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Harmonia Mundi HM 396 (LP)
1977
A
ANONYME (fin 12e. siècle)
1. A l'entrada del temps clar [2:52]
voix mixtes, viéle, chitarra saracenica, tintinnabulum, tambour, tambour à grelots
PEIROL (1180—env. 1225)
2. Quant Amors trobèt partit [3:30]
voix, tambour
PEIRE VIDAL (env. 1175—1204)
3. Vida et Razos [8:04]
récitant, luth, flûte de berger, galoubet, cornemuse, tambour, tambourin, crotales
4. Barons de mon dan convit [9:47]
ténor, luth, tympanon, flûte à bec
B
BERNART DE VENTADORN (né env. 1125)
1. Quan vei la lauzeta mover [10:33]
chant, bûche
RAIMBAUT DE VAQUEIRAS (env. 1155—1207)
2. Vida [7:02]
récitant, vièle, rubebe
3. Calenda maia [9:47]
chant, vièle, rubebe, bûche, tambour-calice
Sources: Biblioteque Nationale, Paris: Fonds frs. 844, 846, 12615,
20050, 22543
Les interprètes:
CLEMENCIC CONSORT
René CLEMENCIC
René ZOSSO, chant et vielle à roue
Frederick URREY, ténor
René CLEMENCIC, flûte de berger, galoubet, flûtes à bec
Michael DITTRICH, vièles
Andras KECSKES, rubebe, chirarra saracenica
Anne OSNOWYCZ, bûche, tintinnabulum
Frantisek POK, cornemuse, tambour à grelots
Esmail VASSEGHI, tympanon, tambour-calice, tambour
Yves ROUQUETTE, récitant
Enregistrement Harmonia Mundi, Ⓟ 1977
réalisé en l'Eglise de Palaja, juin 1977
Prise de son et montage: Alberto Paulin
Traduction française des Chansons des Troubadours et
transcription des Vidas en occitan moderne: Yves Rouquette ©
Harmonia Mundi
Illustration. Jongleurs. Bibliothèque Nationale, Paris. Ms latin
1118, f. 111
Maquette: Relations
Distribuït per EDIGSA, Barcelona/1980
Durant la deuxième moitié du XIe siècle au plus
tard, le midi de la France devint le foyer d'un art de chant profane
important, rédigé dans la langue du
pays. Cette langue, appelée langue d'oc ou occitan —
d'après sa particule affirmative «oc», fut l'une des rares
langues vernaculaires à se hausser au style littéraire
grâce aux Troubadours. Elle est encore parlée aujourd'hui,
légèrement modifiée, dans le Languedoc, la
Provence, le Limousin et l'Auvergne.
Les poètes de cette école, qui furent aussi souvent les
inventeurs des mélodies de leurs poésies, sont
appelés Troubadours (Trobadors), trouveurs, inventeurs de
poésies et de mélodies. Cet art atteint son apogée
vers le milieu du XIIIe siècle, les événements
politiques y ayant contribué pour une large
part.
Les Croisades, la Croisade Albigeoise et l'annexion du pays par les
Français anéantirent cette culture autochtone. Mais l'art
des Troubadours devait influencer beaucoup d'autres cultures
européennes, telles celles d'Espagne et d'Italie. Les
trouvères français et les Minnesanger allemands
s'inspirèrent directement des Troubadours. Dante fut un grand
admirateur des Troubadours. Nous trouvons dans ses Canzoni des
vers en occitan.
Le thème central de la poésie troubadouresque est
l'amour. Il est aujourd'hui difficile de définir la conception
de l'amour courtois — où intervient le côté
magique, archaïque, mystique — car il concorde rarement avec
la notion plus tardive de l'amour romantique. Mais notre vocabulaire
contemporain conserve encore les notions de «courtoisie»,
d'«adoration», d'«adorateur».
La chanson d'amour des Troubadours est appelée canso.
C'est un poème à plusieurs strophes de construction
rythmique similaire. À côté du canso, les sirventès,
des chansons politiques et morales, empruntent souvent les
mélodies aux cansos. Proche du sirventès est l'enueg
(de «ennui»), une chanson assez rustre. Le tenso est une
dispute dialoguée. L'alba (l'aubade) a pour thème
la séparation des amants à l'aube, le mot «alba»
concluant chaque strophe. La balada et la dansa sont
des chansons à danser avec refrain. Parmi le genre de
poésie narrative, la pastorela tient une place à part.
Nous y retrouvons toujours le même schéma d'action: un
chevalier essaie en vain de séduire une bergère ou une
jeune paysanne souvent assez
délurée.
Les Troubadours étaient issus des diverses couches de la
population. Parmi eux, nous trouvons des rois, des nobles, des
bourgeois, des serviteurs, des jongleurs, des moines ou des
évêques. À la différence des Troubadours,
inventeurs de chansons, les jongleurs étaient des
interprètes professionnels. Parfois les Troubadours
étaient également les interprètes de leurs
chansons, comme il arrivait que les jongleurs sachent «trobar». Parmi
les troubadours et les jongleurs se trouvent également des
femmes. La plus célèbre «trobairitz» est la comtesse de
Die.
Les vidas (Vies) et razos (Raisons) qui nous sont
parvenu début du XIIIe siècle, étaient
récités par les jongleurs comme introduction à
leurs chansons. La fidélité historique y est
mêlée à la légende.
Les chansons étaient souvent interprétées au cours
de fêtes joyeuses. Dans le roman en vers Flamenca de la
première moitié du XIIIe siècle, les jongleurs
viennent après le festin : «Ensuite se levèrent les
jongleurs, tous voulant se fa ire écouter... Quiconque savait un
nouvel air de viole, une chanson, un descort, un lai faisait de son
mieux pour se pousser en avant... L'un joue de la harpe, l'autre de la
viole, l'un de la flûte, l'autre du fifre... L'un dit les
paroles, l'autre les accompagne, l'un joue de la cornemuse, l'autre de
la mandore... L'un fait jouer les marionnettes, l'autre a jonglé
avec des couteaux... L'un dit des vers de Marcabrun, l'autre conta de
Décale.»
C'est surtout l'influence mauresque venue d'Espagne qui a plus ou moins
modelé la technique d'exécution des chansons monodiques
des Troubadours. Lors des mariages princiers en Espagne, les jongleurs
étaient aussi bien arabes, juifs chrétiens. L'abbaye de
Saint Martial de Limoges, qui joua un rôle déterminant
dans la culture musicale, employait des esclaves musulmans. D'autre
part, par l'intermédiaire des croisades, les troubadours
et jongleurs furent aussi influencés par la musique et les
instruments arabes.
Dr. René Clemencic