Cantilènes & Chansons de Troubadours
J.L. Ochoa, L.J. Rondeleux





medieval.org
Harmonia mundi HMO [5]30.566

1964

10 Cantigas de Alphonse X le Sage
medieval.org
Harmonia mundi Opus 9 (LP 25cm, mono)

1964




A

1. Prólogo. Porque trobar  [1:49]
2. CSM 139. Maravillosos et piadosos  [2:06]
3. CSM 383. O ffondo do mar tan chão faz come a terra dura  [2:16]
4. CSM 320. Santa Maria leva  [1:56]
5. CSM 244. Gran dereit' é que mal venna  [2:01]
6. CSM 118. Fazer pode d'outri vive-los seus fillos  [2:11]
7. CSM 406. Ben vennas Maya  [1:29]
8. CSM 421. Nenbre-sse-te, Madre de Deus, Maria  [2:57]
9. CSM 226. Assi pod'a Virgen so terra guardar  [1:20]
10. CSM 340. Virgen, Madre groriosa  [5:03]

José Luis Ochoa, baryton

Enregistrement: Église Notre Dame du Liban, Paris, 1964


B

1. Raimon de MIRAVAL. Selh que no vol auzir cansos  [1:50]
2. Guiraut RIQUIER. Jhesu Crist, filh de Diu viu  [1:55]
3. Bernard de VENTADORN. Quan vei la laudeta mover  [2:48]
4. Folquet de MARSELHA. En cantan m'aven a mambrar  [3:44]
5. MARCABRU. L'autrier jost' una sebissa  [1:07]
6. Gaucelm FAIDIT. Fort chausa aujatz, que tot lo major dan  [5:56]
7. Peire VIDAL. Pois tornatz sui en Proensa  [2:24]
8. Jaufre RUDEL. Lanquan li jorn son lonc en mai  [1:31]
9. Guilhem Augier NOVELLA. Bella domna cara  [2:17]
10. Monge de MONTAUDON. Mout m'enoja s'o auzes dire  [1:12]


Louis Jacques Rondeleux, baryton
Roger Lepauw, vièle
Serge Depannemaker, tambourin

Enregistrement: Église Notre Dame du Liban, Paris, 1964







LES CANTIGAS D'ALPHONSE X LE SAGE

Si les musiciens avaient à cœur de connaître les monuments de leur antiquité, les 423 « cantigas » d'Alphonse X leur apporteraient, venu de la nuit des temps, le même témoignage que les peintres recueillent dans les fresques catalanes ou les sculpteurs, aux chapiteaux des cloîtres provençaux. Cette poésie et cette musique dont la lumineuse magie demeure, après sept siècles, sont pourtant connues depuis peu et par un petit nombre de spécialistes seulement.

Alphonse X, dit le Sage, (Sage étant ici synonyme de savant) régna sur la Castille et le Léon, au nord des royaumes arabes, entre 1252 et 1284 environ. Comme le roi David à qui il ressemble par plus d'un trait, il fut tout à la fois législateur, guerrier, savant, musicien et poète. Il mourut rongé, dit-on, par le chagrin d'avoir eu à soutenir une guerre civile contre son propre fils.

Son œuvre musicale et poétique a été réalisée dans des conditions mieux connues à présent, par l'étude et la transcription des magnifiques manuscrits retrouvés dans les bibliothèques de l'Escurial et l'exemplaire, originaire de Tolède, de la Bibliothèque Nationale à Madrid. Ils ont été publiés à Barcelone en 1943.

Alphonse le Sage entreprit cette collection de chants, presque tous consacrés à la poésie mariale, pour en doter le répertoire des fêtes liturgiques aussi bien que les fêtes de cour ou les célébrations populaires. On sait que les démarcations entre ces domaines étaient peu sensibles dans la musique espagnole jusqu'aux approches du XVe siècle et même après.

Aussi, dans cette véritable Bible musicale que sont les «  Cantigas » trouvera-t-on une synthèse magistrale de sources aussi diverses que les chants de troubadours, les liturgies ou les déchants populaires profanes venus des ténèbres wisigothiques, les hymnes d'origine orientale (byzantine ou hébraïque) et même certains rythmes de danses médiévales. Ce trésor musical contient ainsi l'essence de toute la musique apportée par les migrations successives qui ont traversé l'Espagne primitive — essence disciplinée par un maître d’œuvre n'ignorant au-cime des techniques de son temps — le XIIIe siècle — et innovant encore à partir de ces données.

