interested him, their conflicts, their anguish.

Though less celebrated than his madrigals, the religious works of Gesualdo, many of which are still at present unknown, are also remarkable. It was a little after his return from Ferrara and his permanent settlement in the South that the composer, it seems, began also to consecrate his art to the Church. Only one example of the Responsories for Holy Week has survived preserved at the Oratorio of the Filippini in Naples. Their superb dramatic subject, different episodes from the passion of Christ, inspired in Gesualdo a theatrical style which admirably served the contrasting effects which characterize his manner. Obsessed by his own death, he could not help but identift intensely with Christ's which spoke to him in particularly sincere accents.

Much ink has been spilled regarding Gesualdo's chromaticism which has provoked surprise, indignation or admiration accordingto the generation or the individual. Unfortunately, it is difficult to know what his contemporaries thought ofhim. Certainly, they were not sparing in their praises, which were often dithyrambic, but who then would dare criticize a Prince? Fontanelli, in a letter to the Duke of Ferrara written at the time of his first encounter with Gesualdo is somewhat reticent concerning the music he had heard. After having affirmed that "his art is endless", he prudently concludes that "evegthing is a matter of taste" and that he prefers to suspend his judgment "until more refined ears have given theirs."

The Prince of Venosa, since his death, has been one of the most debated musicians. Late nineteenth century musicologists were of such widely opposed opinions concerning his chromaticism that one can speak of a "Gesualdo controversy". It was necessary to await the present time for total admiration to be given to Gesualdo's famous chromaticism and for his incomparable genius to be appreciated for its true value. One must thank the masters of music of our time who, by leading us into incursions outside the tonal system and violations of the sacrosanct laws of classical harmony, have helped to expand our sonorous world and free us from preconceived notions.