Nulle part ailleurs une telle collection s'offre à l'étude de qui voudrait connaître les origines du chant populaire de l'Occident. Chansons épiques, chansons de geste, rondels monodiques, séquences, hymnes, chants provençaux, danses et chants de procession ou de pèlerins entrent encore dans la matière première qu'Alphonse le Sage a utilisée. Il faut enfin y ajouter le fond musical grégorien liturgique et l'apport inventif du XIIIe siècle qui se rencontrent en Espagne avec l'intense vitalité des musiques mozarabes et hébraïques.

Les « Cantigas » ne sont sans doute pas, au sens où nous l'entendrions aujourd'hui, l’œuvre personnelle du roi musicien. L'étude des manuscrits et de leurs enluminures révèle que sous sa direction et sur ses initiatives, une sorte d'« atelier » de musiciens d'origines diverses, exécutants, transcripteurs, exégètes ou simples copistes de recherche scientifique à la réunion, l'étude et l'analyse des éléments originaux de cet immense ouvrage. Alphonse le Sage dut probablement décider ensuite de la fusion à réaliser pour chaque pièce entre les versions orales ou écrites, différentes et peut-être parfois contradictoires, qui lui étaient soumises. Mais il n'y a pas de doute que certains morceaux sont simplement de son invention.

La langue employée dans les textes est le galicien, parlé dans tous les royaumes du nord de l'Espagne à l'époque d'Alphonse le Sage. Elle est proche des dialectes galiciens actuels et, partant, du portugais.

La manière exacte dont les «Cantigas» étaient chantées à l'époque demeure conjecturale. Les enluminures des manuscrits montrent divers instruments qui durent faire partie, au moins occasionnellement, de l'accompagnement. On a, choisi de les présenter ici sous leur aspect le plus dépouillé, qui en fera ainsi mieux mesurer la profondeur et la beauté sans artifice. Il en émane de la sorte un sentiment de concentration, de dynamisme intérieur.



CHANSONS DE TROUBADOURS

Les troubadours furent des maîtres qu'on ne saurait trop admirer ; non point tellement pour l'ingéniosité sans cesse renouvelée avec laquelle ils imaginèrent les plus subtiles organisations strophiques, mais pour l'heureuse alliance qu'ils réalisèrent du verbe, du son et du sentiment, sans qu'intervienne cependant ici un romantisme hors de cause.

En cette gerbe mélodique représentative quoique sommaire, l'amateur peut avoir idée des aspects changeants de l'art des troubadours: du Limousin à la Provence, de la Gironde au Dauphiné, des mélodies de genres ou formes variées ont été réunies, accompagnées par un discret soutien instrumental qui, s'il ne figure pas dans les manuscrits, n'en est pas moins attesté par tous les récits contemporains.

1. Raimon de Miraval chante ici une «canso» pour réjouir et sa Dame et ses compagnons : qu'il disparaisse du cercle amical, l'homme de peu de valeur qui ne connaît point l'enthousiasme ni le désir ! (Sellh que no vol auzir canso).

2. La «preguieyra» (prière) suivante, invocation au Christ, est l'une des plus belles inspirations musicales de Guiraut Riquier, le dernier troubadour, qui vit peu à peu se désagréger cette société courtoise dont il eut la nostalgie jusqu'à sa mort, vers 1300. (Jhesu Christ, filh de Diu viu, composé en 1275).

3. Quan vei la laudeta est sans doute l’œuvre la plus réputée de ce Prince du Trobar d'humble extraction, Bernart de Ventadorn. L'essor magnifique de la mélodie, le symbole poétique de la strophe initiale en font un petit chef-d’œuvre.

4. Folquet de Marseille offre ici un exemple de pure rhétorique courtoise en exprimant dans cette «canso» le désir de l'amant dédaigne. (En cantan m'aven a membrar).

5. Du limousin Marcabru, une pastourelle alerte mettant en scène, selon la tradition, le poète et une bergère, fille de chevalier et de vilaine. En dépit des avances pressantes dont elle est l'objet, la fille reste sage, voire sentencieuse. (L'autrier, jost' una sebissa).

6. Ce «planh» (plainte) est l'une des pages les plus célèbres du Moyen-Age dans lequel un autre limousin, Gàucelm Faidit pleure la mort de Richard I d'Angleterre, le Cœur de Lion (1199). (Fortz chosa oiaz).

7. Pois tornatz sui en Proensa (Puisque me voici de retour en Provence) est une «canso» composée par Peire Vidal lors du retour de Terre Sainte en son cher Marseille vers 1190. Le poète cherche à rendre sensible la douceur de l'attente amoureuse et la saveur d'un baiser dérobé.

8. La célèbre «canso» de Jaufre Rudel est aussi une expression délicate de la cortesa. Mourir d'amour pour une inconnue vivant en son lointain château-fort de Tripoli de Syrie paraît un symbole du bonheur inaccessible dont' se sont inspirés Henri Heine et Edmond Rostand. (Lancan li jorn son lonc en Mai)